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Michaël Youn : « On peut être un ultra sans être un imbécile »

Propos recueillis Romain Duchâteau
Michaël Youn : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>On peut être un ultra sans être un imbécile<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Télévision, one-man show, musique, cinéma… Depuis le début des années 2000, Michaël Youn est devenu un entertainer éclectique et passionné. Et quand il s'agit de causer football, l'humoriste et acteur de 40 ans l'est tout autant. Notamment en ce qui concerne le Paris Saint-Germain, club dont il est supporter depuis les eighties et sujet pour lequel il se montre intarissable. Entretien décontracté avec un éternel trublion.

Quels sont tes premiers souvenirs avec le ballon rond ?

Mes premiers souvenirs de foot ? Je crois que c’était lorsque j’étais allé voir PSG-Metz en 1981. Tribune Boulogne. Victoire 2-0 du Paris Saint-Germain, j’avais 7-8 ans. Je n’ai pas de souvenirs de télé avant et de la Coupe du monde 1978. Mon premier souvenir, c’est ça, la première fois que je suis allé dans un stade. J’étais avec mon père, c’est pour ça que ça reste l’un de mes meilleurs souvenirs de foot. Pourquoi tu aimes le foot ? Parce que ça te rappelle aussi des moments avec ton père, des moments où il passe du temps avec toi. Ce n’est pas une interview psychanalyse, attention, hein… Ce sont des moments privilégiés. Ton papa, il est à toi pendant deux heures environ. Et il t’explique tout parce que toi, tu es tout petit. Il te dit : « Tu vois, c’est les Bleus. Ici, les Rouges. » Je ne dis pas que c’est pour cela que j’aime le foot, parce que depuis j’ai trouvé d’autres sources de plaisir. Mais je crois que ça y participe, ouais.

Tu es connu pour être supporter revendiqué du Paris Saint-Germain. Comment juges-tu la dimension prise par le club depuis le rachat de Qatar Investment Authority (QIA) en 2011 ?

C’est compliqué parce qu’il y a trois supporters en moi. Il y a celui qui a mangé son pain noir pendant quand même quasiment dix ans et qui n’aurait jamais pu imaginer qu’un jour on lui dise que le PSG est l’une des meilleures équipes d’Europe, l’un des favoris pour remporter la Ligue des champions. Ça n’existait pas, cette idée ! Ce supporter-là n’en revient pas, il est plus qu’heureux… C’est comme si, du jour au lendemain, on t’annonce que ta meuf est Miss monde. Je ne suis pas dans l’analyse des jaloux qui disent : « Mais d’où vient cet argent ? Est-ce que c’est l’argent de Salafistes ? Regardez ce qui se passe au Qatar en terme de liberté d’expression ou des droits de l’homme, comment sont traités les ouvriers qui bossent pour le Mondial 2022. » Si tu commences à regarder d’où vient l’argent… Il y a des fonds occultes partout. Il y a un deuxième supporter qui va au Parc des Princes et qui est terriblement triste. Parce qu’il est mort, le Parc des Princes. Je me souviens de ce stade qui était l’un des plus chauds de France. Et quand je dis chaud, je ne parle pas des embrouilles, mais de l’ambiance. La tribune Auteuil où j’allais, elle était bouillante. Boulogne, en face, c’était pareil. C’était un stade où tu n’entendais pas les joueurs parler, taper dans le ballon, les entraîneurs leur adresser la parole, le sifflet de l’arbitre. C’était un stade où il y avait des supporters, et non des spectateurs. Maintenant, il y a essentiellement deux choses au Parc. « Allez Paris » ou les sifflets. On ne sait pas supporter, on sait juste siffler. Ce supporter, il est évidemment triste. Il se dit : « Putain, c’est dommage au moment où on est les meilleurs, où tout le monde nous regarde, de ne pas avoir les tifos, les drapeaux, les feux de Bengale, toutes les chansons qu’on avait. » Elles ne sont pas compliquées à retenir en plus… Yellow Submarine et compagnie, il n’y a rien de plus facile à retenir. On était le Celtic Glasgow de France et aujourd’hui… on est Ajaccio. Ta femme, c’est une Miss, donc mets-lui une robe digne de ce nom ! Là, tu te rends compte qu’elle est en tee-shirt et caleçon tout pourris… Et puis, il y a un troisième supporter depuis que je suis papa et que j’ai communiqué mon amour du PSG au fils de ma femme, qui a 13 ans. Ce supporter, il est content d’aller au Parc avec lui, content qu’il n’y ait pas d’embrouilles, de violences, de pouvoir se poser tranquille avec lui et de ne pas se poser la question si je l’emmène ou non au stade. Je me souviens de mon père qui m’a dit la première fois qu’on n’irait plus à Boulogne mais Auteuil, parce qu’il avait vu un black se faire défoncer la gueule par trois skinheads. Parce qu’il y avait des skinheads au Parc des Princes. Donc ce supporter-là, il se dit que c’est peut-être mieux qu’il n’y ait pas d’ambiance, que d’avoir un mort par saison. « Et il est mort le Parc des Princes ! » , oui. Liberté pour les ultras, oui. Mais les morts, ce n’est pas possible. C’est du football, les gars. C’est du football.

