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  • Visite de Lionel Messi au Gabon

Messi au Gabon, y a bon !

Par Christophe Gleizes
6 minutes
Messi au Gabon, y a bon !

Pendant deux jours, Lionel Messi a honoré le Gabon de sa présence, à la grande satisfaction d'Ali Bongo. Mais entre short en jean, critiques acerbes et voyage en voiturette, le week-end exotique a eu des airs de Tintin au Congo.

On l’a d’abord accusé d’être obsolète, avec son vocabulaire colonial, ses images corrosives et son amour de l’archétype racial. On l’a ensuite vilipendé, interdit de publication, banni des écoles. Pourtant, force est de constater que l’album cher à Hergé est plus que jamais d’actualité. Pour la première fois parues en juin 1930, Les Aventures de Tintin au Congo ont connu ce week-end en étonnant remake, qui aurait presque ridiculisé l’original s’il y avait eu un méchant digne d’Al Capone, terré quelque part dans l’ombre à Libreville, pour agrémenter un scénario déjà bien fourni. Dans le rôle du jeune reporter à houpette, un footballeur argentin nommé Lionel Messi. Et à la place de Coco, le gentil boy qui guide le puissant toubab, le président gabonais Ali Bongo. Tout est réuni pour que l’incroyable duo fasse des étincelles : un cadre exotique, un voyage initiatique, des millions de dollars à récupérer. Comme c’est marqué dans la BD : « Alors, c’est convenu, Coco, tu m’accompagneras pendant tout mon voyage. » Malheureusement, tout ne s’est pas passé comme sur des roulettes. Notre guide ne le sait pas encore, mais avec Tintin, il y a toujours des imprévus. Et pas seulement à la Copa América.

Safari sauvage

Certes, Lionel Messi n’est pas arrivé en paquebot, comme notre illustre héros. Mais plutôt en avion, à l’instigation de Samuel Eto’o et de Deco, qui fait office de Milou. Sur le tarmac de l’aéroport, en revanche, le short est bien de rigueur. Chaleur oblige. « Le Messie du foot est arrivé au Gabon comme dans un zoo : sale, mal rasé, les mains dans les poches à la recherche de cacahuètes à balancer ! » s’est indigné dans un communiqué l’Union pour le peuple gabonais, le parti d’opposition de gauche : « Quand on se nomme Lionel Messi et qu’on est multi-milliardaire, on n’a pas le droit de se présenter devant des officiels d’une République, même bananière, avec un short déchiré et en guenilles. C’est un manque de savoir-vivre affligeant. » En terrain conquis, le quadruple Ballon d’or ne semble pas relever l’indélicatesse. D’autant plus qu’en face, les autochtones sont tout chamboulés. Une photo avec les ministres par-ci, une pose souvenir par-là. Aux anges, Ali Bongo s’oublie et joue les chauffeurs de luxe. En voiture ! Manque seulement la girafe, comme sur la couverture. « Sur la forme, certains Gabonais n’ont pas compris l’attitude de leur président, manifestement subjugué par la coqueluche argentine » décrypte Boubacar Sanso Barry, un journaliste guinéen repris par le Courrier international : « Pour eux, cela revient à bafouer quelque peu la fonction présidentielle. Et c’est d’autant plus inacceptable pour d’aucuns que le chef de l’État est, vis-à-vis de certains de ses compatriotes, coincé dans une sorte de tour d’ivoire, inaccessible. »

