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Mexique, franchises et petits arrangements
Le tournoi d'ouverture du Mexique a débuté vendredi, avec un casting bouleversé par un trouble trafic de franchises. Ainsi, le relégué a finalement été maintenu, et le promu a changé d'adresse du jour au lendemain, avec la complicité des autorités. Plongée dans un championnat aux multiples et obscurs particularismes.
Le Mexique est le pays hispanophone le plus peuplé. Sur le marché du football, il génère des pesos par millions. Avec les ventes maillots d’El Tri, Adidas réalise ainsi son affaire la plus ronde. Adossés pour la plupart à de grands groupes (brasseries, cimenteries, géant des télécommunications), les clubs aztèques sont riches, dans leur très grande majorité. Au point de pouvoir piquer quelques joueurs prometteurs (l’Équatorien Jefferson Montero, le Colombien Dorlan Pabón) à des clubs espagnols ou italiens (Villarreal et Parme). En matière d’affluence, le Mexique peut aussi bomber le torse : 24 000 en moyenne. Personne ne dit mieux en Amérique latine. Le Mexique a tout pour lui, mais semble prendre un malin plaisir à se tirer quelques balles dans le pied.
Après un torneo clausura de bonne facture, qui avait acté le retour au premier plan de deux grands historiques, Cruz Azul et America (finalistes du championnat), et confirmé la robustesse des clubs du Nord (Tigres, Santos, Rayados, voire Xolos, quart-de-finaliste de la Libertadores), le torneo apertura s’annonçait pourtant prometteur. Sauf qu’entre les deux championnats qui couvrent l’année, un trafic de franchises digne du championnat chinois a considérablement dégradé la note de la LigaMX. Premier scandale : les Gallos Queretaro, qui venaient de perdre leur place dans l’élite, vont finalement se maintenir. Les propriétaires de Queretaro rachètent la franchise des Jaguares Chiapas, équipe fondée en 2002, effectif compris. Tuxtla Gutiérrez, capitale du Chiapas, va pourtant conserver une équipe de première division. Comment ? Simple : les propriétaires du club de San Luis FC, situé à plus de 1000 kilomètres au nord, décident de déménager leur franchise au Chiapas. Bye bye Jaguares et San Luis, et bonjour Club Queretaro et Chiapas FC.
Enlèvements et trafic de franchises
Aux États-Unis, le système de franchises s’adosse à un système de ligue fermée. Le business prospère sur la stabilité. Au Mexique, la relégation n’a jamais été supprimée, mais elle est toutefois étroitement circonscrite : un condamné tous les deux tournois. Les clubs les plus puissants sont aussi protégés de la descente par un système au pourcentage sur trois ans, soit six tournois. L’amnistie dont ont bénéficié les Gallos Queretaro, devenus donc Club Queretaro, en est d’autant plus choquante. Le sort réservé au promu, les Reboceros de la Piedad, a, lui aussi, soulevé une polémique au Mexique. Au lendemain de la montée dans l’élite, les supporters du club de l’État de Michoacan ont appris que leur franchise s’exporterait finalement à Veracruz, place forte traditionnelle du foot mexicain. Belle récompense de leur soutien… Quatrième de Liga de Ascenso (deuxième division), les Tiburones Veracruz sont ainsi parachutés en première division, avec la bénédiction du gouverneur Javier Duarte, dont le mandat est marqué par une augmentation exponentielle de la violence et des disparitions, liées à l’influence croissante des organisations criminelles sur son territoire. Un peu de pain et des jeux…
Résumé succinct du trafic de franchises : le relégué est finalement maintenu, le promu change d’adresse et de nom, tandis qu’une ville qui ne méritait rien de tel (San Luis) dit adieu à la première division. Original… Ce système de franchises mal encadré n’est que l’une des plaies de la LigaMX. Un championnat où prospère la multi-propriété, une pratique interdite par la FIFA. Le groupe Pachuca, dont Carlos Slim, l’homme le plus riche du monde, détient 30%, possède ainsi deux clubs de première division : Leon et Pachuca. L’entrepreneur Lopez Chargoy détient, pour sa part, Puebla et Chiapas FC. Enfin, jusqu’au tournoi dernier, Televisa, le TF1 mexicain, était propriétaire de l’America et de San Luis. Dernière plaie aztèque : « El pacto de caballeros » . Ce pacte entre propriétaires de clubs qui interdit à un joueur en fin de contrat de rejoindre un autre club mexicain sans qu’une indemnité ne soit versée. Là encore, les lois de la FIFA sont allègrement violées. Au final, la LigaMX ressemble à un pays aux atouts multiples (pétrole, tourisme, géants industriels…), mais dont les pratiques népotiques, clientélistes, troubles, d’une élite qui s’auto-reproduit, entravent un développement qui pourrait l’amener à venir rivaliser avec les plus grands.
Par Thomas Goubin, à Guadalajara