- Ligue 2
- J8
- Metz-Guingamp (3-6)
Metz : c’est pas moi, c’est lui
Elles ne sont pas nombreuses, les équipes à pouvoir s'enorgueillir (ou à pouvoir déplorer) d'avoir marqué trois buts dans une rencontre finie à huit joueurs de champ. C'est pourtant ce qui est arrivé au FC Metz, finalement balayé 3-6 par l'En Avant Guingamp dans l'affiche du lundi soir de Ligue 2. Pourtant, staff ou suiveurs du club préfèrent accabler M. Gaillouste, arbitre au carton rouge facile, plutôt que de se remettre en question. Comme si cela avait une chance de faire avancer le schmilblick.
À Saint-Symphorien, il est coutume de chanter que la Lorraine est grenat. Lundi, elle a glissé de quelques codes couleur sur le nuancier Pantone, pour s’orner de rouge. Tout en perdant par la même occasion le sens des nuances. Pas besoin d’être daltonien pour comprendre qu’une contestation faisant suite à un carton jaune, qu’un crampon calé sur l’épaule d’un adversaire ou qu’un tacle les deux pieds décollés attrapant un genou puissent être synonyme d’exclusion. Les règles étaient sur la table, et pouvoir compter sur la VAR en Ligue 2 n’aurait pas empêché les retours prématurés au vestiaire de Kiki Kouyaté, Alexandre Oukidja et Danley Jean-Jacques. Trois déraillements qui ont, par la force des choses et à huit Messins contre onze Guingampais pendant plus d’une demi-heure, conduit à une déroute 3-6 alors que le FC Metz menait confortablement 3-1 à la 16e minute de jeu.
Un « show » réchauffé
Un simulacre de football qui, malgré les apparences, n’est pas complètement semblable au récent Saint-Étienne-Le Havre et qui a surtout déclenché la colère noire des Mosellans, s’estimant volés par le corps arbitral et M. Gaillouste en premier lieu. « Le Monsieur qui était là-bas, je ne veux pas l’appeler arbitre, il a fait son show, pestait László Bölöni en conférence de presse. Malheureusement, il fausse non seulement le résultat, mais aussi le travail de beaucoup de gens. Le deuxième penalty et l’exclusion… C’est « No Comment ». Prends ton sifflet et mets-le quelque part, qu’on ne le revoie pas, et oublie-le. » Même amertume chez Pierre Dréossi, le directeur sportif du club, avec un poil plus de discernement au micro de beIN Sports : « Le foot, c’est pour les joueurs, et je pense que l’acteur principal a été l’arbitre. Il a agi avec bizarrerie par moments. On n’a pas trop compris certaines décisions. Il a transformé le match. »
Voilà comment donner suite à une séquence interminable de lamentations, où les dirigeants du foot français tombent dans le piège de la conspiration arbitrale. Fin août, Jean-Pierre Caillot avait publiquement soulevé « un problème avec l’arbitrage français » à la suite d’un Reims-Lyon. Le président champenois a été suspendu par la LFP de banc de touche, de vestiaire d’arbitres et de toute fonction officielle jusqu’au 31 décembre 2022. Il y a fort à parier que les dirigeants messins devront également rendre des comptes à la suite de leurs déclarations. Malheureusement, ces sanctions ont également de grandes chances de ne rien arranger dans les relations entre les clubs et les arbitres.
La solution de facilité
De la promotion d’honneur à l’élite, la corporation au sifflet est une cible permanente. Il ne faut d’ailleurs pas s’étonner si les districts ou les Ligues galèrent à trouver un officiel par match durant les week-ends. Le fait est qu’arbitrer, en France, est une source d’emmerdes. Un seul petit micro calé par Prime Video sur l’arbitre de PSG-Brest a permis de rappeler comment les joueurs, Presnel Kimpembe en l’occurrence, s’adressent à eux. Lundi, le match a été interrompu plusieurs minutes, la sécurité du quatuor ne pouvant être garantie à la suite des menaces entendues dans les travées. On pourra toujours reprocher à l’homme en noir – ou en bleu ciel, mauve ou jaune – d’avoir manqué de clairvoyance, de pédagogie ou tout simplement de compétences, rien ne pourra inverser le cours de l’histoire avec de telles attitudes.
Pour en revenir au « match » de lundi, on peut évidemment se questionner sur la justesse de certaines décisions. Notamment sur le premier penalty, où l’intervention de Fali Candé dans la surface semble légale. Pourtant, malgré l’égalisation de Livolant, les Grenats ont su se ressaisir et faire parler leur supériorité dans le jeu avec un doublé du virevoltant Ablie Jallow. Le reste ? Les Messins ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. La majorité des coachs aurait la décence, voire la lucidité, de reconnaître que perdre après avoir mené 3-1, peu importe le scénario, relève de la faute professionnelle. Mais non, sur les bords de la Seille, on a choisi d’incriminer courageusement un tiers. « Le coach parlera aux joueurs, il faut savoir garder ses nerfs aussi même si ce n’est pas facile. Quand on mène 3-1, j’ai eu l’impression que l’arbitre voulait changer le résultat du match », ajoutait Dréossi.
Par ailleurs, n’importe quel suiveur du foot français a déjà pu constater qu’Alexandre Oukidja est un récidiviste, capable de péter un plomb en plein match et déjà flashé pour sorties kamikazes. Pourquoi l’arbitre devrait être hermétique à ce passif quand il voit le portier messin s’envoler avec les deux fers en l’air ? À Metz, on préfère essuyer les larmes de son gardien – « Il est expulsé pour rien du tout, zéro erreur, et il va prendre quatre matchs, ou cinq… Et celui-là (l’arbitre), il va être à la maison, tranquille », dixit Bölöni -, plutôt que se rappeler que le garçon a écopé de son quatrième carton rouge en un an et demi, dont deux rien que cette saison. Assumer ses responsabilités fait partie des exigences que doit avoir un professionnel, et tout ce qui a été donné à voir ce lundi est une manière de se dédouaner de ses propres limites en accusant un bouc émissaire trop évident. C’est connu, à Saint-Symphorien comme dans tous les autres stades de France, un des chants les plus repris reste celui qui invite l’arbitre à aller se faire « enculer » . Il n’en faut pas plus pour que tous les clubs en difficulté s’engouffrent dans cette brèche.
Par Mathieu Rollinger