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Migjen Basha : « Bien sûr que Cana nous manque »
Quatrième de son groupe, l’Albanie n’a quasiment plus aucune chance d’accrocher la seconde place de barragiste dans un groupe dominé par l’Espagne et l’Italie. Migjen Basha, le milieu de terrain des Aigles et de Bari (Serie B), né à Lausanne (Suisse), ne s’en formalise pas. À ses yeux, l’Albanie continue de progresser, même si la retraite de Lorik Cana laisse selon lui un grand vide.
On ne va pas se mentir : avec six points en cinq matchs, la situation de l’Albanie dans le groupe G est quasiment synonyme d’absence en phase finale de la prochaine Coupe du monde…On savait au moment du tirage au sort que ce serait difficile. Et c’est le cas. L’Espagne et l’Italie sont supérieures aux quatre autres équipes du groupe (Albanie, Israël, Liechtenstein et Macédoine, ndlr). Cela se confirme au classement. Pour nous, c’est la défaite à domicile face à Israël (0-3, le 12 novembre 2016) qui fait mal. On encaisse un but sur penalty, on prend deux cartons rouges… Si on avait gagné ce match, la situation serait un peu différente. L’objectif, aujourd’hui, est de bien terminer ces qualifications, à commencer par le match en Israël, dimanche.
Contre l’Espagne (0-2) et en Italie (2-0), vous n’aviez pas démérité…Non, c’est vrai. À la mi-temps face aux Espagnols, il y a 0-0. Mais on prend deux buts vers l’heure de jeu, et ensuite, c’est difficile de revenir. Et en Italie, on encaisse très rapidement un but sur penalty à cause de moi ; et le second n’intervient qu’à dix minutes de la fin, alors qu’entre-temps, on a eu quelques occasions d’égaliser. Mais cela prouve que nous sommes capables de poser des problèmes à de grosses équipes. Notre souhait, c’est de se projeter vers l’Euro 2020.
L’Euro 2016 a-t-il laissé des regrets ?
Un peu, car nous aurions pu faire partie des meilleurs troisièmes après notre succès historique face à la Roumanie (1-0). La France a marqué ses deux buts contre nous dans les dernières minutes (2-0). Je pense que nous avons fait bonne figure en France pour notre première phase finale d’un grand tournoi. L’Albanie, c’est un petit pays, il ne faut pas l’oublier. On se professionnalise petit à petit, mais tout ne se fait pas en cinq minutes.
La nomination en février 2012 de Gianni De Biasi, votre sélectionneur italien, semble être l’acte fondateur de la progression de l’équipe nationale…Bien sûr. Il a changé beaucoup de choses. Tactiquement, il a beaucoup apporté. Lors des rassemblements de la sélection, il n’est pas rare qu’on s’entraîne deux fois par jour. Il est très exigeant sur l’aspect tactique, mais pas seulement. Au niveau de la diététique, depuis qu’il est là, c’est beaucoup plus encadré. Il paraît qu’avant lui, c’était un peu le bordel de ce côté-là. Moi, je ne suis arrivé en sélection qu’en 2013.
L’Albanie peut-elle espérer s’installer parmi les bonnes nations européennes ?Pourquoi pas ? Des moyens ont été déployés ces dernières années. Un nouveau coach, de nouvelles méthodes… Aujourd’hui, le fonctionnement de la sélection est beaucoup plus professionnel. Gianni De Biasi a également appelé beaucoup de nouveaux joueurs en cinq ans. Je pense qu’on peut progresser. Il faut qu’on arrive à se qualifier régulièrement pour des phases finales. On a un effectif qui a des qualités, il y a des jeunes qui arrivent et qui sont intéressants. Mais nous manquons aussi d’expérience.
La retraite de Lorik Cana après l’Euro n’a rien arrangé…En effet. Lorik a joué dans de très bons clubs européens. Il avait une grande expérience du haut niveau. C’était un leader, sur et en dehors du terrain. Il était écouté, respecté. L’Albanie a progressé aussi grâce à lui. Il a décidé de prendre sa retraite, il faut respecter son choix, mais moi, j’aurais bien aimé qu’il continue encore. Bien sûr que son départ a laissé un vide. Il nous manque.
Depuis que le Kosovo est affilié à l’UEFA et à la FIFA, plusieurs internationaux, dont des Albanais, ont décidé de rejoindre le nouveau venu. Étant d’origine kosovare, y avez-vous pensé ?J’ai effectivement mes origines au Kosovo. Mes parents y sont nés. Dans la région de Prizren, plus exactement. Je vais souvent au Kosovo, où j’ai encore beaucoup de famille. L’Albanie, je ne l’ai découverte que lorsque j’y suis allé pour la première fois en sélection. Et à chaque fois, j’essaie de découvrir un peu mieux ce pays. Car même si je suis né en Suisse, à Lausanne, et que j’ai joué pour les sélections suisses dans les catégories de jeunes, j’ai toujours voulu jouer pour l’Albanie.
Pourquoi ?
Kosovars, Albanais, c’est la même chose. C’est un peu la Grande Albanie. J’ai mis plusieurs années avant d’obtenir l’autorisation de porter le maillot albanais. J’aurais effectivement pu décider de jouer pour le Kosovo. Certains l’ont fait, pas moi. Chacun a ses raisons. Je joue pour l’Albanie, je me suis battu pour ça, je n’allais pas encore changer trois ans plus tard ! Chez mes parents, on parlait albanais, même si cela fait plus de quarante ans qu’ils sont installés en Suisse. Et chez moi, en Italie, avec ma femme et ma fille, on parle albanais. Même si je n’oublie pas tout ce que je dois à la Suisse, un pays que j’adore.
Et où vous pourriez revenir jouer ?J’ai quitté la Suisse très jeune, pour l’Italie. Pour Lucchese, en Serie C1. J’ai même joué en Serie C2, à Viareggio. En Italie, j’ai connu des galères, quand les salaires n’étaient pas payés, j’ai été blessé, mais j’ai aussi connu la Serie A avec le Torino. Je suis revenu en Suisse, à Lucerne, en 2015-2016, mais ça ne s’était pas très bien passé. Là, je suis à Bari, où j’ai un contrat jusqu’en juin 2018. Mais je pense effectivement revenir vivre en Suisse un jour ou l’autre. Je vais devoir me rapprocher de ma famille. La famille, c’est très important.
Propos recueillis par Alexis Billebault