- Allemagne
- Bayern Munich
« Ce qui réunit le Bayern et le PSG, c'est d'être sponsorisé par le Qatar »
Quelques minutes avant de voir leur équipe terrasser le PSG en huitièmes de finale de Ligue des champions, les supporters bavarois déployaient une banderole anti-Qatar. Une critique évidente envers le PSG, mais aussi envers le Bayern, comme l'explique Michael Ott, porte-parole de ce mouvement de contestation.
Étiez-vous au courant pour cette banderole avant le match de la semaine dernière ?
Je ne fais pas partie du groupe à l’origine de cette banderole, mais j’étais au courant qu’il allait se passer quelque chose, oui.
Cette banderole visait-elle uniquement le PSG ?
En gros, c’était une attaque contre trois acteurs : le PSG, le Bayern et le Qatar. Évidemment, on attaque le Paris Saint-Germain, d’autant plus que cela faisait écho au tifo parisien du match aller, parce qu’il est détenu par le Qatar. Nous sommes contre ce concept des États qui détiennent des clubs, qui falsifient financièrement la concurrence. Mais c’est aussi une attaque contre le Bayern. Je ne sais pas si les supporters français l’ont remarqué, mais le message est délivré par Uli Hoeness, notre ancien président, qui était boucher, d’où le couteau. C’est une très belle ironie, je trouve.
Pourquoi avoir choisi Uli Hoeness ?
C’est lui qui est responsable de la signature du premier contrat entre le Bayern et Qatar Airways. Il s’est toujours prononcé en faveur du Qatar. Pendant très longtemps, il n’était jamais visé par la critique au Bayern, il était comme le pape ! On n’osait pas le critiquer, mais depuis quelques années, certains supporters critiquent, d’autres restent fans. Globalement, l’avis sur Hoeness est beaucoup plus nuancé désormais. Ce qui est hypocrite chez lui, c’est qu’il critique régulièrement le PSG, en disant qu’il reçoit de l’argent sans contrepartie, que ce n’est pas honnête, ce que les supporters disent aussi, mais il coopère quand même avec le Qatar. Ça ne va pas du tout ensemble, c’est de l’hypocrisie parfaite.
Donc le message « notre boucher abat le bras long du Qatar » était complètement ironique ?
Oui ! C’était tout à fait ironique. La politique du Bayern n’est pas du tout d’abattre le bras long du Qatar. Je ne sais pas si c’est l’intention des supporters avec cette banderole, mais on pourrait l’interpréter comme une critique envers Oliver Kahn. Il dit qu’au niveau européen, il milite pour le fair-play financier, mais derrière, si vous vous laissez sponsoriser par le Qatar qui combat ce genre de principe, c’est complètement contradictoire.
Finalement, n’est-ce pas le Bayern qui était le plus visé par cette banderole ?
Je pense que c’est moitié-moitié. Mais peut-être que la critique la plus dure était adressée aux dirigeants bavarois, oui.
Savez-vous si cela a fait du bruit en interne ?
Ils n’ont pas réagi publiquement en tout cas. En interne, je n’ai pas encore eu de retour. J’aurais bien aimé que cela fasse plus de bruit dans les médias. Il y a eu quelques titres sur des sites internet, mais c’est tout.
Depuis les incidents de novembre 2021, comment la situation a évolué entre le club et les supporters à ce sujet ?
On a eu pas mal d’entretiens entre les supporters et la direction du club. C’était bon signe. Mais la question était : est-ce qu’on va juste écouter l’avis des supporters ou va-t-on vraiment le prendre en compte au moment des décisions ? On a eu une table ronde l’été dernier avec l’ancien ministre des Affaires étrangères, l’ambassadeur du Qatar, le chef du comité d’organisation du Mondial 2022, les deux boss du Bayern, les représentants des supporters et quelques ONG, afin de discuter du Qatar. Le fait que ça ait eu lieu, c’était un succès important pour nous parce que le Bayern a toujours essayé d’y échapper, de ne pas se présenter à un tel débat. Par contre, aujourd’hui, même si ce n’est pas 100% clair, les signaux montrent plutôt une tendance à la prolongation du contrat avec Qatar Airways, qui doit prendre fin en juin 2023. Donc les supporters sont plutôt alarmés, et se disent que toutes ces discussions n’ont pas abouti à l’objectif initial.
Peut-on dire que le PSG est l’ennemi philosophique du Bayern ?
Je ne sais pas. Manchester City, c’est pareil. Ce qui nous réunit avec le PSG, c’est que nous sommes sponsorisés par le Qatar aussi. Je ne dirais pas que l’ennemi numéro un des fans du Bayern est le PSG. Il y a aussi Manchester City, Newcastle, ou même le RB Leipzig en Allemagne, où une entreprise vient pervertir le sport pour ses objectifs marketing.
Propos recueillis par Léo Tourbe