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Michel Preud’homme, profession Calimero
Immense gardien de la Belgique de 1980 à 1995, Michel Preud'homme a débuté sa carrière de coach il y a 14 ans. Si le succès est parfaitement au rendez-vous, l'attitude de MPH est quant à elle parfois loin d'être irréprochable…
2008 : championnat belge avec le Standard après 25 ans d’attente. 2010 : Coupe de Belgique avec Gand après 26 ans sans trophée. 2011 : Coupe des Pays-Bas avec Twente 10 ans après la dernière. 2012 : championnat d’Arabie saoudite avec Al-Shabab après six ans de mutisme et, en mars dernier, première Coupe de Belgique pour Bruges après 7 ans de disette. Michel Preud’homme est ce qu’on peut appeler un « rétrocédeur » de titres. Très intelligent, l’ancien portier de Benfica est parvenu à tirer le meilleur de toutes les équipes qu’il a coachées, devenant ainsi le héros de tous ses clubs. Professionnel jusqu’au bout des ongles, il a des traits de Mourinho dans la manière qu’il a de toujours défendre ses joueurs. Hargneux, il tente par tous les moyens de communiquer sa rage de vaincre à ses ouailles et supporters. Problème, il dépasse par moments les bornes : entre les pressions sur les arbitres, les cris, les gestes de colère et la mauvaise foi, Preud’homme peut aussi irriter, énerver et même lasser…
Des débuts plutôt calmes…
En tant que joueur, Preud’homme est toujours resté correct. Ou du moins, on ne l’a jamais vu péter un câble sur le terrain, même si, « quand je le côtoyais dans le vestiaire, il était déjà comme ça, une défaite pouvait le rendre fou » , témoigne l’ex-footballeur Marc Degryse dans les colonnes de Sport/Foot Magazine. Passé à 42 ans sur le banc du Standard de Liège, Preud’homme ne s’y est jamais beaucoup assis, préférant haranguer ou conseiller ses joueurs en gesticulant – quand tout va bien – dans les limites de sa petite zone. Pourtant, pour sa première expérience en tant qu’entraîneur principal, MPH reste plutôt calme durant les trois années qu’il passe à la tête du Standard même s’il parvient progressivement à cimenter son nouveau surnom : Calimero, acquis à la suite de ses jérémiades en interview. Champion en 2008, l’entraîneur originaire d’Ougrée, en banlieue liégeoise, va ensuite montrer du caractère en refusant la prolongation d’un an proposée par ses dirigeants, préférant rejoindre La Gantoise, qui vient de finir sixième…
…avant la tempête
Frustré de ne pas avoir reçu le contrat qu’il méritait en bord de Meuse, Preud’homme se retrouve donc dans un club où il doit tout recommencer à zéro. C’est peut-être cela qui va justifier ses trois matchs de suspension en une seule saison. D’abord expulsé contre Charleroi – il se déclarera d’ailleurs victime d’un traitement inégal par rapport aux autres entraîneurs – MPH enchaîne avec un nouveau renvoi en tribunes après avoir explosé en Coupe de Belgique. Alors qu’il a déjà approché le terrain en dépassant allègrement sa zone technique, le coach gantois engueule le quatrième arbitre, coupable d’être le collègue de celui qui n’a pas exclu un joueur adverse, avant de jeter son brassard d’entraîneur au sol. Même si son équipe se qualifiera, Michel va de nouveau attaquer les hommes en noir dans la presse : « Peut-être qu’ils me cherchent, peut-être dois-je quitter la Belgique… »
Mai 2010, Gand est tenu en échec à Courtrai. Ça n’a pas le don de plaire au coach local, qui s’emporte dans les pages de Het Laatste Nieuws. « Ce qui est frustrant, c’est que l’équipe qui essaie de jouer au football est la plus désavantagée par l’arbitrage. Pas seulement l’exclusion, mais aussi deux penalties en notre faveur n’ont pas été signalés. Que tout le monde continue de me traiter de Calimero. Moi, je suis pour la justice et l’honnêteté. (…) Que devrais-je faire ? Accepter les erreurs d’arbitrage ? Quand il y a faute, il faut siffler, point. Apparemment, il faudra que je me taise lorsqu’on est lésés. » Après avoir visionné les images de la rencontre, la direction gantoise décide de se joindre à son entraîneur en demandant la suspension de l’arbitre jusqu’à la fin de la saison.
