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Mick Jagger, côté foot
Incroyable ! Les Rolling Stones sont actuellement numéro 1 du rock confiné avec leur hit inattendu, Living In a Ghost Town. Une bonne occase pour parler de leur leader Mick Jagger et de sa passion pour le sport roi.
Mick Jagger et le foot, c’est un peu une histoire d’amour contrariée… Alors, oui, Mick adore le foot. Mais il préfère le regarder qu’y jouer. Il faut dire que quand il était môme, il en pinçait plutôt pour le basketball et le cricket. Ça, c’est à cause de son paternel, Joe Jagger, prof de gym émérite détaché un moment au British Sports Council et grand promoteur du basket au Royaume-Uni. « Mick aurait pu être un grand athlète, racontait un jour Joe. Il était vraiment excellent au basket et au cricket, mais il n’aimait trop s’astreindre aux entraînements. » Néanmoins, Mick fera toujours très attention à sa santé et, arrivé à la trentaine au milieu des années 1970, il mettra fin à la plupart de ses excès alcooliques, tabagiques, herbeux et « chimiques » des swinging sixties…
George Best, le sixième Stone !
Réellement inspiré par l’exemple paternel, il deviendra un adepte forcené du running, capable encore à presque 80 balais d’enquiller des concerts de plus de deux heures et d’enfiler des jeans slim. Et comme chez les Jagger, on vit vieux (Joe est mort à 93 ans), les Rolling Stones tourneront encore longtemps… Mais retour au foot ! Tout avait plutôt bien commencé avec un passage en 1965 à l’émission rock Top of the Pop, où le groupe interprète un nouveau super hit, The Last Time. Dans le public, parmi les danseurs, un ado timide esquisse quelques pas. C’est George Best ! Devenu par la suite la superstar de MU, le footeux sexy et stoniendans la rock’n’roll attitude se voit baptiser le « Cinquième Beatle » . Alors qu’il préfère justement les Pierres qui roulent aux Scarabées ! Il n’y aura donc pas de sixième Stone. En 1965 sort également le méga hit Satisfaction dont le célèbre riff aurait pu devenir à l’aise cri de guerre de supporters… Que dalle !
Seven Nation Army (The White Stripes) décrochera la timbale et d’autres morceaux ambianceront les stades, You’ll Never Walk Alone, You’re Simply the Best, Jump, Three Little Birds et, évidemment, We are The Champions et We Will Rock You. En 1969, le groupe Yes grille le gratin du rock en se produisant le premier dans le temple du foot qu’est le Wembley Stadium. Dans l’imaginaire des jeunes lads anglais, footeux ou rockeurs, jouer à Wembley est resté à ce jour marque de consécration ultime. Et dire que ce sont les Stones qui vont à partir des années 1970 inaugurer l’ère du « Stadium Rock » lors de tournées US où ils remplissent jusqu’à la gueule les grandes arènes sportives du pays ! En même temps que les Stones garnissent les énormodromesdu monde entier, Mick Jagger accentue au même moment le rapprochement très jet set du show biz et du foot. De ce jour, les VIP s’invitent dans les stades et les vestiaires, établissant le foot comme LE spectacle des puissants, au même titre que les défilés de mode et les grandes courses hippiques que Jagger fréquente aussi. Mick a ainsi voisiné avec Leonardo DiCaprio, DJ Snake et Alain Prost dans la corbeille du Parc lors du PSG-Liverpool de novembre 2018.
Three Lions dans la peau !
