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Mesut Özil, chronique d’une chute annoncée

Par Julien Sebag et Tom Binet
Mesut Özil, chronique d’une chute annoncée

La nouvelle est tombée ce mardi : Mesut Özil ne fait pas partie de la liste d’Arsenal pour disputer la Premier League, au moins jusqu’au mois de janvier. Un nouveau camouflet pour celui qui n’a pas non plus été inscrit par Mikel Arteta pour disputer la Ligue Europa. La descente aux enfers se poursuit pour l'Allemand qui a vu son statut s’effriter progressivement dans le nord de Londres depuis le départ d’Arsène Wenger à l’été 2018.

15 mai 2016, Emirates Stadium. Pour la dernière journée de Premier League, les Gunners d’Arsène Wenger accueillent Aston Villa pour valider leur place de dauphin de Leicester par une large victoire (4-0). À un quart d’heure du terme, Mesut Özil s’infiltre sur la gauche de la surface et centre à ras de terre pour le deuxième but du soir d’Olivier Giroud. La dix-neuvième assist de l’Allemand – à une longueur du record de Thierry Henry, deuxième total de l’histoire de la Premier League à l’époque – au terme de sa meilleure saison londonienne, trois ans après son transfert depuis le Real Madrid. Un rayonnement que le meneur de jeu, prolongé à prix d’or en janvier 2018, a progressivement perdu depuis dans le jeu d’une équipe d’Arsenal incapable de s’immiscer à nouveau parmi les gros bras du championnat britannique. Et ce, malgré le passage à son chevet d’Unai Emery, Freddie Ljungberg et désormais Mikel Arteta. Au point d’être écarté de la liste de Premier League de l’équipe pour la saison à venir par le manager espagnol.

Erdoğan, racisme et fin de course avec la Mannschaft

Le premier point de bascule se situe certainement quelque part au cours de l’été 2018. Mesut Özil s’apprête à s’envoler pour la Russie avec la sélection allemande championne du monde en titre, déjà dans un climat particulier. La raison ? Une photo prise au mois de mai à Londres avec son coéquipier İlkay Gündoğan en compagnie du président turc, Recep Tayyip Erdoğan. Cette photo parue juste avant le Mondial ne manque pas de créer des remous. « La DFB respecte évidemment la situation particulière de nos joueurs issus de l’immigration, mais le football et la DFB défendent des valeurs qui ne sont pas complètement prises en compte par M. Erdoğan. C’est pourquoi il n’est pas bon que nos joueurs internationaux se laissent manipuler pour sa campagne électorale, fustige alors Reinhard Grindel, président de la Fédération allemande de football. Je n’ai aucun doute sur la volonté de Mesut et İlkay de vouloir jouer pour l’équipe d’Allemagne et de s’identifier à nos valeurs. Ni l’un ni l’autre n’étaient conscients de la valeur symbolique de cette photo, mais nous estimons que ce n’est pas bien. » De son côté, le joueur tente tant bien que mal de faire bonne figure, sans convaincre grand monde : « Pour moi, faire une photo avec le président Erdoğan n’était en aucun cas politique, il s’agissait juste de respecter le plus haut dignitaire de mon pays, de ne pas manquer de respect aux racines de mes ancêtres, qui auraient été fiers de ce que je suis devenu aujourd’hui. »

Un épisode en revanche bien accueilli par certains en Anatolie. « C’est très important pour nous, explique Uğur Meleke, journaliste pour beIN Sports Turquie et Hürriyet. Par exemple, İlkay Gündoğan et Emre Can sont vus comme des Allemands, mais Özil comme un Turc d’Allemagne. Ses liens avec le peuple turc se sont renforcés avec cette histoire. » Sur le terrain, les performances de la Mannschaft sont loin d’être au niveau des attentes avec une élimination dès la phase de poules. Le coupable est alors tout trouvé, en la personne d’un Özil fantomatique lors des deux rencontres qu’il dispute. Alors une décision s’impose : c’est la fin de l’aventure avec la sélection. « C’est avec le cœur lourd et après beaucoup de réflexion que, à cause des événements récents, je ne jouerai plus pour l’Allemagne de matchs internationaux aussi longtemps que je ressens du racisme et du manque de respect à mon égard », lâche-t-il laconiquement. Le début de la chute.

