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Michat-Michy
Abonné au banc depuis le début de saison, buteur qu’à une seule reprise en championnat et jamais titularisé par Antonio Conte en Premier League, Michy Batshuayi est actuellement dans la phase délicate de l’apprentissage du très haut niveau. Celle d’où il ne sortira que plus fort.
Le tableau était pourtant parfait, la table était dressée et il n’y avait plus qu’à déguster. Même le before avait été un succès. Installée en retrait de la scène, l’assistance avait pu regarder Antonio Conte faire des caresses verbales en public, imaginer la vie sans les crocs acérés de Diego Costa le temps d’un après-midi et donc se préparer à enfin apprivoiser le petit nouveau dont on n’a vu que le sourire sans le geste depuis juillet dernier. Face caméra, Conte s’était même roulé dans les louanges : « Son attitude, son comportement, tout ça est fantastique. Il veut en permanence bonifier ses qualités. Ses qualités techniques, ses qualités physiques et on travaille beaucoup avec lui sur l’aspect tactique du jeu. Chaque semaine, il montre un engagement certain, il travaille très bien pendant les séances et il le fait toujours avec passion. Bien sûr, il veut jouer et ce n’est pas simple quand Diego Costa est devant vous. Mais je le répète : c’est important pour lui de continuer à travailler, à s’améliorer. Je suis sûr que son moment arrivera. »
Ce moment devait avoir lieu lundi dernier, à Stamford Bridge, où Chelsea recevait Bournemouth pour conforter sa place de leader autoritaire de Premier League et sa folle série de succès en cours. Cette série, les Blues l’ont cajolé en ne tremblant qu’une mi-temps face à des Cherries joueurs, mais qui ont finalement posé les armes (3-0). Mais l’important était finalement ailleurs car l’idée de cette rencontre était de voir comment Antonio Conte pouvait évoluer sans son meilleur buteur – Diego Costa – et sans le poumon central de ses transitions, N’Golo Kanté. Au milieu, l’histoire s’est réglée sans problème avec la titularisation de Cesc Fabregàs, mais devant ? Devant, le technicien italien a décidé de débarquer sans attaquant et avec un trident Willian-Hazard-Pedro. Mais où était Michy ? Sur le banc, malgré le soutien médiatique de son coach. Une nouvelle fois, Stamford Bridge n’a pu se contenter que des miettes. C’est-à-dire trente-cinq secondes et un sourire invariable. Rien de nouveau, donc.
77 minutes pour exister
Les chiffres, d’abord. En débarquant à Londres au début du mois de juillet dernier, Michy Batshuayi voulait « ouvrir un nouveau chapitre » dans sa jeune carrière. Après trois saisons chez les grands au Standard, deux saisons convaincantes à l’OM, c’était le bon moment malgré un championnat d’Europe davantage passé sur une banquette que sur une pelouse. Fin juin, le bonhomme avait refusé de se glisser dans les valises de Steve Mandanda pour Crystal Palace. Pourquoi ? Car il savait qu’une plus belle vitrine était prête à l’accueillir. Tout était donc parfait dans le monde de Michy, ce monde fait de bonne humeur, gros smileys et belle proximité avec ses fans.
Mais que s’est-il passé ? Comment peut-on expliquer que l’international belge de vingt-trois ans n’ait été vu que soixante-dix-sept minutes sur les pelouses de Premier League cette saison pour aucune titularisation ? Est-ce un problème d’intégration ? Non selon Matić : « Michy travaille beaucoup chaque semaine. Bien sûr, il profite des séances qu’il passe avec Diego pour apprendre. La situation était la même pour moi il y a sept ans. J’ai beauocup appris en regardant Frank Lampard, Michael Ballack ou Michael Essien jouer. C’est positif pour Michy de regarder comment Diego bouge sur le terrain, ses déplacements. Là, il apprend beaucoup. » Ce n’est pas non plus un problème de rythme, pas forcément de niveau, mais plutôt de perception.
Le mérite selon Conte
Il est naturel de s’inquiéter lorsqu’un joueur de vingt-trois ans, prometteur, intéressant à chaque apparition, auteur d’un doublé lors d’un match avec la réserve du club fin novembre, joue si peu. Mais Michy ne se plaint pas forcément car il sait, lui aussi, que son heure viendra. La force de Conte est aussi dans la gestion, ce n’est plus à prouver et l’entraîneur italien est le premier à dire que « si Batshuayi est là, c’est parce qu’il le mérite » . C’est aussi pour ça qu’il a déjà refusé d’envoyer son joueur en prêt cet hiver. Sa phase d’intégration, d’adaptation, touche à son terme et voir Antonio Conte agir de la sorte montre qu’il n’a pas changé sur une approche fondée sur un seul vecteur. « Je ne connais que ce verbe : travailler, travailler, travailler » , aime-t-il répéter. En arrivant à Chelsea, Michy Batshuayi savait à quoi s’attendre.
Tout simplement parce qu’en mai dernier, Conte a réussi à convaincre dans son bureau Diego Costa de rester pour partir à la guerre à ses côtés. Michy est un numéro deux et son coach n’a jamais menti là-dessus. Une saison est longue, la prochaine le sera encore plus avec l’ajout d’une participation probable à la Ligue des champions et Bats aura donc sa chance. La jeunesse est impatiente, le talent de Michy l’est aussi. Antonio Conte le sait, le Bridge le sait, ses partenaires le savent. Mais l’Italien marche au mérite et sur ce point, l’ancien attaquant de l’OM a marqué des points. Un jour, Michy Batshuayi avait expliqué « ne pas vouloir être chouchouté » . Le voilà face à son destin. Le haut niveau est aussi à ce prix et la récompense ne sera que plus belle. C’est aussi ça l’art de la guerre.
Par Maxime Brigand