Autour du 11 mai 1976, dans un hôtel de Glasgow, un Mick évaporé dans un nuage euphorisant tapera carrément l’incruste dans une réunion de l’équipe du Bayern Munich ! Il faut dire que le 12 mai, le club bavarois affronte Sainté en finale de C1 à l’Hampden Park et au même moment les Rolling Stones se produisent trois soirs de suite dans la cité écossaise. L’année suivante, Mick, qui avait ses habitudes au Club 54 de New York en y rencontrant les stars du Cosmos New York (Pelé, Beckenbauer, Chinagalia, Carlos Alberto), assiste aux matchs du club au milieu de Robert Redford, Mohamed Ali, Andy Warhol, Steven Spielberg et Barbra Streisand. Un soir qu’il traîne près des vestiaires du Giants Stadium de la Big Apple, il énerve le coach anglais Gordon Bradley qui ne le connaît pas : « Est-ce que quelqu’un peut me virer de ce vestiaire le mec là-bas, aux cheveux longs, et qui a l’air passablement camé ? »
Mick Jagger ne versera pas aussi intensément dans la passion foot-rock typiquement britishqu’Elton John (président du Watford FC), Rod Stewart (Celtic) ou Robert Plant (Wolverhampton). Il se contentera de demeurer supporter d’Arsenal, comme ses homologues Roger Waters (Pink Floyd) et Roger Daltrey (The Who). Mais, là aussi, mauvaise pioche puisque les Gunners n’ont jamais gagné la Ligue des champions ! En fait, c’est surtout en tant que fan de l’équipe d’Angleterre qu’il révèle sa passion foot en la suivant quasiment à tous les tournois internationaux. En tribune popu ou en VIP, Mick fait le show : il se lâche carrément en s’agitant comme un damné, brandissant haut son écharpe de supporter, chantant God Save The Queen, gueulant des slogans en tapant en rythme dans ses mains « ENG-LAND ! – clap-clap-clap ! » En 1998, il était à Saint-Étienne pour le palpitant Angleterre-Argentine perdu par les Three Lions aux tirs au but. Dans Libé, il confiera un peu plus tard son ressentiment envers David Beckham (expulsé) et surtout son énorme déception, car « cette année », il croyait vraiment au sacre anglais. Même avec sa belle Angleterre, ce ne sera que lose sur lose à chaque compète. En juillet 1998, peu après le sacre des Bleus face au Brésil qu’il a suivi en tribune VIP, il se consolera avec les Stones, premier groupe rock à se produire au Stade de France. Et toc !
Match de foot = concert rock !
Question look, Mick arborera plus souvent des maillots de foot américain lors des tournées US que des maillots de soccer, avec la notable exception de la tunique de l’équipe d’Écosse en 1982. Mick Jagger adore les stades de foot, l’ambiance foot et l’intensité foot qu’il retrouve dans les grands concerts : « Quand tu fais face à des foules immenses, tu reçois une énorme montée chimique – celle que tu sécrètes, pas celle que tu t’injectes ! C’est une sensation gigantesque, la même que lorsque tu disputes un match de foot ou tout comme ! Tu paramètres carrément ta vie à passer ces quelques heures sur scène tous les trois soirs. Mais beaucoup de préparation et de concentration permettent tout ça. Ainsi tu peux gérer ces moments live sans te foirer physiquement ou mentalement, tout en restant toujours affûté. » Comme avec Bob Marley et ses Wailers, les Stones sur scène sont une équipe de foot d’une onzaine de types qui font marquer leur buteur-frontman, Mick.
Un concert des Rolling Stones dure le temps d’un match de foot avec prolongation, commence fort (Start Me Up), déroule tranquille (Honky Tonk Women, Beast of Burden) et finit très fort (Satisfaction, Jumping Jack Flash, Paint it Black, Brown Sugar). Mick et Keith adorent l’ambiance foot des grands concerts sud-américains : « Quand le public commence à chanter des chants de supporters entre nos morceaux, on les laisse faire ! On ne les interrompt jamais : let them go ! » Jagger poussera le bouchon jusqu’à inviter des footeux sur scène. Et pas n’importe lesquels ! Lors d’un concert à Milan, en juillet 2006, au lendemain de la finale de Coupe du monde France-Italie perdue aux tirs au but par les Bleus, ce salaud fait monter sur scène l’horrible Marco Materrazzi et l’immense Alessandro del Piero. « Salut Milan, salut l’Italie ! Vous êtes les champions du monde ! » balance le beau démago à la foule en délire dans l’arène foot du San Siro, où les Pierres qui roulent avaient déjà joué en 1982.
