Mieux vaut Traoré que jamais

Janvier 2014, Dmitri Rybolovlev n’a pas encore divorcé, le fair-play financier pas encore frappé. Et l’AS Monaco apparaît encore aux yeux de l’Europe du football comme un rival potentiel du PSG sur le marché des transferts. Vu que le milliardaire russe a de l’argent à claquer pour son jouet, il rend service à son pote Suleyman Kerimov, en lui achetant pour 10 millions d’euros son attaquant ivoirien Lacina Traoré. Le club princier n’a alors pas besoin du géant de 2 mètres – Radamel Falcao ne s’est pas encore fait les croisés -, mais le président de l’Anji Makachkala doit réduire la voilure et vendre ce qui peut l’être, quitte à perdre sur ses investissements initiaux, en l’occurrence 19 millions d’euros pour Traoré. Sitôt son contrat jusqu’à 2018 signé pour un confortable salaire mensuel de 250 000 euros, le natif d’Abidjan part en prêt à Everton. Où il se pète les ischio-jambiers après seulement un match – et un but – en FA Cup contre Swansea le 16 février. Il ne le sait pas encore, mais c’est une traversée du désert qui commence pour lui.

Le tibia en vrac

Absent jusqu’à mai et une entrée en toute fin de match contre Hull City, Lacina Traoré retourne à Monaco la queue entre les jambes. Et le moral pas forcément au beau fixe, Sabri Lamouchi l’écartant au tout dernier moment de sa liste pour le Mondial 2014. L’ASM le récupère dans un état qui nécessite « une phase de reconditionnement » , avec notamment une fracture de fatigue au tibia droit. L’Ivoirien s’accroche, Leonardo Jardim fait remarquer son abnégation et sa bonne humeur, ainsi que son efficacité durant les entraînements où « il marque beaucoup » . Et lui offre du temps de jeu à l’automne. Lorsqu’il marque à Saint-Étienne le 9 novembre, Traoré pense entrevoir le bout du tunnel, mais son tibia continue de siffler. Hervé Renard, qui le retient pour la CAN en début d’année 2015, se souvient « qu’il mettait de la glace sur son tibia droit, mais il s’entraînait bien et ne se plaignait jamais » . Sauf qu’au retour de la compétition dont il ne dispute qu’une minute – « j’avais sept attaquants pour trois places, mais il a toujours bien accepté sa situation » explique Renard -, le grand Lacina doit se résoudre à se faire opérer, car il a rechuté. Sa passe décisive à Metz le 20 décembre 2014 marque la fin de sa première vraie saison monégasque, son retour attendra le 22 août 2015 et une entrée en fin de match à Toulouse. Sa neuvième apparition officielle pour l’AS Monaco, ce qui à ce moment équivaut à un investissement de plus d’un million d’euros par match joué.

« Il est usant pour le défenseur qui l’a au marquage. » Hervé Renard

Mais Lacina Traoré a de la ressource. Entré à la pause lors du match de Ligue Europa entre Monaco et Anderlecht, l’Ivoirien sauve la mise de Leonardo Jardim avec un but plein d’opportunisme à 5 minutes de la fin. Peut-être un tournant selon Hervé Renard : « Pour tout joueur, mais encore plus pour un attaquant, la confiance est essentielle. Son but à Anderlecht pourrait donc être un déclic, même s’il y a du monde en attaque à Monaco. » Sauf qu’avec le départ non compensé d’Anthony Martial, l’Ivoirien pourrait bénéficier d’un temps de jeu qui n’était pas prévu au départ. À 25 ans, le natif d’Abidjan a des arguments à faire valoir selon son ancien sélectionneur, notamment « sa qualité dans le jeu aérien, mais aussi sa mobilité, supérieure à celle de Carillo, son aptitude à aller chercher des ballons difficiles comme contre Anderlecht, et aussi une belle frappe du gauche. » Les amateurs de football russe ont également pu observer pendant ses séjours à Krasnodar et à l’Anji que malgré sa grande taille, Lacina Traoré avait aussi une belle qualité technique et la capacité d’éliminer en un contre un. « C’est un joueur avec un profil différent, et dans une équipe, c’est toujours utile d’avoir des options variées » , analyse Renard, pour qui Traoré « est usant pour le défenseur qui l’a au marquage » . L’état de santé du joueur sera la clé de sa saison, car selon Renard, « s’il ne se blesse pas, il a les qualités nécessaires pour s’imposer. » Mais s’il se blesse, il n’en sera pas pour autant inutile au vestiaire monégasque : « Avec l’équipe de Côte d’Ivoire, c’était lui qui officiait comme DJ, il mettait de la musique ivoirienne, du RnB et du rap. » À 250 000 balles par mois, le son a intérêt à être bon.