Quel est ton rapport au foot ?
Je ne suis pas forcément un fan de football à la base. Je fais partie de ces gens qui regardent le foot quand il y a des gros matchs, ou un événement comme une Coupe du monde, par exemple. Je suis né à Marseille, j’ai grandi là-bas, donc forcément j’ai vécu la finale de Coupe d’Europe en 93 avec toute la ville qui faisait la fête. Mais je n’ai jamais dépassé ce stade de supporter occasionnel, car je n’ai pas été initié, en fait. C’est un peu comme une initiation au vin ou à la littérature, ça dépend de l’environnement dans lequel tu grandis. Mon père aimait bien le foot, mais il m’a surtout transmis son attachement à la musique, ce qui fait que je n’ai jamais été très sensible au foot.
Si tu n’es pas un passionné de football, comment t’es venu l’idée d’écrire un livre sur ce match France-RFA de 1982 ?
En fait, même si je ne suis pas un fan de foot, j’ai toujours entendu parler de ce match comme quelque chose de fantastique et terrible à la fois, mais sans jamais chercher à en savoir plus. Et puis un soir, en mars dernier, alors que je venais juste de finir un bouquin et que j’avais décidé de prendre une période de repos, je suis tombé sur un documentaire consacré à Michel Platini. Évidemment, dans ce documentaire, on revient sur ce fameux match de 82, comme quoi ça l’a marqué à vie et tout ça. À ce moment-là, il est 1h du matin et je me dis : « Bon, il faut que je le vois ce match, quand même » . Du coup, je suis allé sur Youtube et j’ai regardé le match en entier. Et j’ai complètement halluciné. J’ai fumé un paquet de clopes, je me suis rongé les ongles, ça m’a vraiment pris, quoi. Ça a été un vrai choc, car en tant qu’écrivain de romans noirs depuis 15 ans, j’ai réalisé que ce match rassemble tous les codes du genre : des coups de théâtre de folie, une dramaturgie incroyable, on passe coup sur coup d’un sentiment d’exaltation à celui d’injustice. Au final, très vite, j’ai eu conscience que je pouvais en tirer un livre.
Directement après le visionnage du match, tu décides donc d’en faire un livre ?
Exactement. Dés que j’ai fini de le regarder la première fois, je l’ai relancé une seconde fois, et j’ai commencé à le découper en chapitres. J’ai passé une vraie nuit blanche, avec la cafetière qui tourne en continu et dès le lendemain matin, je me suis mis à l’écriture. Ce match m’a permis d’évoquer ce que le football était avant, et à travers cette histoire, je voulais aussi raconter la France de l’époque, celle de Mitterrand, avec les premières désillusions des Français à son égard ; de l’autre côté, en Allemagne, il y a encore le mur de Berlin, et les Allemands ont encore le poids pesant du passé sur les épaules. On est dans un contexte assez particulier, au moment de ce match.
Dans ton roman, tu racontes le match à travers le regard d’un joueur fictif, comment t’est venue cette idée ?
C’est un procédé qui m’est venu dès le début. Ce roman est avant tout un hommage aux deux équipes, donc, pour moi, il était hors de question de prêter des pensées ou des intentions aux joueurs qui étaient sur la pelouse ce jour-là. Finalement, le seul moyen que j’avais pour m’autoriser une liberté de ton, c’était de créer un douzième joueur fictif qui symboliserait, en quelque sorte, l’inconscient collectif français. Après, c’est un parti pris, donc je ne sais pas comment ça va être reçu. C’est un procédé romanesque que j’ai déjà utilisé dans d’autres romans, là c’est un événement connu de tout le monde, donc on a peut-être l’impression que c’est un peu tiré par les cheveux. Mais ça reste un roman, il ne faut pas l’oublier.
Est-ce l’agression de Schumacher sur Battiston qui t’a donné envie d’écrire sur ce match ?
Bien sûr, en partie, car ça reste l’élément déterminant de cette rencontre. Après, je voulais justement montrer qu’il n’y avait pas que ça, dans ce match. Il ne faut oublier qu’il y a une équipe d’Allemagne qui est hallucinante en terme de jeu, et il y a une équipe de France qui pratique aussi un superbe football, ce qui traduit d’ailleurs le réveil du football français à l’époque. En fait, je voulais surtout insister sur le fait que ça reste avant tout un superbe match de foot, sans enlever le côté dramaturgique qui le caractérise.
Comment donnerais-tu envie aux gens d’acheter ton livre ?
C’est un roman noir qui est très actuel, car il parle de la France de l’époque pour mieux évoquer celle d’aujourd’hui, à travers des sentiments comme la haine et la paranoïa. C’est aussi un hommage au sport, à ses valeurs fédératrices, même si ça reste un roman très sombre avec énormément de suspense. Voilà, c’est avant tout un roman noir, et il s’avère qu’il parle de foot, même si j’ai veillé à ce qu’il puisse parler à tout le monde, et même à ceux qui n’apprécient pas particulièrement ce sport. Si moi, je suis arrivé à m’intéresser au foot avec ce match, j’aime croire qu’avec Jeudi Noir, je pourrais réussir à convaincre d’autres personnes.
Le livre8 juillet 1982, Séville. Coupe du monde de football, demi-finale France-RFA.
L’ambition contre l’expérience. L’espoir porté par Mitterrand contre le fatalisme du mur de Berlin. Et pour les deux équipes, une même obsession : gagner sa place en finale.Face aux puissants Allemands, Platini, Rocheteau, Giresse… Une équipe de France redoutable. Mais le pire s’invite : les coups pleuvent, le sport devient guerre, et la mort arbitre.
Pour la première fois, le match mythique vécu en direct, sur le terrain. Une expérience radicale, entre exaltation et violence.France-RFA 82 : un match, une victime, une vengeance.
Sortie : le 5 novembre 2014Prix : 17€Pagination : 190 pagesAux éditions OMBRES NOIRES
L’auteurMichaël Mention, 35 ans, romancier et scénariste, est passionné de rock et de cinéma. Il publie son premier roman en 2008 et devient une voix montante du polar avec notamment Sale temps pour le pays, aux Éditions Rivages, lauréat du Grand Prix du roman noir 2013 au Festival international du film policier de Beaune. Jeudi noir est son premier roman aux Éditions Ombres Noires.
Lyon : à Textor et à travers