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Mickaël Poté : « Il n’est jamais trop tard »

Propos recueillis par Christophe Gleizes
10 minutes
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Meilleur buteur du championnat chypriote, le Franco-Béninois Mickaël Poté affole les compteurs pour la première fois de sa carrière. Entre deux doublés, il revient sur son parcours sinueux qui l'aura vu se révéler à l'étranger, après des passages mitigés à Cannes, Clermont et Nice.

Salut Mickaël, comment ça se passe à Chypre?

Dieu merci tout se passe bien ! Quand on est arrivés sur l’île on ne savait pas trop à quoi s’attendre mais ma femme et mes enfants ont tout de suite adoré. Suite à la crise financière, beaucoup de magasins sont vides ou fermés mais la vie est douce. Sur le plan professionnel, je suis content car je suis tombé dans une équipe qui me convient. À mon âge je sens que j’ai plus de maturité et d’expérience. Je ne suis pas au top physiquement mais presque, pas loin de l’idéal, donc j’en profite et j’en fait profiter tout le monde. Je suis heureux tout simplement.

Cela se voit d’ailleurs puisque tu viens de marquer 12 buts en 15 matchs… Solide performance !

Oui c’est bien… Je suis le meilleur buteur du championnat (silence gêné). Je ne vais pas faire le faux modeste, ça me fait plaisir, j’espère que ça va durer. Je suis un attaquant de rupture qui dépend de ses coéquipiers, je ne suis pas un surdoué, j’ai besoin de travailler pour y arriver mais je sens que je n’ai pas encore atteint mes limites. Je peux pousser un petit peu plus loin encore. Je me révèle sur la fin mais il n’est jamais trop tard. Après je ne m’enflamme pas car je sais que tout va très vite dans le football.

Comment tu expliques ton état de forme?

J’ai toujours eu confiance en moi et j’ai toujours cru en mes qualités mais la vérité c’est que cela ne fait que quelques années seulement que j’évolue à mon vrai poste, celui d’attaquant axial. Depuis que je suis parti en Allemagne, à Dresde, en fait. Auparavant je marquais moins de but car en France comme en sélection je jouais sur un côté.

Présente-nous un peu ton club de l’Omonia Nicosie…

À l’Omonia tout se passe bien. Je me suis tout de suite senti adopté. Les supporters m’aiment bien car je me bats toujours sur le terrain, même quand je suis bidon (rires). Historiquement, l’Omonia c’est un club de gauche, très populaire au pays, qui milite pour l’indépendance et la paix.

C’est en effet le plus gros rival de l’APOEL Nicosie, tant sur le plan sportif que sur le plan politique…

L’APOEL est plus à droite c’est vrai. Il y a une très grosse rivalité à Nicosie, d’autant plus qu’on joue dans le même stade. C’est chaud les derbys, je te jure, mais c’est intéressant au niveau de l’adrénaline. Je ne suis pas trop à l’aise pour parler politique mais au niveau sportif, ce sont les deux plus gros clubs de Chypre. L’Omonia c’est 20 titres, l’APOEL 23 titres, un cran en dessous il y a Famagouste…

Comment juges-tu le niveau du championnat?

C’est difficile de comparer. Par rapport à l’Allemagne, je peux dire que le jeu est moins direct. Ici, en raison des températures élevées, le jeu est plus posé et plus latin. De manière globale, je trouve qu’il y a beaucoup de bonnes équipes. On connaît davantage l’APOEL à l’étranger car ils se qualifient pour la Ligue des champions mais globalement le niveau est relevé. Franchement ça joue au ballon.

Les clubs chypriotes se font d’ailleurs de plus en plus remarquer sur la scène internationale…

Tu vois que le niveau est bon quand on joue la Coupe d’Europe. À l’image de l’Apollon Limassol qui a joué la Ligue Europa cette année, les clubs ne sont jamais ridicules lors des chocs européens. Avec l’Omonia, on a perdu fin août à la dernière minute des barrages contre le Dinamo Moscou de Valbuena… On a fait 2-2 à Moscou avant de perdre 1-2 chez nous à la dernière minute, alors qu’on était presque qualifiés! C’est vraiment à ce moment là que je me suis dit que j’étais tombé dans une méchante équipe.

