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Miguel D’Agostino, le charme à la française
Avant de suivre comme son ombre Mauricio Pochettino à l'Espanyol Barcelone, Southampton, Tottenham ou au Paris Saint-Germain, c'est en France que Miguel D'Agostino a appris les rudiments du métier d'adjoint et séduit quiconque croisait sa route. En particulier au Stade brestois, un club que l'Argentin a justement retrouvé le week-end dernier (victoire 3-0 du PSG). Retour, d'Angoulême à Brest en passant par Niort, Wasquehal ou Perpignan, sur la reconversion prématurée, mais prévisible du nouveau confident de Neymar et Kylian Mbappé.
Août 2019. Récent finaliste de la Ligue des champions avec Tottenham, Miguel D’Agostino s’apprête à entamer sa sixième saison sur le banc des Spurs. À deux jours de la réception d’Aston Villa, l’adjoint de Mauricio Pochettino décroche son téléphone. Au bout du fil, son vieil ami Nicolas Usaï, en poste à Châteauroux et en pleine préparation d’un déplacement à Niort comptant pour la 3e journée de Ligue 2. Deux salles, deux ambiances. Et pourtant. « On a parlé 10 minutes de Tottenham, et une demi-heure de Châteauroux », confie l’ancien entraîneur de la Berri. Une anecdote révélatrice de la personnalité de D’Agostino, dépeint par ceux qui l’ont côtoyé comme un homme empathique, à l’écoute, fidèle, curieux et humble. Bref, un chic type, de ceux qui n’oublient pas d’où ils viennent. En l’occurrence, du football français : c’est en France, à mi-chemin entre amateurisme et professionnalisme, que l’Argentin s’est forgé, a passé la quasi-totalité de ses diplômes (en dehors de la licence pro UEFA, sésame requis pour coacher les pros) et posé les bases d’une carrière de technicien qui s’écrit depuis peu au PSG.
Un coach avant l’heure
Niort, Perpignan, Angoulême, puis Brest. Digne d’un commercial dans le Grand Ouest – congés estivaux inclus -, le parcours français de Miguel D’Agostino a donc débuté en 2000 dans les Deux-Sèvres, au sein du Chamois niortais d’Angel Marcos. Une expérience tronquée par des soucis récurrents à une cheville : un an et quatorze matchs de D2 plus tard, l’ancien joueur des Newell’s Old Boys, de la LDU Quito (Équateur), du CD Palestino (Chili) ou de la SD Compostela (D2 espagnole) est prié de se trouver un nouvel employeur et met le cap au Nord. Direction Wasquehal, club de la métropole lilloise évoluant alors dans l’antichambre du foot français, pour un essai non concluant. Du moins sur le plan sportif : hébergé à Villeneuve-d’Ascq dans le même hôtel que les recrues estivales nordistes, le défenseur central charme son monde. Notamment Robert Malm, initié aux plaisirs de la cuisine sud-américaine et persuadé d’avoir décelé en quelques semaines l’entraîneur sommeillant en l’Argentin.
« Il n’est pas resté longtemps, mais sur le peu qu’on a pu échanger, il m’a appris des choses sur les défenseurs, les anticipations, estime celui qui officie aujourd’hui comme consultant Ligue 2 sur la chaîne beIN SPORTS. Il avait déjà ce truc-là. À l’époque, je n’aurais pas été surpris qu’il devienne adjoint, je me disais que dans un groupe, ça devait être le parfait relais. » Ce rôle de relais, ou plutôt de joueur-entraîneur adjoint, D’Agostino va l’endosser en 2001-2002 en DH, où le Sporting Perpignan Roussillon végète depuis quatre ans et la rétrogradation administrative de D2 du FC Perpignan. Pour un inattendu rebond : au terme de la saison, Hervé et Philippe Goursat, respectivement entraîneur et président de l’AS Angoulême, lui proposent une pige en National. La reconversion attendra. Quelques mois seulement.
