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Michel Kitabdjian : un l’arbitre à l’ancienne nous a quittés

Par Nicolas Kssis-Martov
Michel Kitabdjian : un l’arbitre à l’ancienne nous a quittés

Le 18 mars dernier, un des grands arbitres de l'histoire du foot français, Michel Kitabjian, nous quittait. Il était représentatif d'une l'époque où les hommes en noir pratiquaient une sorte de sacerdoce, et où les habitudes du monde amateur imprégnaient encore un peu les coutumes des rencontres de haut niveau. Hommage mérité.

Le 28 mai 1975, dans un Parc des princes tout neuf (il a été inauguré trois ans plus tôt), rempli de 48 000 spectateurs trop heureux d’assister à pareille fête dans la capitale, le Bayern Munich de Gerd Müller affronte le Leeds United de Peter Lorimer en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions. Pour diriger ce grand choc, un arbitre français, Michel Kitabdjian. Une reconnaissance extraordinaire pour l’époque, même s’il est déjà alors le digne porte-drapeau du corps arbitral tricolore sur la scène internationale. Un corps arbitral qui à ce moment demeure toujours le fruit d’une méritocratie empreinte de sacrifices familiaux ou professionnels les week-ends et de passion désintéressée. La rudesse de la confrontation le désarçonne quelque peu. C’est aussi le cas pour les Bavarois, peu habitués au fighting spirit des Anglais. « C’est l’adversaire le plus méchant que j’aie jamais rencontré dans toute ma carrière » , confiera plus tard Franz Beckenbauer. Mais signe des temps, Michel ne distribuera que trois cartons jaunes avant de siffler la fin de la rencontre sur une victoire allemande (les Britanniques devront patienter encore deux ans avant de régner sur le Vieux Continent). La principale leçon de ces 90 minutes s’avéra surtout la découverte chez nous du hooliganisme britannique, face à une sécurité débordée et au grand désarroi des badauds qui contemplent une porte d’Auteuil aux vitrines défoncées. Le début d’une autre histoire.

Interdit de café à Bastia

Pourtant il en avait connu d’autres, plus compliquées finalement, notre ami niçois. Issu du football de district et de la ligue Méditerranée, il avait grimpé tranquillement les échelons, graduellement en bon commis de la République du ballon rond, avant de devenir arbitre fédéral en 1959 et international en 1961. Se confrontant aux aléas concrets d’une période ou la fédé ne rembourse que les billets de train, sauf cas exceptionnels. Au cours des 1 500 rencontres qu’il avait gouvernées de son sifflet, il avait en effet pu accumuler une précieuse expérience en la matière. Son petit-fils Lilian raconte de la sorte une de ses anecdotes préférées : « Il était allé diriger une rencontre de Coupe de France à Bastia, perdue par les locaux. Du coup, il avait dû se rendre à l’aéroport sous escorte policière, l’hôtel étant encerclé. Une fois arrivé là-bas, tout le monde refusait de les servir, lui et ses adjoints, même un simple café. Et les douaniers les avaient retenus sciemment pour qu’ils ratent leur vol. Mon grand-père en rigolait, il trouvait cela naturel, bizarrement. Il disait que c’était l’ambiance qui prévalait durant ces années. »

Le sauveur de Brigitte Bardot

D’autres souvenirs se révèlent plus légers. « Il était à Colombes pour un match de gala en faveur de la lutte contre le cancer entre le grand Santos et une sélection mixte provenant de Saint-Étienne et Marseille. Brigitte Bardot donnait le coup d’envoi. Il y avait beaucoup de monde pour voir Pelé dans les gradins. Il avait dû accélérer le protocole, car au moment où la star devait taper le ballon, elle portait un mini-short blanc, une cohue de tous les joueurs s’était formée autour d’elle, et cette dernière s’était plainte auprès de mon grand-père qu’on lui avait mis des mains au cul. » Robert Herbin ne s’est en tout cas, à l’en croire, jamais remis de la bise qu’elle lui donna ce jour-là. Les footballeurs n’avaient pas l’habitude alors de s’approcher de tels sex-symbols. Et Metoo était fort loin des esprits masculins également.

Mais Michel fut surtout, comme le raconte le site de la FFF, « celui qui présente la plus grande longévité au niveau international. Durant dix-neuf saisons, de 1961 à 1980,(…)il en fut un ambassadeur apprécié et respecté » . Il se rendit notamment à Mexico pour le tournoi de football des Jeux olympiques d’été en 1968 (dont le quart de finale entre la Bulgarie et Israël). Avec près de 233 matchs à l’étranger au compteur, et en outre des demi-finales de Coupe d’Europe, de nombreuses dans les autres compétitions européennes, il a visité du pays et surtout vu évoluer les plus grands. Un chance assez rare pour un Français.

Retiré, il se consacra à la formation des jeunes arbitres du District de Côte-d’Azur (dont il était président d’honneur) et bien sûr au niveau de la fédé. Un autre foot oscillant entre service public et dévouement quasi religieux. Toutes nos condoléances à sa famille.

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Par Nicolas Kssis-Martov

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