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Michel Le Milinaire : adieu l’humaniste
Michel Le Milinaire, ancien entraîneur emblématique du Stade lavallois, nous a quittés dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 92 ans. So Foot rend hommage au brillant technicien et à l’homme de convictions qui formait à la fois des footballeurs et des hommes.
Pour comprendre qui était Michel Le Milinaire de son vivant, il suffisait de tendre l’oreille. « On ne peut pas dire à un joueur qu’il n’est pas bon, confiait-il à Ouest France en 2013. C’est comme à l’école : un gamin à qui on dit cela et que l’on met au fond de la classe risque de se perdre. En revanche, si on lui accorde de l’attention et qu’on arrive à le faire sortir de sa coquille en lui disant qu’il a fait mieux que la fois d’avant, et qu’il n’est pas obligé de faire comme le premier de la classe, alors on peut tirer le maximum de ce qu’il peut faire. L’objectif, c’est de progresser. » Science du beau jeu, pédagogie et empathie : tel était « Mimi », comme la France du football l’avait affectueusement surnommé.
Sur un air de tango !
On ne saurait dire s’il existe ou non une caste des entraîneurs du Grand Ouest de la France, mais il en ferait partie à coup sûr, avec Jean Prouff, José Arribas, Coco Suaudeau, Reynald Denoueix ou Christian Gourcuff. D’abord parce que Michel, né breton le 7 juin 1931 à Kergrist-Moëlou dans les Côtes-d’Armor, a été l’entraîneur emblématique du Stade lavallois (1968-1992), puis du Stade rennais (1993-1996). Mais aussi parce qu’il partageait avec ces techniciens renommés les valeurs du travail bien fait, de l’amour du beau jeu (parfois avec une vision un peu académique) et d’un esprit formateur mêlé de bienveillance : « Je les aimais, mes joueurs. J’avais un attachement naturel à eux, une vraie sympathie. » Une considération sincère qui sera souvent louée par ses anciens protégés. Tel Jocelyn Gourvennec, qui joua sous ses ordres à Rennes en 1993-1995 : « Le Milinaire était sans doute le plus fin psychologue que j’ai eu comme entraîneur. Il était très doué pour parler aux joueurs. »
Un compliment partagé par Raymond Kéruzoré, que Michel relança à Laval entre 1975 et 1979, au point d’avoir été international A : « Il a été l’entraîneur le plus important de ma carrière. Il savait mettre les joueurs dans les meilleures dispositions. C’était un psychologue extraordinaire. » Le grand Kéruzoré avait incarné le début de l’âge d’or du Stade lavallois magnifiquement drivé par Le Milinaire (le coach) et Henri Bisson (le président). Marche après marche, « Mimi » avait fait monter le club mayennais du championnat régional amateur en 1968 à la Première Division en 1976 ! Instituteur puis conseiller pédagogique « dans le civil » durant ces années amateur, cet homme de gauche avait hésité cette année-là à rester l’entraîneur d’une équipe contrainte d’embrasser le statut professionnel. Le bon Henri Bisson arriva à le convaincre de poursuivre sa mission et, après quelques années de mise en disponibilité de l’Education nationale, Michel abandonna son métier d’enseignant. Qu’il poursuivit en fait à sa manière en inculquant avec pédagogie et humanisme ses valeurs républicaines ! Bien installé dans la D1 d’alors, le Stade lavallois de Michel se fait remarquer par son jeu emballant : « Michel Le Milinaire a su tout au long de sa carrière imprimer un style basé sur le collectif et la qualité technique qui inspire encore le Stade lavallois d’aujourd’hui », écrivait avec justesse Laurent Villebrun en 2008 sur le site Stade lavallois Museum. Malin et cultivé, avec son nez aquilin, ses longues mèches à la Léo Ferré débordant de ses célèbres casquettes et son franc-parler, l’ancien joueur amateur du Stade lavallois et du CA Mayennais (1953-1966) incarne un club un peu perdu dans le bocage…
Druide et Grand Schtroumpf
Mais c’est un club dynamique, avec sa couleur orange inédite (les fameux Tango) et son antre redoutable dont le nom stade Francis-Le Basser résonne encore dans les esprits en 2023. Le Milinaire a placé Laval sur la carte, comme on dit aujourd’hui… Honorables cinquièmes à la fin de saison 1983, les Tango disputent la Coupe UEFA la saison suivante et frappent un grand coup en sortant le grand Dynamo Kiev dès le premier tour, en 32es de finale ! Après un nul (0-0) en Ukraine, ils battent les Blancs 1-0 le 28 septembre 1983 grâce à un but historique de José Souto. De cette rencontre que Sofoot.com avait placée en 2013 dans son top 100 des matchs de légende nous est restée la fameuse punchline du gardien Jean-Michel Godard : « Ils nous ont pris pour des Schtroumpfs, on les a bien schtroumpfés ! » Voilà, entre autres accomplissements, pourquoi nos anciens confrères de France Football lui avaient décerné la distinction de Meilleur entraîneur français 1983, quatre ans après l’avoir déjà honoré du même titre. Détail sympa, en 1985, il avait été désigné sélectionneur de l’équipe de Bretagne (encore le Grand Ouest !) en vue d’un match contre l’Islande qui n’eut finalement jamais lieu… Beaucoup moins sympa fut sa mise à l’écart de l’équipe lavalloise en octobre 1992. Pas grave ! Mimi rebondira en juin 1993 dans la maison d’en face, à entraîner le grand Stade rennais. Et le diable d’homme aux préceptes de jeu jamais reniés fit remonter les Rouge et Noir en L1 dès l’année suivante ! Il y lancera les futurs internationaux comme Ousmane Dabo ou Mikaël Silvestre.
Mais en 1996, atteint par la limite d’âge (l’Unecatef lui ayant refusé une demande de dérogation), il quitte son poste d’entraîneur principal, laissant sa place à son adjoint Yves Colleu, qui prendra Mimi conseiller pendant une saison, avant que le vieux Druide ne prenne sa retraite en 1997. Nommé « entraîneur du siècle » du Stade lavallois en 2002, il réside à Changé, près de Laval, ne ratant aucune rencontre à Le Basser et assistant en éternel formateur dans l’âme aux entraînements et aux matchs de jeunes. En 2013, interrogé par Ouest-France sur l’évolution du football, l’homme gauche avait répondu avec sa sagesse coutumière : « La société est ainsi faite : on connaît plus facilement le 13e homme du Paris Saint-Germain que le médecin de Villejuif qui sauve des vies. C’est dommage, je trouve. Beaucoup de gens mériteraient une considération plus grande de la part de notre société. » En matière de longévité et d’accessions aux échelons les plus élevés, il fut le modèle de Guy Roux qui l’avait pourtant empêché de continuer à entraîner Rennes car il avait dépassé la limite d’âge de 65 ans… Après Henri Stambouli, c’est un autre grand serviteur du football français qui nous quitte. La rédaction de So Foot adresse à sa famille et à ses proches ses condoléances émues.
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