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Michel Platini : le Qatar, Sarkozy, la FIFA, et moi, émoi !
Il y a quelques heures encore, Michel Platini pensait certainement pouvoir revenir mettre son nez dans le foot, alors que la fin de sa suspension par la FIFA approchait. Pas si vite, le voilà rattrapé par une affaire bien plus grave qu'une vulgaire rémunération occulte : des soupçons de corruption autour de l’attribution du Mondial 2022. Dans ce dossier tentaculaire, l'ancien héros des Bleus risque cette fois gros. Très gros.
L’info qui pique : Michel Platini vient donc d’être placé en garde vue par le Parquet national financier (PNF). On parle ici de sales choses, de « corruption privée » , d’ « association de malfaiteurs » et de « trafic d’influence et recel de trafic d’influence » concernant l’attribution de la Coupe du monde de football 2022, qui se jouera au Qatar. Cette affaire implique également le staff de l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy et ne se résume pas à une énième anecdote sur les dessous peu reluisants de la FIFA, notamment la façon dont elle attribue ses Mondiaux. Chaque édition a connu ses rumeurs, voire pour certaines ses condamnations, les enjeux économiques et géopolitiques étant désormais tellement importants, imposants, parfois cruciaux, qu’il est évidemment impensable que les batailles d’influence et autres manigances diplomatiques ne s’invitent pas dans la danse. Imagine-t-on une seconde un État sceller un contrat d’armement, notamment dans le Golfe, sans que des intermédiaires ne soient arrosés ? Voilà pour l’évidence, et personne n’a jamais cru que Doha devait son Mondial à la louable préoccupation d’offrir une reconnaissance au monde arabo-musulman – le Maroc était mieux placé – ou à la solidité de son dossier. Car tout y était à reconstruire.
État de droit vs FIFA
S’il est de plus en plus difficile de prouver que cette Coupe du monde n’a pas été achetée, ce qui se passe aujourd’hui est clair : la justice d’un pays s’empare véritablement du problème. Que ce soit à Zurich, où l’on digère encore la chute de Blatter et celle de Platini dans son sillage, ou en France, où Nicolas Sarkozy traîne une longue chaîne de procès et enquêtes judiciaires (ici, l’une de ses anciennes conseillères, Sophie Dion, est également en garde à vue, et Claude Guéant, l’ex-secrétaire général de Élysée, a été auditionné comme « suspect libre » ), le climat s’alourdit. La soif de transparence implique un léger retour de l’État de droit, y compris dans l’univers surprotégé des instances internationales du sport.
Revenons à Platini car, le concernant, les risques sont aujourd’hui plus lourds et, sur le long terme, plus nuisibles que lors de son éviction de la course à la présidence de la FIFA. On parle ici d’un symbole qui a toujours mis en avant la dimension éthique – encore récemment en s’en prenant à Gianni Infantino. Alors oui, son implication dans des transactions occultes, même bénévole, reste à prouver, mais cela risque à nouveau d’écorner son profil d’amoureux du jeu et de défenseur des valeurs humanistes. Bref, la stature de Platini en prend un coup et s’incline encore un peu plus… avant la chute ?
Dans la biographie de l’ancien numéro 10 des Bleus, son dîner du 23 novembre 2010 en présence de Nicolas Sarkozy, de l’émir actuel du Qatar (Tamim Ben Hamad al Thani) et du cheikh Hamad Ben Jassem va probablement prendre une grande place désormais. Le football est plus qu’un sport et, à vouloir jouer dans la cour des grands, on peut perdre la tête. Peut-être est-ce surtout le moment de penser à tous ceux qui ont perdu la vie sur les chantiers du Mondial 2022 pour faire le bonheur des uns et des autres. Un scandale, sans doute le plus important, pour lequel personne ne sera jamais poursuivi.
Par Nicolas Kssis-Martov