Les exils pour se calmer
Après deux saisons réussies à Gand, Preud’homme rejoint Twente, récent champion des Pays-Bas. À Enschede, le technicien emmène ses ouailles à la deuxième place d’Eredivisie, en quarts de finale de la Ligue Europa, mais surtout au succès en Coupe nationale. Mais ce qui frappe sur place, c’est le relatif calme de l’ancien gardien du KV Malines, qui ne s’excite qu’une seule fois contre l’AZ parce que « l’arbitre a oublié de nous donner trois penalties. » Preud’homme explique cette sérénité par une demande de la direction du club, visiblement au courant des habitudes du coco, concernant les décisions arbitrales. Peut-être que l’entraîneur est aussi plus tolérant, lui qui arrive dans un championnat où il ne connaît rien ni personne. Transféré à Al-Shabab la saison suivante, Preud’homme s’y fera remarquer pour son titre, son tabac chiqué en plein match et une histoire d’adultère. Mais rien concernant d’éventuels débordements, des plaintes ou des cris. « Je doute fort qu’il ait osé faire la même chose (qu’en Belgique, ndlr) à Al-Shabab… » soulignera l’ancien arbitre Marcel Javaux dans l’émission La Tribune de la RTBF.
« J’ai beaucoup à apprendre de toi »
De retour en Europe et à Bruges à l’automne 2013, Preud’homme reprend néanmoins ses bonnes vieilles habitudes et est expédié en tribunes un mois seulement après son retour au pays. Il met alors la responsabilité d’une sévère défaite 4-1 à Courtrai sur les épaules de l’arbitre, coupable selon lui d’avoir « gâché la fête en prenant plusieurs décisions fantaisistes, voire surréalistes » . Quelques mois plus tard, il retourne s’asseoir près des supporters après avoir admonesté l’arbitre-assistant qui prenait trop de temps pour accorder un changement. « Je serai suspendu, je passerai à nouveau pour le méchant dans l’affaire » , commentait-il alors dans le journal Het Laatste Nieuws.
Très remonté après une défaite de fin de saison à Genk, MPH remettra par la suite en question la motivation à gagner de ses adversaires qui n’avaient pourtant plus rien à gagner. Après chaque affaire, Michel laisse toujours un temps aux suiveurs pour oublier quelque peu, mais il ne semble pour autant pas se calmer. En témoigne cette nouvelle altercation avec l’entraîneur d’Ostende en septembre 2014, alors que son équipe vient de faire match nul. « Nous essayons de rester calme sur le terrain… Sinon on nous traite de Calimero ou d’autre chose, débute le coach brugeois en conférence de presse. C’est frustrant. Nous travaillons dur, quasi jour et nuit pour en arriver à ce genre de décision arbitrale. Que voulez-vous que l’on fasse ? Vous l’avez vu vous-mêmes ! » poursuit-il en visant le corps arbitral. Le problème, c’est que Fred Vanderbiest, l’entraîneur adverse, le prend pour lui et réagit : « Nous travaillons aussi dur tous les jours, parfois on obtient quelque chose en bonus » . Piqué au vif, Preud’homme essaie d’abord de faire comprendre la signification réelle de ses propos avant de conclure de manière cinglante : « J’ai beaucoup à apprendre de toi. Tu as un grand palmarès » . Si le mentor s’est excusé après l’altercation, cette nouvelle histoire tend à prouver que Preud’homme a bien du mal à garder son sang-froid dans les moments chauds.
Stressé, pressé ou lésé ?
Enfin, en février dernier, Preud’homme s’est appliqué à rejeter la responsabilité de deux défaites sur des éléments extérieurs. Après une défaite des siens à Courtrai, c’est l’arbitre qui en prend pour son grade, lui qui a « décidé de ne pas sanctionner beaucoup de coups et beaucoup de comédie aussi » . Puis, deux semaines plus tard, à Gand, c’est le calendrier chargé de l’équipe qui est incriminé, au même titre que l’agressivité de l’équipe adverse. Preud’homme ressent-il une pression de ses dirigeants qui attendent un titre de champion depuis 2005 ? Est-ce une tactique à la Mourinho pour que la presse laisse ses joueurs en paix ? La Belgique lui en veut-elle pour quelque chose ? Ou est-il tout simplement mauvais perdant et s’estime réellement lésé par les arbitres ? En tout cas, ces dernières semaines, ils sont plutôt sympas : ils lui ont offert un penalty discutable et évité deux cartons rouges contre le Standard, plus un autre penalty contre Anderlecht… Alors ça, c’est vraiment trop injuste ?
Par Émilien Hofman