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Michaël Chrétien : « Les choses ont l’air simple quand on regarde Griezmann jouer »
Joueur historique de l'AS Nancy-Lorraine (343 matchs au compteur) et ancien international marocain (36 sélections), Michaël Chrétien débriefe la qualification de la France en finale de la Coupe du monde 2022 aux dépens du Maroc.
Qu’est-ce que tu as pensé à froid de cette demi-finale entre la France et le Maroc ? Le Maroc n’a pas fait une bonne entame. C’est dû à certains points que je n’ai pas vraiment compris. Romain Saïss, le capitaine, c’est le troisième match d’affilée où il sort sur blessure, c’est impossible de guérir quand tu joues tous les trois jours. Du coup, tu te retrouves à jouer dans un système au coup d’envoi qui n’est pas le tien. En plus, tu te fais cueillir un peu à froid avec ce but qui arrive très tôt dans le match. La France a l’habitude de ces grands rendez-vous, il y a beaucoup d’expérience côté français. On a toujours un peu le même sentiment, on va dire : « Oh bah, le Maroc a fait un bon match, la France était un peu timorée malgré la victoire 2-0 » mais au bout du compte : la France, peu importe la manière, obtient des résultats.
Voir le Maroc commencer à cinq derrière, cela t’a donc surpris ?Effectivement. On sentait qu’il y avait beaucoup de fatigue dans les rangs, je me mets à la place du coach : est-ce que je reconduis Romain Saïss qui n’est pas à 100% en sachant quelle est la vitesse des attaquants français en face ou est-ce qu’une couverture supplémentaire en jouant à cinq est plus judicieuse ? Ce n’est pas simple comme dilemme. Moi, j’aurais préféré qu’ils commencent à quatre sans Saïss, bien qu’il soit exemplaire, pour ne pas tout chambouler. On a senti d’ailleurs ce petit déclic quand il y a eu ce changement au bout de vingt minutes, je les sentais plus libérés.
Laisser le ballon au Maroc, c’est le gros coup de Didier Deschamps ?C’est clair que ce n’était pas du tout le match que je m’étais imaginé. Je m’étais dit que soit le Maroc faisait douter la France en gardant sa cage inviolée et la France devait faire le jeu ou bien que la France allait marquer tôt, que de fait le Maroc allait chercher l’égalisation et les Bleus en planteraient 3-4. Mais que la France soit acculée de la sorte, en frôlant la correction à deux, trois reprises, je ne m’y attendais pas. Je ne suis pas totalement surpris non plus, car c’est l’une des forces de l’équipe de France aujourd’hui : réussir à gagner dans la souffrance. On l’a vu face à l’Angleterre, Saka avait fait des dégâts, et défensivement, ça a été parfois compliqué. Mais le résultat est là, c’est la force et l’expérience des grandes nations.
Qu’est-ce qui a manqué au Maroc pour faire douter davantage les Bleus ? C’est un peu cette réussite dans le dernier geste. On l’avait déjà constaté face à l’Espagne ou le Portugal, où ils avaient les moyens de plier le match plus tôt. Tu as cinq secondes devant toi, dans une position de tir, le début de l’action est bien, ça avance, le mec arrive dans une situation intéressante, puis ça traîne, trois quatre touches de balles, et ça laisse les Français revenir. Cela manque de rapidité dans les enchaînements. Puis, des fois, tu n’as pas cette présence que les Français ont via Giroud par exemple. Je pense à ce déboulé côté gauche suivi de ce centre dégagé par Konaté : tu dois avoir quelqu’un qui passe devant lui !
Il y avait une sorte de match dans le match entre deux des meilleurs joueurs de la compétition : Azzedine Ounahi et Antoine Griezmann. Qu’est-ce que tu as pensé d’eux ?Bah Griezmann a été énorme, je pense que tout le monde l’a vu. Il n’en fait jamais trop, il est toujours au service du collectif. Il rend bon ses coéquipiers, et les choses ont l’air simple quand on regarde Griezmann jouer. Ounahi, il n’est pas du niveau de Griezmann aujourd’hui, mais il a tiré le Maroc vers le haut tout le tournoi. Il a bénéficié aussi de cet effet de surprise, car on ne le connaît pas tant que ça au haut niveau. C’est une révélation, il a été très bon et j’ai été agréablement surpris par son niveau. Mais il n’a pas autant d’impact que Griezmann.
Comment tu vois la petite finale du Maroc et la finale des Bleus ? En ce qui concerne le Maroc, ils sortent d’une déception, mais avec tout le soutien du peuple, l’engouement autour de cette équipe, c’est un très bel objectif que de finir troisième d’une Coupe du monde. J’espère qu’on verra une belle image du Maroc pour conclure ce tournoi et côté Français, ce qui me rassure, c’est que malgré les absents, les blessés, la façon de jouer, ils savent subir. La France est mieux armée que l’Argentine, et on sera derrière les Bleus. Ils ont la force pour aller la chercher.
Propos recueillis par Andrea Chazy