La première aventure amène nos deux compères 143 kilomètres plus au sud, à Port-Gentil, la seconde ville du pays située sur l’île Mandji. Au royaume des Ba Baoro’m. C’est la mission originelle du voyage : il y a une pierre à poser pour inaugurer le nouveau stade de 20 000 places, en construction pour la CAN 2017, que le Gabon accueillera de nouveau. Sur le vaste terrain sablonneux, Messi s’exécute, mais s’abstient de tout commentaire, au contraire de Tintin : « Allons, tas de paresseux, à l’ouvrage ! Vous n’avez pas honte de regarder les autres travailler. » Niveau folklore, la cérémonie est agrémentée d’un rituel de bénédiction. Face à la presse, le chef de l’État savoure son coup de communication et passe la pommade : « Quand je m’étais rendu à Barcelone il y a quelques années, j’avais rencontré Messi qui m’avait indiqué qu’il viendrait me rendre visite. C’est une promesse qu’il m’avait faite. C’est un homme d’honneur qui a tenu sa parole. » Ce brave Tintin. Mais si Coco est aussi content, c’est parce que son coup tactique a parfaitement fonctionné. Comme il l’avoue, « le calendrier faisait bien les choses » . Ce n’est pas la première fois que le président gabonais se sert du sport comme d’un rideau de fumée pour masquer les divisions de son pays. Faute de mieux, le Gabon mise de plus en plus sur l’organisation d’événements sportifs pour exister sur la scène internationale, tant et si bien que l’opposition condamne « une politique par le football » et « la dilapidation des deniers publics » dans un pays qui peine encore à trouver la voie du développement.

50 000 euros de l’heure

« Le contexte social dans lequel a lieu cette visite est à la base de la colère » , reprend Boubacar Sanso Barry, à propos de la chute du baril de pétrole : « Loin de partager la dimension symbolique qu’Ali Bongo a voulu associer à l’événement, les Gabonais sont plutôt portés sur l’opportunité de se livrer à des dépenses de prestige au moment où le pays traverse une grave crise sociale. » Il faut dire que ce n’est pas la première fois qu’Ali Bongo, élu grâce à une fraude électorale massive, se livre à une telle excentricité. En 2011 et en 2012, le fils d’Omar Bongo avait notamment organisé deux matchs amicaux de prestige face au Brésil et au Portugal, pour environ deux millions d’euros. En plus du Trophée des champions entre Paris et Bordeaux, il avait aussi financé à grand frais la venue du Roi Pelé, pour la bagatelle de 3,8 millions d’euros. Et pour Messi ? « Nous allons commencer, si vous le voulez bien, par quelques additions » demande Tintin dans la BD, alors qu’il dispense quelques cours de mathématiques, sa spécialité : « Qui peut me dire combien font deux plus deux ? Personne ? Voyons, qui peut me dire combien font deux plus deux ? » Silence pesant dans la classe. La réponse est pourtant aisée. Comme l’a révélé France Football, qui fait ici office de Petit Vingtième : 3,5 millions d’euros divisés par trois jours – arrondissons – que l’on divise ensuite par le nombre d’heures, et on obtient un salaire horaire de 50 000 euros. Une jolie somme pour une petite équipée. Je dirais même plus, un fort beau pactole.

De quoi mieux saisir la colère sourde des Gabonais, qui ont passé le week-end à vilipender l’Argentin sur les réseaux sociaux, sur le fond et sur la forme. Niant toute motivation financière, comme Hergé nia en son temps tout préjugé raciste, Lionel Messi aura au moins eu le mérite de donner à son périple les apparences de la respectabilité, sous les acclamations de la foule. « Léo va gratuitement à Libreville » s’est emporté Samuel Eto’o, le roi du désintéressement, face aux internautes : « C’est juste incroyable comment vous pouvez dire des mensonges et vouloir faire croire ça aux gens. » C’est vrai, ils sont bêtes quand même, ces Ba Baoro’m. Plutôt que d’exploser un rhinocéros à la dynamite, l’Argentin a ensuite agrémenté son voyage d’une visite à l’institut de cancérologie de Libbreville. Il a aussi donné le coup d’envoi d’une rencontre qualificative à la CAN des moins de 23 ans, qui a signé la fin de son escapade continentale. « S’il ne s’agissait que de cela, on aurait tout au moins pu miser sur une star africaine qui coûterait certainement moins cher et qui aurait pu adopter une démarche moins vulgaire » , estime Boubacar Sanso Barry. Oui, mais où serait l’humour cher à Hergé ? Avec Tintin et Coco, au moins, on a bien rigolé. Notamment quand les aventures de notre fabuleux duo se sont conclues dans la joie à Libbreville, au restaurant de l’un des fils du président, en quête de publicité. Y a bon, le poulet.

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