Tu es donc partagé sur le plan Leproux ?

Je l’ai soutenu, le plan Leproux. Mais je n’étais pas pour un plan Leproux définitif. Un moment, ce n’était plus possible. Un mort par an, deux morts de suite, on est le seul club au monde à qui c’est arrivé, quoi… Ce n’était vraiment plus possible de voir des gens mourir par haine ou parce que tu portais un maillot différent. Le deuxième décédé, c’est quand même un mec de Boulogne qui est mort sous les coups d’Auteuil… C’est dingue quand on sait que ce n’est que du foot, des mecs qui tapent dans un ballon et après on rentre heureux. Rien de plus.

Pourtant, récemment, tu as toi-même appelé Jean-Claude Blanc, directeur général parisien, à « instaurer un dialogue avec les ultras pacifistes » …

J’en ai parlé un peu avec Blanc parce que je fais partie des huiles désormais, hein ! J’ai discuté avec lui et il a dit : « Pas maintenant, nous sommes en train de reconstruire. Il y aura sûrement un mouvement vers les ultras. Mais pas encore. » Ce n’était pas une posture de sa part. Tu penses bien que ça les fait chier, que les premiers emmerdés par tout ça, c’est eux. À 300 millions le strapontin, tu penses bien qu’ils ont envie de voir de l’ambiance. C’est pour ça qu’ils organisent des tifos, qu’ils distribuent des drapeaux, même si ce n’est pas au club de le faire habituellement. Et je comprends, car l’image reste encore trop fragile. Je ne sais pas si tu te souviens de PSG-Caen où le CRS se fait latter la gueule à Boulogne ? Si demain, il y a des images comme ça, qu’est-ce que fait le Qatar ? Le Prince décroche : « C’est quoi, ce bordel ? Je te file 400 patates par an, c’est pour avoir des flics qui se font taper ? » Entre ce qu’on est aujourd’hui et avant, je crois qu’il faut trouver un juste milieu. Tu vois à City, Chelsea, il y a un peu plus d’ambiance dans ces clubs qui ont été refabriqués avec de l’argent. Puis Paris, c’est 12 millions d’habitants. On me dit : « Vous avez vu les incidents qu’il y a eu quand le PSG a été champion ? Il n’y a pas eu ça à Manchester ni Barcelone. » Mais bande de Bisounours… Paris, ça fait dix fois Barcelone, vingt fois Manchester. Donc t’as forcément vingt fois plus de connards et vingt fois plus de problèmes. On ne peut pas comparer. Paris, ce n’est pas que le foot. Certains ont profité de ce rassemblement populaire pour régler quelques comptes. Ça n’a pas gâché le titre parce que ce qui reste, c’est « On est les champions, on est les champions ! » Mais il ne faut pas oublier un truc. OK, avant, il y avait de l’ambiance. Mais moi qui suis allé voir PSG-Metz plus d’une fois, c’était 10 000 spectateurs en moyenne au Parc des Princes. Maintenant, c’est plein, c’est 43-44 000 personnes à chaque match. Avant, quand il y avait des PSG-OM, il y avait du monde, mais sinon, ce n’était pas plein. Regarde le Vélodrome aujourd’hui, il ne se remplit plus, car il n’y a plus de spectacle. Moi qui suis un ex-ultra, je pense qu’on peut être un ultra sans être un imbécile et il y en avait 13 000 au Parc, des mecs comme ça. Mais 300 qui ont foutu la merde.

Et tes années aux Lutece Falco (un ancien groupe d’ultras dissous depuis), tu en retiens quoi ?

