ACTU MERCATO
Metz : l’énigme László Bölöni
Alors que son vice-président Jean-Luc Müller espérait voir un jeune meneur d’hommes succéder à Frédéric Antonetti, pour viser la remontée express en Ligue 1 la saison prochaine, le FC Metz a jeté son dévolu sur László Bölöni, 69 printemps, et des joggings old school à la pelle dans le dressing. La nomination imminente du technicien roumain de sang-mêlé semble issue d’un monde parallèle, tant ses faits d’armes ont aussi mal vieilli que ses dogmes. Tout cela a-t-il seulement un sens ?
C’est une composition d’équipe qui a fait le tour de la France sans passer par Londres ou Copenhague, à l’instar de la Grande Boucle. Le 29 mai 2011, du temps où l’AS Nancy Lorraine écumait encore les prés de Ligue 1, le Racing Club de Lens de László Bölöni (Ladislau ou Loți en Roumanie) se présente à Marcel-Picot en 4-6-0 (ou 4-5-1, c’est selon), avec : une charnière Yahia-Touré pour faire plaisir à Gad Elmaleh, Raphaël Varane en sentinelle, Geoffrey Kondogbia en faux numéro 9 et Yohann Démont en leader d’attaque sur l’aile droite. Condamnés depuis belle lurette à la Ligue 2, les Nordistes repartent avec un 0-4 cinglant, et le technicien roumain ne survit pas à l’été. Onze ans plus tard, les dirigeants du FC Metz, fraîchement relégué de Ligue 1, vont dégainer le chéquier pour s’offrir un tandem Bölöni (entraîneur) – Pierre Dréossi (directeur technique) qui vient de hanter les suiveurs du Panathinaïkos, en espérant l’effet inverse. Mais qu’est-ce que c’est qu’ce binz ?
Le retour du Jedi… bloqué dans les nineties
« Priorité » de Lucien D’Onofrio, tout nouveau conseiller du président Bernard Serin qui l’a côtoyé au Standard de Liège (champion de Belgique en 2009), Bölöni le francophone connaît le football hexagonal, puisqu’il y a terminé sa carrière de joueur, puis démarré sa seconde vie de coach, à l’ASNL. Huit ans en Lorraine, trois saisons à Rennes, dix matchs à Monaco et une demi-saison à Lens, avant un retour à ses premières amours ou presque, à quarante minutes au nord de la place Stanislas, chez le rival grenat. Le souci, c’est qu’à 69 ans, l’ancien vainqueur de la Ligue des champions avec le Steaua Bucarest (1986), milieu de terrain travailleur et dominant aux côtés de Tudorel Stoica, étoile parmi les étoiles des Tricolorii roumains, se conjugue désormais au passé.
Si Mircea Lucescu en a encore sous le pied, Bölöni proscrit l’autocritique et semble bloqué dans une faille spatio-temporelle, parsemant de buée tout aussi bien ses lunettes d’enseignant que les vitres du bus à impériale qu’il aime tant planter devant ses cages. Adepte d’un football rudimentaire, aux accents rugueux du siècle dernier, l’autoritaire natif de Târgu Mureș entretient de ses mains « l’art du moche » . Il est aussi et surtout devenu un élément de folklore, obligé de casser son vestiaire pour trouver des ressorts psychologiques, en conflit permanent avec ses cadres, parfois la presse et même ses dirigeants, à cause de sa communication caricaturale et du nerf de la guerre (les deniers). « Cristiano Ronaldo sera plus fort qu’Eusébio. » Une prédiction faite à l’automne 2002, au moment où « Loți » lance CR7 dans le grand bain avec le Sporting CP, qui parvient encore aujourd’hui à donner du crédit à des méthodes bossues, trop frontales pour viser la stabilité.
László dans la sauce Bölöniaise
Si Bölöni a toujours eu une aptitude à déceler certains potentiels et cadrer des têtes brûlées telles que Didier Lamkel Zé à l’Antwerp (prêté à Metz en fin de saison, ironie du sort) ou Yohan Mollo au Panathinaïkos (pour une reconversion en latéral droit, s’il vous plaît), les voyants virent au rouge dès que les 1-0 chirurgicaux battent de l’aile. Entre deux expériences dans le Golfe, l’homme aux 102 capes en équipe nationale a réussi à se faire licencier de La Gantoise au bout de 25 jours, son président pointant « une erreur de casting », et n’est même plus en odeur de sainteté chez lui, en Roumanie. La raison ? Pas parce qu’il a fini par refuser le poste de sélectionneur au terme de négociations interminables portant sur un contrat à six chiffres, mais à cause d’une proximité de plus en plus ambiguë avec le régime de Viktor Orbán.
Issu de la minorité sicule, les magyarophones de Transylvanie, dont l’intégration symbolique et tardive à la « nation hongroise » à des fins électorales est acoquinée aux relents expansionnistes et pan-nationalistes du leader du Fidesz, Bölöni va avoir droit à son documentaire-hommage entièrement financé par l’État hongrois… alors qu’il n’y a jamais évolué ou coaché. Analyste pour le quotidien hongrois Nemzeti Sport à l’Euro 2020, le futur Messin a également été aperçu en pèlerinage à Șumuleu Ciuc, drapeau des autonomistes – à forte tendance séparatiste, en « hommage » à la Hongrie des 64 Comtés – de l’autoproclamé « Pays sicule » en main, sourire jusqu’aux oreilles. Le peuple grenat le sait sans doute déjà : si le Graoully ne crache vite plus de feu, c’est que László Bölöni sent le soufre.
Par Alexandre Lazar