- Coupe du monde 2014
- Groupe F
- Argentine/Iran (1-0)
Messi, Prince of Persia
Tenue en échec pendant 90 minutes, l'Argentine a accroché une toute petite victoire dans les derniers instants du match, grâce à Messi (1-0). Mais elle n'a pas impressionné, loin de là. Les Iraniens, eux, méritaient mieux.
Argentine – Iran (1–0) L. Messi (89′) pour Argentine
Plus personne n’y croyait. Les milliers de fans argentins étaient résignés. Silencieux. Et puis dans les dernières minutes, Messi a calé son crochet et enroulé son tir du pied gauche (1-0). Un but qui a sauvé l’Argentine d’une terrible contre-performance. Mais qui ne suffira pas à masquer toutes les limites de l’Albiceleste. Toute la semaine, la presse argentine s’était concentrée sur le système de jeu de sa sélection. Le soudain 5-3-2 tenté par Sabella contre la Bosnie n’avait pas plu au pays. Il fallait faire comme Messi voulait : jouer en 4-3-3, avec les quatre fantastiques devant et Gago pour les alimenter. Pachorra a cédé, mais ses joueurs ne lui ont pas donné raison. Face à un adversaire, l’Iran, supposé faible, l’Argentine et ses vedettes ont déçu. Ce match aurait dû être l’occasion d’entrer pour de bon dans la compétition, d’envoyer un message aux futurs adversaires, d’étaler une puissance offensive inégalable. C’est raté. Higuaín et Agüero sont hors de forme, Di María est isolé à gauche, Messi redescend trop bas et perd de son influence. Collectivement, il ne se passe rien. Personne ne mène le jeu de cette équipe. Le conducteur de la machine, Gago, alterne le bon et le moins bon. Il n’y a pas de lien entre le milieu et l’attaque. Après deux années réussies et prometteuses, l’Argentine se retrouve presque au point mort. Mais elle a Messi dans ses rangs. Pour l’Iran, auteur d’une superbe performance, la défaite est cruelle.
El Pataud Higuaín
Au Brésil, l’Argentine joue sur deux fronts différents : le terrain et les tribunes. Cette rencontre face à l’Iran a donc logiquement débuté hier soir, dans le quartier populaire et festif de Sivassi, au sud de Belo Horizonte. Des milliers de fans, des centaines de drapeaux, des gens dans les arbres, d’autres déguisés en pape, du fernet coca (avec glaçons) et un chant : l’hymne du supporter argentin pour ce Mondial brésilien. « Brésilien, dis-moi ce que ça fait d’avoir ton papa chez toi, etc. » Mais à force de chambrer l’ennemi sur ses terres, les Argentins ont récolté sifflets et quolibets. Et même un peu plus : jets de bouteille et coups de latte, jusqu’à l’intervention de la police. Du classique. Sans trop de dégâts, toutefois.
Dès midi, le Mineirão est donc bleu ciel et blanc. Ovation pour les buts de Kempes et Maradona, huée pour ceux de Pelé et Ronaldo. À la demande de tous (et notamment celle, indirecte, de Messi), Sabella revient au 4-3-3. Et comme le veut la tradition, les deux équipes entrent sur le terrain sous une acclamation exceptionnelle. Le bloc iranien se positionne d’entrée très, très bas. Ghoochannejhad, la pointe de Charlton, passe son temps derrière le rond central. Et le kop blanc, rouge et vert, petit mais bruyant, exulte à chaque tir contré et ballon dégagé en catastrophe. L’Argentine s’installe, prend ses marques, tâte le terrain. Gago, le conducteur du jeu, ouvre la première brèche, mais Higuaín bute sur Haghighi. En foirant un contrôle facile suite à une remontée éclair de Di María, le Napolitain confirme sa toute petite forme (physique, mais pas que) actuelle. Lent, pataud, imprécis : il est clairement en dedans. Quant à Messi, il est enfermé dans l’axe. Le Barcelonais vient chercher les ballons au milieu et a trop de rideaux iraniens à franchir. Les quatre fantastiques sont sans espace et sans munitions. C’est la pause et l’ambiance a changé au Mineirão. Ce sont désormais les Iraniens qui font la fête.
Le Messi, encore
Puisque Higuaín a tout raté et que le trio Messi-Agüero-Di María n’a (presque) rien eu à se mettre sous la dent, les seules occasions argentines sont venues des coups de pied arrêtés. Une tête de Garay, une autre de Rojo. Non cadrées. En 45 minutes, les fantastiques n’ont réussi à combiner qu’une seule fois, pour un tir du Kun repoussé par Haghighi. L’Iran, très difficile à bouger, a eu droit à une montée en température. Un corner qu’Hosseini n’est pas passé loin de catapulter au fond. En difficulté, amorphe, l’Argentine a besoin de son Messi. Mais le gaillard n’arrive pas à se débarrasser de ses trois gardes du corps. Le chrono tourne et la situation se tend. La Tim melli commence à croire sérieusement à ses chances et se projette de plus en plus vers l’avant. À la suite d’un récital de Shojaei, Ghoochannejhad place une belle tête plongeante, que Romero détourne. Dans la foulée, Zabaleta met trois heures à dégager et finit par faucher Timotian dans la surface. C’était péno.
Gago perd de l’influence au milieu et personne n’est là pour prendre les choses en main. L’Argentine a peur. Son match « facile » ne se passe pas du tout comme prévu. Euphoriques, les fans iraniens prennent même le contrôle des tribunes, avec l’aide des Brésiliens présents. Messi réussit enfin à placer une accélération, mais son tir passe à côté. La vérité, c’est que l’Iran a pris le dessus. Son bloc est monté de trente mètres et les occasions s’enchaînent : Zabaleta est à la rue, Dejagah croit lober Romero, mais le Monégasque claque en corner. Dernier quart d’heure, l’Albiceleste cherche la rébellion. Sabella lance le duo Lavezzi-Palacio à la place des deux morts-vivants de devant, et ça va légèrement mieux. Légèrement, seulement. Les Iraniens s’apprêtent à fêter un point mérité, quand Messi endosse le costume du héros (90e). Beau et cruel à la fois.
Par Léo Ruiz à Belo Horizonte