Comment ça se passe en championnat?

En ce moment on est cinquième, on a recollé un petit peu, à un point du troisième, tandis que l’APOEL et l’Apollon sont devants. Rien n’est perdu puisque les six premiers font les play-offs pour le titre, et les six derniers jouent le maintien. Il ne faut pas prendre trop de retard néanmoins puisque tu ne repars pas à zéro pour le mini-championnat, tu gardes le même nombre de points. Sinon, il nous reste aussi la coupe de Chypre. Etant donné que mon palmarès est toujours vierge, ça m’intéresse! Une coupe de Chypre ça ne se refuse pas (rires).

Nicosie est une des dernières capitales divisées au monde, entre une partie grecque et une partie turque. Cela fait quoi d’y vivre au jour le jour?

Il faut s’habituer aux checkpoints! C’est comme si tu avais deux pays en un ça change du tout au tout. C’est vrai que ça fait bizarre de devoir montrer son passeport à l’intérieur du même pays. Certains chypriotes refusent d’ailleurs de le faire. Moi je suis allé côté turc bien sûr, étant de confession musulmane c’est pratique pour trouver une mosquée. Mais pour tout dire je n’ai pas encore eu le temps de bien voyager à travers l’île, je compte le faire bientôt.

Avant de venir ici, tu as joué à Dresde, pendant trois saisons. Raconte-nous un peu l’Allemagne…

J’y ai passé trois saisons mémorables. Tout a bien commencé lors de mes débuts, les buts s’enchaînaient. Mais la dernière année a été marquée par une blessure et la relégation, l’équipe ne tournait pas bien. Ce que je retiens de cette expérience, c’est la ferveur du public, il y avait 25 000 spectateurs à chaque match! Je n’avais jamais vu ça de ma vie. Le club est un club populaire, très connu avec une bonne base de fans. C’est un club qui remontera en Bundesliga à l’avenir j’en fais le pari.

C’était ta première expérience professionnelle hors de nos frontières…

En m’exportant, j’ai découvert l’étranger et un vrai pays de foot. Cette expérience m’a apporté plein de bonnes choses, mes enfants ont appris d’autres langues, ils parlent allemand mieux que moi. L’Allemand c’est compliqué (rires). Sinon, Dresde, c’est une ville de l’est, bombardée à l’ancienne puis refaite à neuf. L’histoire est très présente partout dans la ville, qui est située juste à côté de Berlin. Après je ne vais pas te mentir, je ne suis pas le genre de gars à faire des tonnes de visites et tout mais on a un peu bougé dans la ville et dans le pays c’était pas mal.

Avant cet exil, tu n’as pas toujours été aussi en verve. Après ta formation à Grenoble, tu as commencé à te révéler à Cannes puis à Clermont…

J’ai commencé le foot assez tard, vers 11 ans. J’ai commencé dans mon quartier à Lyon et j’ai été repéré par la sélection du Rhône. J’ai ensuite atterri en centre de formation à Grenoble, où j’ai passé quatre ans avec Henri Bedimo et consorts. Le club voulait me conserver mais n’était pas prêt à me faire passer pro alors j’ai signé à Cannes quand j’avais 19 ans. Cela a été une découverte pour moi, j’ai fait une bonne dernière année qui m’a révélé sur le côté droit. Derrière Didier Ollé-Nicolle m’a repéré et m’a fait venir pendant trois ans à Clermont. Quand il est parti en Ligue 1, j’ai eu l’opportunité de le suivre…

À l’OGC Nice, où tu as passé deux saisons… Qu’est ce qui t’a manqué pour rester au plus haut niveau?

Quand on vient de Ligue 2 et qu’on arrive avec son coach en Ligue 1 il faut forcément un petit temps d’adaptation. Le coach a voulu me préserver au début. Mais le vrai problème, c’est que je me suis fait une fracture de fatigue, une blessure très rare, qui m’a écarté pendant six mois des terrains. En Ligue 1, une telle blessure ne pardonne pas. Quand je suis revenu ça s’est pas trop mal passé j’ai marqué deux buts mais derrière j’ai du partir à la CAN en 2010. C’était galère. Outre la blessure, il y a eu les choix du coach.

Tu as beaucoup de regrets ?