Dans mes deux meilleurs souvenirs, il y a une défaite magistrale et une victoire extraordinaire. Je me souviens de l’ambiance sur PSG-Juventus, finale aller de la Supercoupe d’Europe où je crois qu’on perd 6-1 au Parc des Princes. On a terminé toute la seconde mi-temps à soutenir la Juventus, qu’est-ce qu’on a rigolé… Dès qu’on prenait un but, on criait. C’était pourtant l’équipe du Paris Saint-Germain qui avait gagné la Coupe des coupes, celle donc de Luis Fernandez. Si je ne m’abuse, il y avait tout de même du Raï, Valdo, etc. Ce n’étaient pas que des branquignoles, quoi. Puis l’ambiance qu’il y avait au PSG-Steaua Bucarest. Match retour de qualification pour la Ligue des champions, même si derrière, on n’a rien fait avec Leonardo qui est au sommet de son art… Il fallait qu’on gagne 3-0 et on gagne déjà 4-0 à la mi-temps. Un truc de malade. Magnifique. Et PSG-Real (quarts de finale de Coupe de l’UEFA en 1993, ndlr), aussi, c’était irréel. Voilà, ce sont des moments qui te transportent. J’ai l’impression que les matchs ont duré quatre-cinq heures tellement j’ai de souvenirs. L’émotion, putain ! Toujours avec les mêmes potes d’ailleurs.

Paris domine tellement le championnat maintenant que certains affirment déjà se lasser et ne plus vibrer…

Les émotions, on va les avoir ailleurs. Sur la scène européenne. L’année dernière, je suis allé à Barcelone, j’ai vibré, quoi. J’y ai cru. Je vois une frappe de Pastore en deuxième mi-temps et, de là où je suis placé, je ne la vois pas aller dans l’extérieur, mais dans le but, et je pensais qu’on menait 2-1. Certes, il n’y aura pas des montagnes russes comme on avait avant parce qu’on était très mauvais, puis très bons, avant de redevenir très mauvais. De toute façon, le club n’appartient pas au Qatar. Il m’appartient à moi et aux fans du PSG. C’est à eux qu’il appartient. Car quand le Qatar partira… Je suis là depuis 33 ans. J’ai eu Borelli, Canal +, Colony Capital, puis le Qatar. Ce ne sont que des gens qui passent. Parfois, je rencontre des distributeurs de film qui me disent : « Ouais, je ne sais pas, ce n’est pas trop pour nous. » Et je leur réponds clairement ce que je pense : « Je sais pas, je t’emmerde. » Ils me disent : « Vous ne devriez pas nous parler comme ça, vous avez besoin de nous. » « Oui, j’ai besoin de vous, mais sauf que moi, dans dix ans, je serai encore là à faire ce métier. Vous, vous ne serez plus là, en train de vendre des yaourts ou des tapis, j’en sais foutrement rien. » C’est pareil. J’ai beaucoup de respect pour Nasser et les investissements du Qatar. Quand je dis que ça ne leur appartient pas, ça ne veut pas dire que je les méprise. Ça veut dire que le club appartient à ceux qui aiment le maillot. Il n’appartient pas aux joueurs non plus. Ibra est là, mais il sera ailleurs demain. Tant mieux pour lui. Dommage que Sakho soit parti, qu’il n’y ait pas de Paolo Maldini, de mecs qui y font toute leur carrière. C’est comme ça. Dans trente ans, j’aurai 70 piges, mais je serai encore supporter du PSG. Ce que fait Nasser, il le fait très intelligemment, avec une réelle affection pour la France. C’est un mec qui aime Paris, la France, ils aiment ce que nous, nous avons oublié d’aimer dans notre pays. Quand il est arrivé la première fois à Paris, il s’est dit : « Mais elle est magnifique cette ville avec tous ces monuments, quel dommage qu’il y ait des gens si malpolis qui la fréquentent. » Et nous, on leur reproche de nous aimer pour nos qualités. Ça s’est calmé, mais je trouvais qu’il y avait énormément de remarques racistes sur l’investissement qatari. Beaucoup de remarques sur les pétro-dollars, d’où est-ce que ça vient, sur ces mecs en djellaba et cie. C’est moche, mais tellement moche, ce genre de remarques. En Italie, c’est pire. Mes potes sont italiens, donc je connais bien le dossier. C’est dramatique. Un stade de foot, c’est comme internet, c’est l’anonymat. Personne ne t’entendra faire des cris de singe quand il y a un noir qui a le ballon. C’est comme internet, tu peux t’exprimer comme tu veux. Ça déclenche les sentiments les moins nobles qui a en l’être humain. Mais bon, je ne vais rien changer hein…

Es-tu un grand consommateur de foot en général ?

