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Migue et Pepe : les coqueluches des supporters espagnols à l’Euro
Aveugle de naissance, Miguel Machado alias « Migue » suit le parcours de la Roja accompagné de Pepe, son frère aîné. Supporter de Granada, il a pris l'habitude de se mettre torse nu pour encourager les siens et il est devenu la mascotte des supporters espagnols à l'Euro.
Au milieu des supporters espagnols tout de rouge vêtus, il détonne. « Migue » est torse nu et l’inscription « je ne te vois pas, mais je te sens » barre sa poitrine. Migue est non-voyant de naissance. Depuis tout jeune, il a attrapé le virus du Granadismo et est devenu la coqueluche du groupe des Malayerbas : « Depuis tout petit avec Pepe, on va voir les matchs avec mon père et ma mère et nos amis. Je suis le petit de la famille (rires). J’ai 19 ans et mon frère 21. » Pepe est toujours à côté de lui pour lui raconter le match et décrire les actions. Ils sont inséparables, sauf au moment de s’entretenir avec eux. Pepe doit en effet déclarer forfait à cause d’un violent mal de tête. « Mais tu n’oublieras pas de parler de lui, hein ?! » , s’inquiète le cadet. Il faut dire que les deux frangins sont demandés. Un community manager est chargé de faire le lien avec les journalistes, tout en les protégeant : « Ils ne sont pas habitués à avoir autant de sollicitations, il ne faut pas que ce soit trop long. » Depuis que la photo de Migue est devenue virale sur les réseaux sociaux, les demandes affluent pour découvrir leur histoire.
Parmi les meilleurs supporters espagnols
Tout démarre en 2013. El Dia Después, le cousin espagnol de J+1, leur consacre un reportage. On y voit Pepe prendre soin de son frère et Migue chanter avec « el alma y la garganta » (l’âme et la gorge), illustration parfaite d’un chant très populaire dans les stades espagnols. À l’occasion de l’Euro, la société basque Iberdrola, spécialisée dans la production et la distribution de gaz et d’électricité, organise un concours pour dénicher les 23 meilleurs supporters de la Roja. Ils sont contactés par l’intermédiaire d’un journaliste. Migue et Pepe entrent dans le top 5 et gagnent leurs billets pour la France. L’histoire des deux frères a touché beaucoup de monde et ils ont été sélectionnés. Le 28 décembre et el Dia de los Inocentes (le poisson d’avril espagnol) sont encore bien loin : le rêve devient réalité, façon Charlie et la chocolaterie, sauf que Willy Wonka a troqué les barres chocolatées pour des gazoducs.
Dans les colonnes du Granada Digital, Pepe tempère avec modestie : « Je suis sûr qu’il y a des histoires plus belles que la nôtre, mais peut-être qu’elle sort de l’ordinaire parce que Migue ne voit pas. » Pour Adrien Rodríguez, fondateur de la Peña Granada CF Francia, cette relation est d’autant plus belle qu’elle est naturelle et pas surjouée : « Ils ne font pas ça pour attirer l’attention des journalistes. Migue transmet une émotion fantastique. Il se transcende à chaque match à Carmenes. » Forcément, on est intrigué par sa perception d’un match : « On me demande toujours ce que je ressens, mais c’est difficile de répondre et de le matérialiser, explique-t-il. Selon le match, selon l’ambiance, tu vis la chose de manière différente. Ce qui est sûr, c’est que je ressens toujours beaucoup de joie et d’intensité à chanter pour Granada et la Roja. »
Sous le charme de la France et de Nolito
Si ce sont de grands supporters de la Roja, Migue et Pepe représentent Granada. Cette saison, l’aficion nazari a reçu le prix Premio Jugador 12. « J’ai dit à tous mes amis que nous représenterons notre pays, mais aussi Grenade durant cet Euro, puisqu’il n’y a aucun joueur du club dans les 23, dit Migue ému. Je suis très fier de représenter notre ville avec mon frère en France. » Adrien complète : « Migue et Pepe sont des symboles ce qu’est le Granadismo. Ce sont des personnes braves, simples, qui donneraient tout pour leur club. C’est un sentiment unique et inexplicable. »
L’enthousiasme de Migue est communicatif et il est manifestement ravi de vivre à l’heure française et de partager ces moments avec son frère : « Les gens en France ont tous été d’une grande courtoisie, très sympas avec nous. J’ai commencé à apprendre le français parce que le pays et la langue me plaisent. En ce moment, nous sommes à Bordeaux, c’est une très belle ville. » Pour couronner le tout, les hermanos ont eu la chance de rencontrer Nolito, ancienne gloire du club : « Quand il jouait à Grana, je l’adorais déjà. On a pu parler avec lui pour la première fois après l’entraînement. Il m’a même offert son maillot. Il est en tout point ce que j’imaginais de lui : sensible, humble, accessible, sympathique. Je n’arrive toujours pas à y croire ! » Après la démonstration contre la Turquie, Migue est très optimiste, à l’image de tous ses compatriotes : « Vraiment, je sens que l’Espagne va gagner cet Euro, désolé pour les Français (rires). Ojala ! En plus, le 10 juillet, c’est mon anniversaire, je vais avoir 20 ans. Fêter les deux à Paris, une ville que je rêve de visiter, ce serait parfait ! »
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