Avec Emery c’est « je t’aime, moi non plus »

Côté club, Arsène Wenger quitte le centre d’entraînement de Colney après 22 saisons et une nouvelle page pleine d’incertitude s’ouvre au club. La nomination d’Unai Emery à la place du Français ne va pas jouer en la faveur de l’Allemand. Le joueur formé à Schalke 04 commence pourtant la saison comme titulaire une nouvelle fois, et endosse même le brassard de capitaine à partir d’octobre en l’absence de Petr Čech. Mais la friture ne tarde pas à envahir la ligne avec son nouvel entraîneur. Le 25 novembre, il n’est même pas invité à lever ses fesses du banc pour aller s’échauffer, alors que ses copains galèrent pour l’emporter à Bournemouth. « On s’est interrogés sur la manière de jouer, dans un match très exigeant en matière de physique et d’intensité. Et nous avons décidé de ne pas le faire jouer », se justifiera Emery après coup. Le début d’une longue année d’incompréhension entre les deux hommes.

Six mois plus tard, la saison 2019-2020 de Mesut Özil ne démarre une nouvelle fois pas sous les meilleurs auspices. Victime d’un car jacking avec son coéquipier Sead Kolašinac, l’Allemand manque le début de saison poussif des siens : une seule apparition avant novembre, pour un piètre match nul à Watford. Arsenal n’y arrive plus, et Unai Emery est finalement remercié le 29 novembre, remplacé par l’intérimaire Freddie Ljungberg. Un bol d’air pour l’ancien Merengue, lequel enchaîne à nouveau les titularisations. La dynamique se poursuit avec la prise de pouvoir de Mikel Arteta, débarqué dans le nord de la capitale du Royaume pour tenter de remettre le club sur les bons rails. Jusqu’à l’interruption de la saison, Özil enchaîne, ne manquant aucune rencontre de Premier League. Mais le débat est loin d’être clos, devant un rendement qui laisse à désirer. Même loin du club, Emery rate rarement une opportunité de pointer du doigt le degré d’implication de son ancien joueur. « Au bout du compte, il doit se regarder. Par rapport à son attitude et son engagement. J’ai fait de mon mieux pour l’aider, lançait l’Espagnol en mai dernier au Daily Mail. J’ai toujours été positif avec lui en ce qui concerne sa volonté de s’impliquer, mais l’attitude qu’il a adoptée et le niveau d’engagement n’étaient pas suffisants. »

Mesut isolé

Dans le même temps, le confinement pèse sur les finances des clubs. À Arsenal, Özil fait une nouvelle fois parler de lui en refusant (aux côtés de deux autres camarades) de baisser son salaire de près de 400 000 euros par semaine pour participer à l’effort collectif. Un nouvel épisode extrasportif aux lourdes conséquences sur le terrain ? Nul ne le sait. Toujours est-il qu’à partir du restart, sa place de titulaire semble perdue. Un choix purement sportif, se justifie Mikel Arteta à chaque fois qu’il est interrogé. Pire encore, les trophées remportés par le club en cette fin de saison amènent un amer constat : l’équipe peut désormais gagner sans lui. Incapable de se séparer de l’un de ses plus gros salaires lors de l’intersaison, le huitième du dernier championnat doit donc continuer de traîner celui qui est clairement devenu un boulet sur tous les plans cette saison, lui qui n’a plus joué depuis le 7 mars.

Alors Arteta tranche dans le vif : le bonhomme n’est plus invité à jouer avec l’équipe. « J’ai bonne conscience parce que j’ai été très juste avec lui. Je dois essayer de regarder tout le monde dans les yeux et être à l’aise avec ça. Honnêtement, j’assume l’entière responsabilité. Je dois être celui qui tire le meilleur parti des joueurs », s’est une nouvelle fois justifié l’ancien milieu de terrain du club. L’histoire semble entendue, n’en déplaise à celui qui compte 254 apparitions avec les Gunners depuis son arrivée, voilà un peu plus de sept ans. « Je suis vraiment profondément déçu par le fait de ne pas avoir été inscrit dans la liste pour la Premier League cette saison. En prolongeant mon contrat en 2018, j’ai prêté allégeance et loyauté au club que j’aime, Arsenal, et cela me rend triste de voir que ce n’est pas réciproque, avait-il réagi dans la foulée de l’annonce. Qu’importe, je vais continuer à me battre pour avoir ma chance et ne pas laisser ma huitième saison à Arsenal se terminer comme ça. Je peux vous promettre que cette décision dure à avaler ne changera pas mon état d’esprit. » C’est pourtant loin de l’Angleterre que l’avenir de l’Allemand semble désormais s’écrire, alors qu’un transfert vers la Turquie a déjà été évoqué à plusieurs reprises ces dernières années. « En Turquie, nous attendons qu’Özil signe au Fenerbahçe tôt ou tard. Il est supporter du club. Le fait de se dire qu’il peut signer excite tout le monde », rêve encore Uğur Mekele depuis les rives du Bosphore. Retrouver de l’amour, lui qui a décidé de continuer à en donner à Arsenal, en vain, et qui à l’inverse de son arrivée, quittera le club dans l’ombre.

« … et marche à l’ombre. »

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Par Julien Sebag et Tom Binet

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