Ma femme n’aime pas regarder le foot dans le canapé, mais elle adore se rendre dans les stades. Dans les stades, elle vibre comme moi. On est allés partout. À la Bombonera, au Monumental, au Maracanã, à São Paulo, en Angleterre, en Italie, en Espagne, au Camp Nou. J’ai fait Bernabéu aussi, le stade de Séville, de l’AC Milan, San Paolo. Puis le Japon, une expérience inédite. Je me suis fait tous mes kifs. J’adore être dans un stade. Il y a seulement deux endroits où je me sens chez moi : une boîte de nuit et un stade de foot.

Quelles émotions te procurent le fait d’être dans un stade ?

J’sais pas… Tu vois, la France, c’est compliqué pour moi. Autant je peux aller au Parc des Princes, autant ailleurs… Je suis allé au Vélodrome, à Lyon, à Lille, mais je me déplace très peu, car je n’ai pas d’anonymat. Je peux me déplacer tranquille dans les villes, car les gens qui ne sont pas pointus en foot ne savent pas que je suis supporter du Paris Saint-Germain. Mais dans un stade, il y a marqué sur ma gueule que je suis fan du club de la capitale… Un peu comme Patrick Bruel qui va chanter à l’Allianz Riviera. Alors qu’à l’étranger, je n’ai pas ce problème. Puis, je ne sais pas, je trouve ça juste beau. Je suis allé voir River Plate-Boca Juniors au Monumental, pfiouuuuu… Putain ! En résumé, tu ne regardes pas le match. Tu regardes les tribunes. À San Lorenzo, les mecs sont des malades mentaux. Les mecs chantent pendant une heure et demie, ils sont torses nus. Ils se prennent 4-0 et ils continuent de chanter. C’est une culture qu’on ne peut pas avoir en France. On ne l’aura jamais. On est un pays de Jacobins qui pensent que Victor Hugo est le plus grand auteur de tous les temps. Je ne dis pas que Victor Hugo n’est pas un grand auteur, hein. Mais on a cette suffisance en France, on n’aime pas mettre les mains dans le cambouis. On n’a pas de culture populaire. Un peu dans le Nord, à Lens par exemple. Un peu à Marseille, aussi. Et pourquoi à Marseille ? Parce qu’avec tous les titres qu’ils ont gagnés, c’est normal qu’ils aient une faction de supporters. Si tu vas voir des clubs de Serie B en Italie ou de Championship en Angleterre, il y a plus d’ambiance que dans des clubs de Ligue 1. On n’a pas cette culture, mais ça ne nous empêche pas d’aimer le foot.

Hormis le PSG, suis-tu de manière assidue l’équipe de France ?

Ça dépend. Avec l’équipe de France, j’ai vraiment un rapport comme avec une maîtresse qui, de temps en temps, te casse vraiment les couilles. Mes souvenirs de la France, ce ne sont pas ceux de 1998. C’est 2006. Je trouve de toute façon qu’il y a bien plus d’émotion dans la défaite. Parce que c’était une défaite magistrale. En 1982 aussi, on a vibré. Tu mènes 3-1. C’est Battiston avec la balle qui passe de peu à côté. L’arbitre ne siffle pas carton rouge et coup franc, alors que la faute de Schumacher était énorme. On est passés de peu à côté de la finale. Bon, on se serait certainement fait latter par l’Italie… À l’Euro 2000, ce but à la dernière minute de Wiltord, quel pied ! En 1998, on n’est pas extraordinaires. On fait une finale de rêve, car on marque sur deux coups de pied arrêtés en première période. Mais le Zidane de 2006 était encore plus magique. Celui qui bat à lui tout seul l’Espagne et le Brésil. Puis cette histoire avec Materazzi. Je le connais un peu, Zinedine, et je n’ai jamais osé lui en parler. Parce que je me doute que chez lui, ça doit être un sacré poteau au milieu de sa mémoire. Comment, à un moment où le mec peut devenir l’égal de Maradona ou de Pelé, repartir avec deux Coupes du monde, comment peut-il oublier de devenir une légende ? Après, je me mets à sa place, il était fatigué, il s’était démis l’épaule après un mois de compétition. Et l’autre, on ne sait pas ce qu’il lui a dit. Même quand le PSG perdait, je continuais à les supporter, quitte à me foutre de leur gueule un peu. Je n’ai jamais eu de désamour, de désaffection ou de désintérêt. Alors qu’avec l’équipe de France, oui. Surtout depuis 2006 où les mecs donnent l’impression de s’en foutre du maillot. Je me suis dit que j’allais faire pareil et que je n’allais plus m’y intéresser. Je n’ai pas regardé les matchs de qualification, la Coupe du monde en Afrique du Sud, je n’ai rien suivi. Je n’ai même pas vu Knysna. Je ne comprends pas ce qui a pu se passer là-bas. Même si le bouquin de Domenech nous a un peu éclairés. Tu repenses à la génération Tigana, Platini, Fernandez… C’étaient aussi des oufs, mais tu n’étais pas inquiet pour eux. La preuve, c’est qu’en terme de reconversion, ils se sont tous démerdés. Là, tu te dis : « Mais ils vont faire quoi, les gars ? » Puis ils sont dans une posture où ils ne parlent pas à la presse, font la gueule tout le temps. Tu sens de la colère en plus. Dès le départ, j’avais dit que ça ne m’intéressait pas ce qu’ils allaient faire. Pareil pour l’Euro qui a suivi avec Laurent Blanc. J’étais en tournage, toute l’équipe voulait regarder les matchs, mais je leur disais que je m’en foutais parce que je savais très bien ce qui allait se passer. Mais cette année, j’y crois. Et je vais y aller. Pour moi, la Coupe du monde au Brésil, c’est un peu la Rolls-Royce de la Coupe du monde, tu ne peux pas faire plus beau. Je vois la France aller en quarts de finale. C’est déjà pas mal au regard du dernier Mondial…