Cheville en vrac et main tendue
En Charente, le natif de Paraná distille la même impression qu’à Wasquehal. Sur le terrain comme en dehors. « Je me souviens d’un défenseur central dur sur l’homme, très bon tactiquement, décrit Usaï, qui, avant d’entraîner, a écumé les pelouses de National. Je suis profondément attiré par l’Argentine, et il m’a pas mal éclairé sur le pays. L’histoire, Maradona, Che Guevara… Mais je ne suis pas devenu son ami parce qu’il est argentin, mais parce qu’il a un grand cœur. » Et à cause d’une cheville récalcitrante, laquelle l’oblige à raccrocher les crampons à l’automne 2002, après seulement trois matchs joués. À 30 ans, Miguel D’Agostino prend place sur le banc charentais aux côtés d’Hervé Goursat. « À ce moment-là, il n’avait plus rien ou plus grand-chose, remet Philippe Goursat. On voulait lui donner l’opportunité de continuer dans sa passion, et lui tendre la main pour l’aider à rebondir dans une période difficile. Je ne le connaissais qu’en tant que joueur, mais c’est un garçon qui est tellement droit dans ses baskets qu’il ne faut pas six mois pour se rendre compte que c’est un mec bien. »
« Devenir entraîneur, je pense qu’il avait ça derrière la tête, embraye Usaï. Sur le terrain, il parlait beaucoup, communiquait beaucoup, surtout sur le plan tactique. On sentait qu’il avait cette fibre-là, après il fallait passer les diplômes. » La transition se fait sans encombre : « Il connaissait bien les joueurs pour avoir été dans le vestiaire avec eux, mais il a eu cette intelligence de mettre une certaine distance sans mettre des barrières. Il a très bien fait le lien avec Hervé. » Coups de pied arrêtés, animation des séances : progressivement, l’Argentin prend du galon. L’équipe, elle, joue les trublions en Coupe de France, ne rendant les armes qu’en quarts de finale – aux pénos – face au futur vainqueur, Auxerre. À l’heure de quitter Angoulême pour Brest, où l’attend un poste de manager général, Philippe Goursat ne manque pas de glisser D’Agostino dans ses valises.
Brest et la collection de casquettes
Son épouse, Karina, est elle embauchée au secrétariat du Stade brestois, dont elle gère les déplacements. Quelques années plus tard, elle donnera naissance à leur fils, né donc à Brest comme Gonzalo Higuaín. « Ça lui a permis de continuer sa route, de passer ses diplômes, et comme c’est un garçon loyal, honnête, intelligent et travailleur, ça a continué et il en est là aujourd’hui grâce à lui et personne d’autre », commente sobrement le dirigeant, invité en retour par son ancien protégé à assister à la finale de la C1 en 2019. Nommé adjoint d’Albert Rust à l’été 2003, D’Agostino élargit sa palette dans le Finistère, où il hérite de la préparation physique. « À l’époque, les staffs n’étaient pas très étoffés, et le club était en développement, on avait à peine un médecin et un kiné. Donc il avait plusieurs casquettes, c’était un super apprentissage pour lui. C’est quelqu’un de très humain, donc forcément, avec les joueurs, ça passait très bien, surtout qu’il parlait déjà un français parfait. Même si les résultats étaient parfois compliqués, il a toujours été dans le positif et la recherche. Il était déjà très pointu dans son domaine, ses séances étaient toujours intéressantes. Je ne sais pas s’il se voyait aller plus haut, mais il s’en donnait les moyens. »
L’éloge est signé Olivier Guégan, l’un des quelques tauliers recrutés en 2004 en vue de l’opération maintien en Ligue 2. Car un an après son arrivée en Bretagne, le duo Rust-D’Agostino est parvenu à replacer sur la carte du foot français un Stade brestois embourbé depuis 1993 en National, avec un intermède de trois ans (1997-2000) en CFA. Puis à le maintenir deux saisons de suite en L2. « Miguel et Albert formaient un duo très complémentaire, statue Robert Malm, chipé à Grenoble en janvier 2005. Miguel était très à l’aise dans ce rôle d’adjoint, un métier beaucoup plus compliqué qu’on ne le pense. Il savait faire le relais entre les joueurs, le coach et la direction. En matière de préparation athlétique, c’était déjà assez pointu, ce qu’il faisait : il aimait bien nous faire courir, nous faire souffrir, mais c’était pour le bien de tout le monde. Et il avait déjà ce truc sur le plan tactique. Il décortiquait tous les matchs, notait énormément de choses, était très méticuleux dans son travail. Les numéros 2 ont leur importance dans le travail tactique, l’animation du système, pour proposer une idée au numéro 1. Miguel le faisait très bien. »