Mais c’est curieusement lors de la Coupe du monde suivante, en 2010, que le beau Mick va se choper une terrible réputation de chat noir du foot. « Jinx », en anglais ! Lors des huitièmes de finale, il assiste aux côtés de l’ex-président Bill Clinton au match USA-Ghana, que les Ricains perdent en prolongation (2-1). Le lendemain, à Bloemfontein, c’est sous ses yeux que ses chers Three Lions sont dégommés par l’Allemagne (4-1). Puis, au tour suivant, il est présent, vêtu du maillot de la Seleção, pour le Brésil–Pays-Bas. Les Auriverdes sont éliminés à leur tour (2-1) ! De ce jour, les Brésiliens le surnomment « Pé frio » ( « pied froid » ), sobriquet qui désigne un gars qui porte la poisse. Et la superstition se vérifie quatre ans plus tard, au Mondial 2014, où Mick va faire un énorme strike.
Sympathy for the devil ?
Alors qu’il est en tournée européenne avec son groupe, il tweete un message d’encouragement à la sélection anglaise avant son match crucial contre l’Uruguay : « Allez l’Angleterre ! Celui-là, vous le gagnez ! » Et l’Angleterre perd (2-1) ! Lors du concert de Rome, il annonce une victoire de l’Italie contre la Celeste… Et la Squadra gicle (1-0) ! Plus tôt, lors du show à Lisbonne, il avait prédit que le Portugal serait champion du monde au Brésil. Résultat ? La bande à CR7 sortira dès le premier tour ! Mick se rend ensuite à Belo Horizonte en compagnie de son fils Lucas, à moitié brésilien (de par sa mère, la top model Luciana Gimenez), pour assister à la demi-finale Brésil-Allemagne en supporter de la Seleção… Et boum : 7-1 pour la Mannschaft ! C’en est trop pour les supporters brésiliens qui l’agonissent d’insultes sur les réseaux sociaux. « Je n’ai pas porté malchance au Brésil », rétorque-t-il. Selon The Sun, il aurait même réagi avec humour : « Je veux bien prendre la responsabilité pour le premier but allemand, mais pas pour les six autres. » Pourtant, au stade Mineirão, pour conjurer le sort, des supporters de la Seleção avaient confectionné une pancarte en carton avec une photo de Mick Jagger surmontée d’une bulle de BD clamant un « allez l’Allemagne ! » Dans leur crainte de voir l’Argentine battre les Oranje dans l’autre demie et accéder ainsi à la finale, d’autres supporters brésiliens brandiront une pancarte avec photomontage de Mick Jagger revêtu du maillot de l’Albiceleste pour que l’Argentine soit éliminée… Tout faux ! La bande à Messi ira en finale !
À la Coupe du monde 2018, Mick Jagger assistera plein d’espoir à la demi-finale Angleterre-Croatie au stade Loujniki de Moscou avec ses deux fils Lucas et James. Et la Croatie l’a emporté, bien sûr : 2-1, après prolongation. Ce qui lui vaudra un titre vengeur de la presse anglaise : « Mick Jagger did it again ». Les médias anglais tenteront alors de décrypter le single que Mick avait sorti en solo un an auparavant, England Lost. Les paroles étaient-elles prémonition ou fatalité ? « I went to see England, but England’s lost / And everyone said we were all ripped off » (« Je suis allé voir l’Angleterre, mais l’Angleterre a perdu / Et chacun disait que nous nous étions fait écrabouiller »). Mick n’a jamais éclairci le sens de ces vers qui pourraient parler d’une nouvelle grande défaite des Three Lions ou bien des perspectives sombres de l’après-Brexit… En tout cas, après l’élimination anglaise contre la Croatie, Mick pronostique toutefois la victoire de la France sur la Croatie lors de la finale à laquelle il assistera. Bingo : il sera bien du sacre des Bleus 4-2. Depuis 2018, les Stones préparent de nouveaux concerts, une nouvelle tournée. Et dans les stades, Mick Jagger poursuivra sa mission prométhéenne : faire gagner l’Angleterre ! Chaque triomphe des Stones en live équivaut secrètement et symboliquement à un titre de champion du monde que les maudits Three Lions désespèrent de décrocher depuis 1966. You can’t always get what you want…
Par Chérif Ghemmour