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Messi, le retour aux sources
C'était le 2 mai 2009. Le Barça se déplaçait au Bernabéu et Pep Guardiola surprenait en plaçant Messi en position de « faux numéro 9 ». Les Catalans l'avaient emporté 6-2 et Messi n'avait plus quitter l'axe, jusqu'à la semaine dernière, avec l'Argentine, face à la Croatie. Pour faire jouer son pays comme il l'aime, et sans doute pour relancer un Messi légèrement moins performant depuis un an et demi, Martino a pris une décision : replacer le quadruple Ballon d'or sur le côté droit.
Guzman – Ansaldi, Demichelis, Otamendi, Roncaglia – Mascherano, Biglia, Pastore – Di María, Higuaín, Messi. Voilà le onze aligné par Tata Martino pour le match amical disputé ce mardi soir face au Portugal. À la clef, une défaite 1-0 concédée à l’ultime minute de jeu sur un but du Lorientais Guerreiro. Mais pour l’Albiceleste, comme c’est le cas depuis deux matchs, l’essentiel n’est pas le résultat. De fait, comme il l’a promis, l’ancien coach du Barça profite de ces matchs amicaux (Croatie, d’abord, puis Portugal), pour tester des joueurs, notamment des nouveaux et absents des cycles précédents. L’objectif ? Trouver et aiguiser son équipe type en vue de la Copa América chilienne, l’été prochain. C’est derrière que la rotation est la plus régulière, mais devant que le changement est le plus remarquable : après cinq années passées dans l’axe, à empiler les Ballons d’or et révolutionner le poste d’avant-centre, Messi est de retour sur l’aile droite, où il avait débuté en 2004 avec le Barça de Frank Rijkaard.
Faire de la place aux autres
C’est la semaine dernière, face aux Croates (victoire 2-1), que Martino a décidé de tenter le coup pour la première fois. Le Tata aime le 4-3-3, avec une seule pointe. Pour les deux matchs amicaux en Angleterre, il a convoqué trois attaquants centraux : Higuaín, Agüero et le revenant Tévez. Tout en prévenant la galerie : de ces trois phénomènes (qui facturent ensemble 32 buts depuis le début de saison), un seul petit veinard jouera. Petit veinard, car pour le servir, il avait Di María à sa gauche et, donc, Messi à sa droite. Deux pattes gauches qui, lancées, sont difficilement arrêtables. En plus d’être des snipers. Si Sabella utilisait le Fideo dans une position de perforation plus reculée (dans un milieu à trois avec Mascherano et Gago ou Biglia), Martino le veut là-haut, sur l’aile, proche du but. Pour faire un pressing plus haut et plus de dégâts.
Pendant que les trois meilleurs 9 issus des trois plus grands clubs argentins (Boca, River et Independiente) se battent pour devenir « le 9 de Martino » , Messi glisse sur l’aile droite, sans faire de bruit. « Ce n’est pas nouveau pour moi, a-t-il déclaré après son gros match face à la Croatie. Je dois juste me réhabituer à jouer ailier droit. C’est ce qu’il faut pour l’équipe, on a des attaquants spectaculaires et il faut en profiter. » Hu-mi-li-té. Et pour son retour aux sources, Messi a brillé. En repiquant vers le centre, bien sûr. Des percées en diagonale, des caviars pour Agüero, qui n’en a pas assez fait profiter les siens, hormis en provoquant le penalty… transformé par Messi. La performance de l’Argentine n’a pas été parfaite, loin de là, mais le Tata avait de quoi faire le fier. « Peut-être que ça passe mal que je le dise parce que c’est moi qui lui ai demandé de jouer ailier droit, et donc que ça m’arrange, mais pour moi, Leo a été le meilleur des nôtres lors de ce match. »
Être protagonistes et ressusciter Messi
Mais envoyer Messi à droite est-il une simple nécessité (laisser la place dans l’axe à un vrai numéro 9) dans l’esprit de Martino ? Probablement pas. Cela entre dans un projet de jeu autrement plus offensif que celui de Sabella. Autrement plus risqué, aussi. L’Argentine s’est présentée au Brésil avec un schéma plutôt séduisant qui avait fait ses preuves lors des éliminatoires. Mais la Coupe du monde étant une autre histoire – et Bilardo faisant partie du staff technique – la bande à Mascherano est progressivement passée à un système plus attentiste, avec l’apparition soudaine et régulière dans le onze de deux hommes, Lavezzi et Biglia, chargés avant tout de protéger la défense. Di María devait faire d’incessants allers-retours (jusqu’à ce que sa cuisse explose), tandis que Messi et son compère d’attaque (Higuaín d’entrée, Agüero et Palacio en cours de match) étaient sensés faire la différence tout seuls devant. Ce qu’ils ont très difficilement réussi à faire en phase finale, et pas du tout en finale.
Le 4-3-3 de Martino propose une autre philosophie : être protagoniste. Et pour cela, il faut d’abord presser haut. « En fait, la position de Messi comme ailier droit est surtout une position de départ. Après, il est libre d’alterner. Mais ce qu’on leur demande à lui, Di María et au 9, c’est de bien occuper les trois postes pour être ordonnés dans le pressing » , dit Martino. Ensuite, faire participer les latéraux. L’égalisation contre la Croatie est venue d’Ansaldi à gauche, et Messi, adepte de la diagonale, laissait les débordements à Zabaleta à droite. Enfin, décaler Messi sur l’aile permet à Martino d’installer un vrai créateur dans le milieu à trois, pour soutenir et fournir le trio offensif. Le Tata teste à ce poste Banega, Lamela et Pastore. Tout cela doit être perfectionné pour ne pas trop exposer une défense déjà fragile (point faible dissimulé par Sabella au Brésil). Exemple : lors du match amical face à la Seleção, cela n’a pas du tout fonctionné et l’Albiceleste a pris l’eau après l’ouverture du score brésilienne. Mais Martino n’avait pas encore décidé de revenir dans le passé en décalant sa meilleure arme à droite. Un choix dont l’effet secondaire souhaité est peut-être de relancer son capitaine qui, comme il a pu le constater de près, sort de sa saison la moins prolifique au Barça depuis 2008/2009.
Par Léo Ruiz