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Mieux vaut Petar que jamais
Buteur en Ligue 1 pour la première fois de sa carrière samedi, lors de la victoire montpelliéraine à Monaco (1-2), Petar Škuletić confirme définitivement qu’il est autre chose que l’erreur de casting vendue lors de l’été.
Drôle d’ascension dans le col de la Ligue 1 que celle de Petar Škuletić. Voici un type de 28 piges, débarqué en plein mois de juin à Montpellier, au milieu d’un championnat de France qu’il avouait à son arrivée avoir « un peu suivi » la saison dernière, et avec une énorme pancarte dans le dos. Celle de « l’attaquant présent athlétiquement » plus que du buteur froid. Pas simple à vendre, donc, même si le Serbe restait sur une saison honorable en Turquie : onze buts et trois passes décisives toutes compétitions confondues, une trentaine d’apparitions sous le maillot du Gençlerbirliği Spor Kulübü, avant-dernier de la dernière Süper Lig. Pire, en plein mois de juillet, L’Équipe annonçait l’arrivée imminente au MHSC d’Andy Delort après l’échec des dossiers Nolan Roux et Filip Djordjevic. La raison avancée ? La perplexité grandissante de l’effectif après les premières semaines d’entraînement de Škuletić, ce qui a également poussé le club à foncer sur le dossier Gaëtan Laborde. Sacré atterissage.
Le gaillard qui a de la masse
La Ligue 1 était pourtant une piste idéale aux yeux du bonhomme, ami de Djordjevic et un temps envisagé par le LOSC pour remplacer Salomon Kalou lors de l’été 2014. Lors de la préparation montpelliéraine, il débarque avec un physique en vrac, ce que Michel Der Zakarian traduit à sa manière : « C’est un grand gaillard qui a de la masse… » On s’interroge. Škuletić est-il déjà grillé ? Trop simple, alors il suffit de replacer le curseur : l’international serbe (six sélections, un but) reste l’attaquant du troisième type, un gros costaud d’un peu moins de deux mètres, à la Carew, dont le charme est ailleurs. Der Zakarian demande alors à l’assistance de laisser le temps « à Petar de s’adapter à notre football » , ce qu’il peut plus facilement faire avec une doublette Laborde-Delort en ébullition et un Damien Le Tallec transformé en traducteur auprès de l’ancien buteur du Partizan Belgrade. C’est le hic : Škuletić ne parle pas un mot de français, n’a que deux-trois notions d’anglais et ne maîtrise que le serbe, le russe et le turc. Résultat, il est souvent vu dans son coin, les bras croisés, des écouteurs dans les oreilles pour s’échapper. Comment faire ?
La bête curieuse bosse, point. Fin septembre, elle est lâchée dans la nature lors d’un déplacement à Caen (2-2) : après vingt-quatre minutes, il prolonge un centre de la tête de Delort sur le poteau. Le personnage commence à être compris : envoyez-lui un ballon, de préférence dans les airs, il est à la retombée, le contrôle, le protège et le bonifie. C’est ce que raconte sa première titularisation en France, lors de laquelle il ressort avec près de 87% de passes réussies, trois tirs, mais surtout huit duels aériens gagnés. C’est tout ? Non, juste avant la mi-temps, Škuletić décolle sur corner et dévie le ballon pour un Andy Delort déguisé en renard-buteur. Prometteur.
« Même s’il fait lourdaud, il est bon techniquement »
Problème, la concurrence tient le choc, alors l’himalayesque avant-centre serbe se transforme et devient un couteau tactique aux yeux de Der Zakarian. Ce que le coach du MHSC expliquait avant le déplacement à Monaco : « Chaque fois qu’il est entré en cours de match, il nous a apporté quelque chose. Il n’a pas été décisif, hormis à Caen, mais ses entrées sont toujours bonnes, notamment dans l’attitude. C’est un garçon qui a envie de montrer. En début de saison, il n’était pas prêt d’un point de vue athlétique pour répéter les efforts. Aujourd’hui, il a retrouvé des jambes, un physique et il peut nous apporter quelque chose. Il faut qu’on l’utilise mieux quand il entre et qu’on l’alimente encore mieux parce qu’il a un jeu de tête et d’appui intéressants. Puis, même s’il fait lourdaud, il est bon techniquement. On peut le trouver sur un jeu plus direct. Sur les centres, il faut qu’on arrive à le trouver, car il est capable de marquer des buts. »
Puis, samedi soir, au Louis-II, où Montpellier a encaissé l’ouverture du score avant la pause, Michel Der Zakarian a mêlé le geste aux mots, son équipe offrant depuis le début de la rencontre un pressing déréglé et passant d’abord à côté de son septième déplacement de la saison. Tactiquement, le coach franco-arménien a alors retourné la table : exit le 3-4-1-2, bonjour le 4-2-3-1, histoire de redonner vie aux couloirs montpelliérains et une place à Petar Škuletić, venu suppléer Damien Le Tallec à vingt minutes de la fin. Et l’affaire a tourné, Monaco s’est progressivement écroulé, Laborde a égalisé, et Škuletić, qui a frappé autant en 18 minutes que l’ancien Bordelais en 90 (trois fois), est allé inscrire le deuxième but du MHSC au bout d’un service parfait d’Andy Delort et à la suite d’une erreur monumentale de Jemerson.
Brillant dans la finition, encore plus dans la célébration, le lampadaire de Danilovgrad foirant complètement sa glissade sur les genoux. Peu importe, voilà un sourire sur le visage de Petar, enfin, et Montpellier vainqueur pour la première fois depuis 24 ans à Monaco. Avant la rencontre, Gaëtan Laborde était venu câliner un joueur qui « amène de la taille et cale les ballons. C’est un autre profil. Quand je suis arrivé, il était à court de forme, mais il revient petit à petit. Avec ses qualités, il peut aider l’équipe dans certains moments. » Et même la faire gagner. Drôle de type, définitivement.
Par Maxime Brigand