En tant qu’humoriste, n’as-tu pas l’impression que le football est aujourd’hui trop pris au sérieux alors que ce n’est qu’un jeu ?

Oui, c’est certain. Mais je suis ravi de ça. Plus on prend la tête aux footballeurs, moins on prend la tête aux artistes (rires). Je préfère voir les salaires des footballeurs en Une du Figaro que le salaire des acteurs. Ça me fait plus de vacances. C’est eux les stars, c’est eux qui entrent dans l’arène. C’est pour eux que viennent les 90 000 personnes présentes au stade. Le jour où nous, on aura 90 000 personnes à chaque représentation… Là, c’est eux, les gladiateurs. Il faut quand même avoir de grosses, grosses couilles.

Et comme acteur et réalisateur, comprends-tu que le football a toujours été abordé au cinéma à travers des comédies ? La dramaturgie qui la caractérise tant a-t-elle du mal à s’exporter sur le grand écran ?

Il n’y a rien qui puisse remplacer la force des émotions vécues sur le moment lors d’un match de foot. Tu ne peux pas faire un film sur le foot. Tu ne peux rien écrire, car tu ne peux transmettre les mêmes émotions. Tu ne peux rien scénariser d’aussi fort. C’est la violence du direct, de l’incertitude. C’est la fabuleuse incertitude du sport. Parce que pour que tu puisses kiffer un France-Italie en 2000, combien de 1-1, de 0-0 soporifiques tu t’es tapé avant ? Moi, combien de joints j’ai fumé au Parc des Princes sans regarder la deuxième mi-temps, assis à parler d’autre chose ? Le foot ne peut pas s’exporter au cinéma, le sport en général d’ailleurs. Invictus, ce n’est pas bien. J’aime Clint Eastwood et Nelson Mandela, mais Invictus, ce n’est pas bien. Ce n’est pas un beau film sur le rugby.

Seuls deux films, Coup de tête (1979) et À mort l’arbitre (1984), ont d’ailleurs été salués par la critique. Et ils n’abordaient que des aspects périphériques, pas le terrain…

Il y a quelques films ricains qui sont intéressants. Comme Any Given Sunday sur le football américain, le film d’Oliver Stone, car on s’intéresse très peu aux matchs. On s’intéresse aux coulisses, aux tractations, aux mecs qui partent d’en bas et qui arrivent en bas, à la fille du propriétaire qui veut revendre le club, etc. C’est pareil pour le foot. Si tu veux réussir un film là-dessus, il faut s’intéresser aux à-côtés, car c’est ça qui est funky aujourd’hui. C’est Olivier Giroud qui se fait choper par la presse britannique. Son tweet, il était mondial. Il disait : « Je suis désolé patati patata… Mais je n’ai pas commis d’adultère. » En gros, tu t’es fait sucer, c’est ça, quoi ? Le mec, il est mort. Dans sa tronche, il est foutu. Quand tu envoies un tweet pareil… Qu’est-ce qui fait aujourd’hui qu’il y a tant de personnes qui s’intéressent au foot ? C’est pour voir Zlatan qui est arrogant, les millions du Qatar, tout ça. C’est ce qui est périphérique qui fait qu’on en parle tant. Ce n’est pas le foot en lui-même.
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Propos recueillis Romain Duchâteau

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