Mès que un adjoint
Aux yeux de Malm, D’Agostino est même plus qu’un adjoint, rôle qu’il a rempli à Brest jusqu’au terme de la saison 2006-2007, où il était le bras droit de Thierry Janin : « C’est un numéro 1 bis, car il est extrêmement précieux. Les joueurs de Paris vont s’en rendre compte assez rapidement. » L’Argentin a même un temps été un numéro 1, en mars 2006, le temps d’assurer la jonction entre un Albert Rust débarqué et un Thierry Goudet intronisé. Un intérim assuré là encore avec « beaucoup d’intelligence. Il a su faire la part des choses, et n’a pas changé du tout au tout en passant numéro 1. De toute façon, il a toujours été honnête. Quand je n’étais pas bon, déjà comme adjoint, il n’hésitait pas à me le dire. À ce moment-là, il a peut-être senti que j’étais un peu moins bien. Les gens oublient souvent qu’on n’est pas des robots, qu’on peut avoir des défaillances, des émotions, des états d’âme. Miguel sait s’ouvrir, ressentir les choses, c’est l’une de ses grandes qualités. C’est pour ça qu’il est au plus haut niveau, pas parce que c’est le copain d’untel. »
Pour avoir passé – sur ses conseils – le DEF et fait chambre commune à Clairefontaine avec D’Agostino en 2005, Nicolas Usaï en sait quelque chose : « La capacité d’écoute, la bienveillance et l’empathie, ce n’est pas quelque chose qu’on apprend en formation, mais Miguel, c’est quelque chose qu’il a en lui. » Conclusion, signée Malm : « Vous pouvez lui donner les clés, et il fera en sorte d’ouvrir les portes de la réussite. » Ou celles du centre d’entraînement de Tottenham, où l’Argentin n’a pas manqué d’accueillir Olivier Guégan ou Nicolas Usaï venus bachoter leur diplôme. « Je me suis régalé, s’enthousiasme le second. À l’époque, j’entraînais à Sedan. Le centre d’entraînement est de très haut niveau, j’avais l’impression d’entrer dans une entreprise du CAC 40. C’est très pointu, c’est fabuleux. Mais le staff arrive à créer beaucoup de chaleur malgré tout. »
Le football, ce fléau
« Mauricio, Toni Jiménez, Jesús Pérez (les autres adjoints de Pochettino) et Miguel mangent et respirent football, rapporte Guégan. Quand j’y suis allé, c’étaient les premiers arrivés et les derniers repartis. Ils sont d’un grand professionnalisme et d’un engagement total quand ils sont dans l’action. » Y compris quand ils n’y sont pas, à entendre Nicolas Usaï : « Miguel ne décroche jamais vraiment, il a le souci de toujours se perfectionner, progresser, s’informer, se remettre en question. Il est très brillant, il maîtrise l’italien, l’anglais, le français et l’espagnol, mais il reste très simple. Même quand j’étais à Marseille Consolat, il s’intéressait aux problématiques que je rencontrais. L’humilité est un mot un peu galvaudé maintenant, mais Miguel l’incarne très bien. Et il arrive à allier cette simplicité avec le haut niveau. Il est très pointu sur la préparation athlétique, sur la tactique… Dès qu’il est inactif, il s’intéresse à beaucoup de choses. »
Ces temps-ci, D’Agostino était ainsi « à fond dans les datas. Il a pas mal rempli ses journées depuis son départ de Tottenham ». Dans son programme quotidien, l’adjoint historique de Pochettino a même trouvé le temps de mater quelques matchs de Ligue 2. « Quand j’étais encore joueur, il lui arrivait de me parler de certains de mes matchs, confie Malm. Il a gardé une affection profonde pour la France, pour cette Ligue 2 où il a évolué. Je ne dis pas qu’il regarde le multi-Ligue 2 chaque semaine, mais quand je l’ai au téléphone, il est capable de me dire : « Tiens j’ai vu tel match, c’était pas mal » ou « Tel joueur est intéressant. » Je suis sûr que si je lui demande où est Wasquehal aujourd’hui, il est capable de me répondre. » Très, très loin dans le rétro, lui répondrait D’Agostino s’il n’était pas si humble.
Par Simon Butel
Tous propos recueillis par SB.