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Messi, et maintenant ?
Après une Coupe du monde paradoxale où il a brillé en poules avant de s'éteindre dans les derniers matchs, Messi doit maintenant reprendre sa vie normale. Et repartir de l'avant, alors qu'il vient d'échouer à un tir croisé de remporter le trophée suprême à lui seul, ou presque.
C’est entendu, l’élection de Messi comme meilleur joueur de la dernière Coupe du monde est un scandale. Thomas Müller, qui a eu le bon goût de se retrouver maintes fois à la conclusion des manœuvres allemandes, ou Arjen Robben, qui a porté son équipe à bout de crochets jusqu’en demi-finale du Mondial, auraient fait de bien plus légitimes lauréats. Sans évoquer James, le frisson colombien. Ou Manuel Neuer. Bref. Messi, lui, a simplement échoué à un poil de barbe de devenir l’équivalent de Diego Maradona, et failli faire triompher une équipe dans laquelle évoluent Rojo et Biglia. Rien que ça. Si l’Argentine a cru en son destin, si Mascherano s’est cassé le cul (littéralement) à mobiliser tout le monde, c’est bien grâce à la présence de Leo. Et plus particulièrement à son premier tour de feu, que tout le monde semble avoir trop vite oublié. Premier match des siens dans le tournoi, « Le Petit » claque le but du 2-1 contre la Bosnie. Deuxième match et deuxième but de Leo, le seul du match pour une victoire au buzzer contre l’Iran. Troisième match, un doublé pour lui qui met les siens sur les rails d’une victoire 3-2 contre le Nigeria. Huitièmes de finale, passe décisive de Leo pour Di María et le seul but du match, en prolongation, contre la Suisse. En quart, contre la Belgique, c’est son travail au milieu de terrain qui amène le but d’Higuaín. Puis, il y a cette passe, absolument divine, pour Di María.
Non mais, vous avez vu cette passe ? À elle seule, elle légitimerait presque le titre de meilleur joueur du tournoi. Sauf qu’ensuite, quand ça compte vraiment, en demie puis en finale, c’est vrai, Messi n’a pas planté. N’a pas offert de passe décisive. Ni fait basculer la partie, même s’il a mis son tir au but contre la Hollande, alors qu’on pouvait craindre le pire. En effet, qui plus est après la blessure de Di María, Leo avait l’air fatigué, vieilli, usé. Au final, Messi termine le Mondial sans avoir marqué en match à élimination directe. Comme en 2006. Comme en 2010. Surtout, il le termine en marchant.
Les meilleures stats du tournoi ?
Ainsi, Lionel Messi aurait couru moins de 10% de son temps passé sur la pelouse, la plus faible moyenne du Mondial. Même si cette stat’ est à relativiser (un Messi qui marche va sans doute plus vite qu’un Pinilla qui court), elle souffre de la comparaison avec Thomas Müller qui, lui, cavale pendant plus de 21% de son temps passé sur le pré. Sauf, surprise, qu’on parle ici de foot et non d’athlétisme. D’ailleurs, si vous aimez tant que ça regarder des mecs courir, y a toujours le biathlon. Car en football, Michel Platini vous le dirait mieux que personne, c’est le ballon qui doit aller vite, pas nécessairement les joueurs. Surtout, rien ne sert de courir quand on maîtrise les changements de rythme, comme le fait si bien Messi. Pour un mec qui a raté son Mondial, il possède d’ailleurs des statistiques plutôt correctes. Pour cause : ce sont tout simplement les meilleures de la compétition. Lionel Messi est le joueur qui a créé le plus d’occasions et réussi le plus de dribbles dans la compétition. Et le pire, c’est qu’il a joué pour tout sauf sa gloriole personnelle. C’est peut-être ce qu’on lui reproche ? Il aurait perdu en demie mais inscrit un triplé, son élection serait peut-être mieux passée. À croire que l’essentiel dans le football n’est pas de gagner… En parlant de ça, la parole à la défense, incarnée par José Mourinho : « Il voulait gagner au-delà de toute considération individuelle. Il n’avait pas en tête de finir meilleur buteur ou de finir avec le Soulier d’or ou le Ballon d’or. Il a été avec sa sélection dans le but d’essayer d’écrire l’histoire. » Messi a tout essayé, mais il a raté. Et comme l’histoire est écrite par les vainqueurs (et les Allemands)…
Si Messi avait mis ce maudit tir croisé face à Neuer, il serait entré dans l’histoire par la plus grande porte, et regarderait aujourd’hui Diego Maradona les yeux dans les yeux. Lui aussi, il aurait gagné son Mondial à lui tout seul. C’est ce qu’on aurait retenu, malgré Mascherano, Romero, Garay, Di María voire Higuaín. Comme on retient que Diego a illuminé 86 seul comme un grand, le plus grand, alors qu’il a raté quelques crochets, et n’était pas si mal entouré qu’on veut bien le dire. C’est tout le drame de Messi : être sans cesse comparé à Maradona. Müller et Robben auraient peut-être fait des MVP légitimes, mais eux ne seront jamais sérieusement comparés au plus grand de tous les temps. Messi, lui, si. Tout le temps. Et on lui demande même l’impossible : le dépasser. Il faut voir ici toute la bénédection, la malédiction, d’être Lionel Messi. De là, il faut imaginer Messi heureux.
31 ans en 2018
Même si… Même si ce maudit tir croisé… Aujourd’hui, non seulement Messi ne peut toujours pas regarder Diego les yeux dans les yeux, mais en plus, il doit les baisser. Et retourner s’entraîner. En espérant que sa chance n’est pas définitivement passée. En évitant de se dire qu’il faut se rendre à l’évidence : il y a des chances, maintenant, qu’il ne gagne jamais la Coupe du monde. En Russie, il aura 31 ans, et tout le monde a remarqué les inquiétants signes de fatigue, voire de lassitude, qu’il a pu laisser échapper ça et là (sans parler de ses vomis). Des signes du genre à vous faire redouter que le Barcelonais ne glisse définitivement, qu’il nous fasse une Ronnie. Se laisser vivre car il n’y a plus rien à gagner… Il faut imaginer Messi heureux, mais surtout déterminé à rester au top pour se donner une autre chance de marquer l’histoire. Car il ne faut pas s’y tromper, si Leo n’était pas forcément le meilleur joueur du Mondial, il reste le meilleur joueur du monde. La Coupe éponyme peut bien l’attendre encore quatre ans. Reste à savoir si lui attendra aussi longtemps.
Par Simon Capelli-Welter