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Michel Martino : « On laisse les footballeurs faire la fête comme tout le monde ! »
Pour les fêtes de fin d’année en France, pas de Boxing Day à l'anglaise. Et donc pas d’orgie footballistique, mais plutôt des marathons de table synonymes de débauches culinaires. Comment le footballeur pro français gère-t-il cette dangereuse période ? Réponse avec un expert en nutrition du sport de l'AFDN (Association française des diététiciens-nutritionnistes), Michel Martino.
Depuis l’été dernier, Michel Martino est responsable de l’assiette des joueurs du TFC pendant toute l’année. Le diététicien-nutrionniste, qui avait déjà collaboré avec l’ETG sous l’ère Dupraz, nous délivre quelques conseils pour digérer au mieux cette trêve des confiseurs. Pour les pros, mais aussi pour les autres.
Avant de voir partir les joueurs pour une grosse semaine de vacances qui s’annonce chargée en plaisirs du palais, quelles ont-été les consignes du coach en nutrition ?Normalement, on autorise un repas « plaisir » par semaine pendant la saison. Sur cette période particulière de l’année, on les laisse faire la fête comme tout le monde. Donc les 24, 25 et 31 décembre, comme le 1er janvier, sont des dates sur lesquelles les repas « plaisirs » sont permis. Toute l’année, les joueurs sont cadrés, toute l’alimentation est calibrée. Donc sur cette période, ils ont le droit de se lâcher. Après, ce que je leur demande, c’est de ne pas dépasser une prise de poids de un ou deux kilos. Parce que, derrière, il va falloir les reperdre ! Les consignes sont surtout à ce niveau-là. Mais les joueurs sont assez raisonnables dans l’ensemble. Y-a-t-il un menu idéal pour un joueur pro pendant cette période de fêtes ?Non, pas vraiment. Ils ont déjà des menus toute l’année avec des plans de croisière à respecter, des quantités de féculents, de protéines à peser… Il faut savoir se faire plaisir pendant cette période de fêtes, mais tout en respectant les plans en dehors des dates autorisées. Au retour des vacances, on fera un point. Donc ils savent que la balance les attend !
Est-ce la période la plus délicate à gérer de la saison d’un point de vue nutritionnel ?C’est sûr ! Parce que c’est une période très dense. Pendant quinze jours, on est toujours à table. Les vacances d’été sont plus synonymes de détente, de soleil, de plage. Pour cette coupure d’hiver, les vacances sont vraiment axées sur la famille, les amis et les repas ! Donc c’est une période vraiment particulière et pendant laquelle le joueur professionnel doit être mesuré. D’ailleurs, en parallèle, les joueurs suivent leurs programmes d’entraînement personnalisés, donc le risque est plutôt minime.
Le fait de reprendre très rapidement, début janvier avec les matchs de coupe, est-ce problématique ?Uniquement s’il y a eu des excès sur la durée pendant les vacances, dans le cas d’un abus d’alcool répété par exemple. Dans ce cas là, il y a déshydratation, et donc un moins bon stockage du glycogène musculaire. Les muscles manquent de glycogène et ce déficit peut être un facteur de blessure. Mais là, ce serait dans un cas extrême. Dans la plupart des cas, on a à faire à des joueurs pros qui ont conscience que leur corps est leur outil de travail.
Et que l’alimentation joue un rôle fondamental dans leur quotidien de sportif de haut niveau…Absolument. Il y a trois piliers chez un sportif de haut niveau : l’entraînement, la récupération et l’alimentation. Et l’alimentation c’est le carburant du sportif. Et comme je dis souvent : un sportif professionnel, c’est comme une Formule 1. Et on ne va pas au supermarché pour mettre de l’essence dans une Formule 1 !
Faut-il favoriser un régime alimentaire particulier en début d’année pour redevenir compétitif rapidement en cas d’excès ?Oui, en cas de prise de poids par exemple. Dans ce cas, on va baisser les apports caloriques pendant une à deux semaines, mais vraiment à la marge. Car il faut toujours couvrir les apports par rapport aux échéances sportives, que ce soit pour l’entraînement quotidien ou les matchs. On est toujours dans une logique d’optimisation de l’alimentation et de la performance.
Pour certains joueurs, le nouvel an peut-il être synonyme d’une résolution « nutrition » pour la nouvelle année et donc pour la deuxième moitié de saison ? Pour ceux du TFC, cette saison, la réponse est non. Les bonnes résolutions ont été prises lors de mon intervention en juillet pendant le stage de préparation d’avant-saison. Maintenant, les joueurs du club maîtrisent leur alimentation, ils connaissent les plans à suivre. Que ce soit pendant la semaine, avant ou après les matchs. Donc pour eux, pas de bonnes résolutions à prendre à ce niveau-là je pense !
Et sinon, pour le footballeur du dimanche qui, lui, a vraiment fait beaucoup d’excès et attend la reprise du championnat de district en se rongeant les ongles. Un conseil à lui donner ?De ne surtout pas reprendre à fond ! Si le footballeur du dimanche a vraiment coupé pendant deux semaines et a fait beaucoup d’excès, il doit reprendre en douceur et reprendre une alimentation saine. La perte de poids se fera petit à petit, un à deux kilos par mois. Ce sera progressif. Après, l’idéal, c’est de ne pas faire trop d’excès. On peut faire tous les repas de fêtes, mais entre ces repas, il faut faire attention aux restes… Aux restes de foie-gras, de bûche, d’alcool qui peuvent être nombreux… Il faut juste essayer de faire preuve de bon sens.
Propos recueillis par Benjamin Laguerre