- Liga
- J33
- Real Madrid-FC Barcelone (2-3)
Messi, le retour du Roi
Depuis sa double confrontation manquée contre la Juventus, Lionel Messi avait relancé un débat autour de sa mainmise sur un terrain de football lors d’un grand match. En marquant à la dernière seconde du Clásico et relançant la Liga dimanche soir, le Barcelonais est redevenu un extraterrestre. Avec des couilles et de la personnalité.
Voilà un geste que ce petit homme de 169 centimètres n’avait jamais fait sur un terrain de football. Non, il ne s’agit pas d’un crochet dévastateur, d’une frappe enroulée du gauche ou d’une accélération fulgurante. Ces capacités, Lionel Messi les avait déjà largement exhibées avant ce 23 avril. Tombeur du Real Madrid dans les ultimes secondes de la partie, Messi s’est lâché face au Santiago-Bernabéu. C’était son 500e but pour le Barça en match officiel, et c’était au meilleur des moments possibles pour garder tout l’amour des socios du Barça. Pour prouver sa fidélité à son club chéri, le quintuple Ballon d’or enlève son maillot, s’arrête devant le public madrilène et brandit avec fierté sa tunique blaugrana. Un chambrage en règle dont le meilleur joueur du monde, plutôt timide et renfermé quand il s’agit de célébrer un but, se souviendra longtemps. Cela faisait six matchs que La Pulga n’avait plus marqué lors d’un Clásico. Et même si ses stats d’avant-match en championnat étaient excellentes avec 29 buts et 12 passes décisives, ses deux nouveaux pions pourraient peser très lourd dans cette Liga.
Le facteur X
Zinédine Zidane s’est donc fait prendre à son propre piège. Celui qui avait un don du ciel pour arracher une victoire dans les arrêts de jeu à l’aide de son talisman Sergio Ramos s’est trouvé dans l’impasse, malgré un bon coaching. La raison ? Ce carton rouge légitime récolté par son capitaine, invité à se rendre plus tôt aux vestiaires après avoir failli découper les chevilles d’un génie argentin intenable (77e). Et pourtant, Ramos n’était pas le premier à vouloir s’offrir le scalp du prodige. Plus tôt dans la partie, c’est Casemiro qui se chargeait de faire valser le numéro 10 à la suite d’un tacle par derrière très osé, sanctionné d’un carton jaune orangé. À la suite de cela, le Brésilien ne s’arrêtait pourtant pas dans son entreprise de destruction. Peu avant la mi-temps, le voilà qui venait à nouveau s’essuyer les crampons sur le dessus de la chaussure de Messi. Une faute évidente, non sanctionnée d’un second avertissement par l’arbitre central Alejandro Hernandez. Si le milieu défensif sourit après avoir échappé à la peine maximale, son objectif de défendre sur Messi s’avère être un casse-tête chinois. Une équation à trois inconnues : un pied droit, un pied gauche, et une tête faite pour sentir plus que pour penser. Car la véritable langue parlée de Messi sur un terrain de foot, c’est celle de l’instinct. Un dialecte différent de celui parlé par tous les autres acteurs présents dimanche soir à Madrid.
Du sang et de l’âme
Devant 81 044 spectateurs privilégiés, Messi était attendu en terre ennemie. Et comme un type à qui l’on tend un guet-apens pour l’accueillir avec une batte de baseball et un poing américain, Messi s’est fait prendre à partie. Sur un contact rugueux avec le coude de Marcelo, c’est sa lèvre supérieure qui saute. Sonné et la bouche en sang sur le terrain du Santiago-Bernabéu, Messi opte pour la réponse des grands : celle du terrain. D’abord, une égalisation en slalom, à un moment où son Barça semblait sombrer devant la puissance de frappe démesurée de ce Real. Ensuite, sa frappe enroulée si caractéristique, à la suite d’une action où les hommes souvent critiqués du Barça se retrouvent dans le bon tempo pour ce dernier tango. Une percée de Sergi Roberto, un décalage sur la gauche d’André Gomes, un centre en retrait de Jordi Alba. Et derrière, malgré toute la volonté merengue, Messi. Sa barbe rousse, sa lèvre cicatrisée, son maillot porté en étendard, son âme dévoilée à la face du monde. Enfin. Non, Messi n’est pas un dieu. Messi attise la haine des uns, l’amour des autres. Messi crée de l’émotion, et celle de la provocation fait désormais partie de sa panoplie.
Par Antoine Donnarieix