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Messi, aboutissement ou dernière carte du Qatar au PSG ?
L’arrivée de Lionel Messi est présentée non seulement comme un gros coup sportif, mais également par la direction du PSG, comme la consécration d’une décennie qatarie à la tête du club. Dans le storytelling déroulé en conférence de presse, ou ailleurs, il s’agit bien de souligner une montée en puissance du PSG sous l’étendard de QSI. Cette grille de lecture n’est évidemment pas dépourvue de charme, et d’une certaine vérité. Toutefois de l’autre côté, alors que se profile la Coupe du Monde dans l’émirat, le compteur tourne, et l’Argentin représente également sa dernière carte pour que le triomphe soit enfin complet.
Nul n’ignore que le rachat du PSG par le Qatar s’inscrivait dans une stratégie plus vaste de soft power qui visait à faire exister sur la mappemonde géopolitique le petit émirat au-delà des hydrocarbures et du gaz naturel, énormes sources de richesse appelées à s’assécher. En misant sur le seul pensionnaire en L1 de la ville lumière, l’investissement se révélait à la fois sportif (décrocher une Ligue des Champions assurant de s’asseoir désormais à la table des hautes instances du foot sur vieux continent) et économique (poser un pied en occident en se dotant d’un puissant levier d’influence auprès des élites massées dans les loges VIP). Aujourd’hui, une seule de ces exigences a été pleinement remplie. Pour l’armoire à trophées, le compte est loin d’y être. Et ce n’est pas faute d’essayer ou de dépenser sans compter. Si un Lionel Messi reste incomparable, le recrutement de génie confirmé comme Neymar ou prometteur tel Mbappé, de valeurs sûres à la Navas ou de grand joueur à l’instar de Di Maria, rassemblait toutes les armes pour ramener la Ligue des Champions au Parc. L’effectif n’est pas en cause, aucune carence de ce coté-là n’explique la finale perdue contre le Bayern, ni les douloureuses désillusions de la remontada ou face aux deux Manchester. Avec beaucoup de sagesse, et d’expérience, la Pulga l’a récité lors de sa présentation : « Ce n’est pas toujours le meilleur qui gagne. La C1 est une compétition spéciale » .
Incontournable
Voila tout le paradoxe de l’arrivée de l’ancien Barcelonais, dans une configuration inattendue au regard de cette semaine un peu folle. Son débarquement devant « le peuple parisien » n’a pu s’effectuer que parce que le Qatar regarde sur le long terme, dans la durée, qu’il sait qu’il faudra payer cher pour parvenir à transformer ses pétrodollars en aura planétaire. Le vestiaire d’exception déjà bâti a rendu, en plus des considérations financières, le PSG l’unique destination envisageable pour Lionel Messi, avec des coéquipiers de son niveau ou du moins dignes de son statut. En ce sens, consécration n’est pas un mot trop faible, car le choix de l’international argentin illustre que le PSG, malgré ses échecs récents en Europe et Ligue 1, pèse désormais assez lourd pour tout rafler au mercato, sans paraître désormais seulement un nouveau riche face aux vieilles fortunes espagnoles, italiennes ou anglaises.
Et après le Messi ?
Toutefois, le temps s’écoule impitoyablement. Le Qatar affiche le visage souriant de Nasser lors de la conférence, savourant cette reconnaissance qui selon lui place Paris au centre de la planète foot. « Je suis très heureux et fier de présenter Lionel Messi en tant que joueur du PSG. C’est une journée historique pour le club et le monde du foot. Léo est le seul joueur à avoir remporté 6 Ballons d’Or. Il rend le football magique. Ce sera excitant pour tous nos fans et les supporters du monde entier. » Cependant dans un peu plus d’un an, la Coupe du Monde et son déroulement, les polémiques qui la pourrissent (droits des travailleurs, vivants ou morts par milliers, écologie, etc.), se transformeront peut-être plus en un rictus voire une désagréable grimace. Remporter la Ligue des Champions ne s’apparente donc plus en 2021 à un objectif lointain, une perspective patiente. Elle doit aboutir pour redorer un blason qui risque d’être salement taché l’été prochain, quand tout le monde ne parlera plus que de ce Mondial. Lionel Messi n’arrive donc pas seulement parce qu’il est logique qu’un grand joueur comme lui atterrisse au Bourget à un moment ou un autre pour rejoindre un grand club français. « C’était la dernière fenêtre avant peut-être le coup de gong. La pression exercée sur Mbappé l’illustre aussi. Il n’a pas d’excuse pour faire quelque chose d’autre (que rester). » Sinon quoi ? Car après Messi, en cas d’échec, que reste-t-il comme option de repli ou supérieure ?
Par Nicolas Kssis-Martov