Je ne vais pas mentir, pour moi c’est une grosse déception. Ayant été formé en France, j’aurai bien voulu être davantage reconnu en France et en Ligue 1. Mais je ne le vis pas comme un échec. Pour parler d’échec il aurait fallu me faire jouer davantage, mais je n’en ai pas eu l’occasion. On ne m’a pas assez essayé, quand je jouais ça allait mais je me suis blessé. C’est un petit regret mais ça m’a servi à rebondir par la suite. Je suis donc parti au Mans, en prêt. Quand je suis revenu, Nice ne m’a pas chassé mais j’ai senti qu’on comptait moins sur moi donc je suis parti.

Outre ton parcours en club, tu es international Béninois. Comment expliques-tu la non qualification du Benin pour la CAN cette année? On n’a pas eu trop de chance. Le Bénin n’est pas une grande nation au classement FIFA donc on part de très loin pour les barrages qualificatifs. Tous les meilleurs joueurs sont expatriés en Europe et ne sont pas libres au mois de juin. On a quand même réussi à se qualifier pour le second tour mais les qualifications se jouaient pendant la reprise en Europe donc le sélectionneur a du appeler de nombreux joueurs locaux pour palier les absences. Ils se sont bien battus mais ont été éliminés à l’expérience. C’est l’inconvénient d’être mal classés, les dates n’arrangent pas trop. Moi je jouais l’UEFA durant cette période donc c’était compliqué pour mon club de me libérer. Cette fois-ci on a pas eu de chance et c’est dommage car on a de bons petits joueurs au Bénin.

Tu peux en témoigner, puisque tu as créé un centre de formation à Cotonou, l’académie Joseph Poté, du nom de ton père, pour les former et les faire progresser.L’académie, au début, c’était pour aider les jeunes au pays. Je voulais m’inspirer de l’exemple de Jean-Marc Guillou qui a formé beaucoup de très bons joueurs à l’ASEC Mimosas. Je me suis renseigné un peu sur les moyens financiers et franchement cela reste accessible. En Afrique, l’avantage c’est que cela ne coûte pas cher, tu peux commencer à lancer une école de foot basique à partir de 10 000 euros. J’ai acheté des maillots, des ballons, une maison. J’ai aussi trouvé un homme d’affaires qui s’est associé au projet. Le plus dur en vérité, c’est de trouver des partenaires fiables et des hommes de confiance. Heureusement je suis bien entouré. Au début je l’ai fait comme ça, sans objectif particulier, c’était juste un geste gentil mais là c’est vrai que je me prends au jeu progressivement.

D’autant plus que les résultats sont prometteurs !Après trois ans de travail, on vient d’être nommés meilleur centre de formation du Bénin en 2014. Aujourd’hui j’ai vraiment des bons petits joueurs et j’ai beaucoup d’agents qui m’appellent pour recruter des gamins. Pour moi c’est une fierté. Mais ils sont encore trop jeunes pour être transférés, alors on appuie beaucoup sur l’école, afin qu’ils ressortent plus armés de leur passage à l’académie, quoi qu’il arrive. Notre but, c’est de former des hommes plus que des footballeurs. Pour moi vraiment, ce n’est pas un business, je n’ai pas fait ça pour l’argent, ce n’est que du bonus, je m’en fous des retombées. C’est un projet que je veux garder et poursuivre après ma carrière même si je ne peux rien prévoir ni garantir encore.

Pourquoi c’est important pour toi?Moi à la base j’ai grandi en France dans un quartier. J’avais des parents africains comme beaucoup, un père ivoirien et une mère béninoise. Au niveau du ballon, j’ai commencé à jouer par la Côte d’Ivoire en jeunes mais finalement, vu l’évolution de l’équipe et les joueurs qui arrivaient, j’ai été appelé par le Bénin (rires). Je ne connaissais pas grand-chose de ce pays que j’ai découvert en y allant pour la première fois avec la sélection. Mais j’en suis tombé amoureux. Il y a la paix, beaucoup d’intellectuels, de culture, des choses à voir, franchement c’est un très beau pays. Cela me fait plaisir d’aider sa jeunesse à progresser.

La Ligue 1, une saison déjà pliée ?

Propos recueillis par Christophe Gleizes

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