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Messi a-t-il vraiment provoqué la crise financière du Barça ?
Cela a été la révélation de la presse espagnole : le sextuple lauréat du Ballon d’or, Lionel Messi, aurait perçu l’équivalent de 555 millions d’euros brut entre 2017 et 2021 au FC Barcelone. Un demi-milliard qui aurait creusé la dette du club catalan et provoqué un risque de faillite. Vraiment ?
555 millions 237 mille 619 euros, voilà le contrat monstrueux et gargantuesque signé par Lionel Messi au FC Barcelone en 2017. Net d’impôt et en intégrant les différentes primes et droits à l’image, cela reviendrait à plus de 75 millions d’euros par an depuis quatre ans pour le fantasque Argentin. Ses concurrents Cristiano Ronaldo, Neymar et Mbappé se retrouvent très loin derrière, entre 40 et 17 millions d’euros par an. C’est le jour et la nuit dans ce marché des superstars, Messi a littéralement tué le gameet a intégré la cour des très grands quasi-milliardaires en seulement quatre ans.
Or, pour certains, ce contrat, qui garantissait aussi une prime à la signature de plus de 115 millions d’euros et une généreuse prime de fidélité de 66 millions, a provoqué la fuite en avant comptable du club, empêtré dans une dangereuse accumulation de dettes depuis quelques saisons. Rendue publique la semaine dernière, elle aurait atteint la somme totale de 1 milliard 173 millions d’euros dont, plus inquiétant, 730 millions d’euros à rembourser à court terme. Alors le multimillionnaire Messi, responsable de la future faillite de son FC Barcelone ? Ce n’est pas aussi simple que ça.
Messi rapporte beaucoup
Oui, à première vue, la Pulga coûte cher, très cher. Ses 138 millions d’euros à débourser par an plombent les finances du club et participent à un écoulement des dépenses. Néanmoins, sa présence assure aussi d’importantes rentrées financières dans le domaine du marketing, du merchandising et du sponsoring. Idem, au niveau de la billetterie et de la visibilité du club, Messi joueur du Barça garantit recettes et liquidités. Selon la presse espagnole, sa seule présence rapporterait entre 200 et 250 millions d’euros par an au club.
D’ailleurs, entre 2017, date de la signature du faramineux contrat, et 2019, les gains du Barça ont augmenté de 30%, selon le rapport Football Money League du cabinet d’audit Deloitte, soit bien plus que lors des périodes précédentes. Les recettes de billetterie, comptant sur le stade et le musée du football, ont explosé, garantissaient 176 millions d’euros en 2019 (126 millions d’euros recettes match-day et 50 millions d’euros recettes musée). Et les gains commerciaux et les droits TV offraient un pactole total de 665 millions d’euros.
Catastrophique gestion comptable
C’est simple, le Barça est devenu, avec Messi, le club le plus riche du monde. Sauf que cela l’a autorisé à faire un peu n’importe quoi. Malgré la vente de Neymar au Paris Saint-Germain, à la même date, pour 222 millions d’euros, les dirigeants, plutôt que de mettre de côté et constituer des fonds propres, couvrir leur dette passée et rééquilibrer leur budget, ont dépensé sans compter, sans véritable réflexion ni résultat sportif. Dembélé pour 125 millions d’euros, Coutinho pour 165 millions d’euros, Paulinho (40 millions d’euros), Semedo (35 millions d’euros), Malcom (41 millions d’euros), Arthur (31 millions d’euros), Suárez (80 millions d’euros)… Puis, Griezmann à 120 millions d’euros et Frenkie de Jong à 75 millions. Et comme la plupart de ces dépenses sont échelonnées dans le temps, le Barça se retrouve avec 320 millions d’euros à rembourser directement et assez rapidement aux clubs vendeurs. Plus une grosse proportion issue des crédits bancaires souscrits pour pouvoir se payer les joueurs et conserver cette folie des grandeurs.
Mais ce n’est pas fini. Les dépenses de transferts ont effectivement grossi de façon exponentielle, tout comme la masse salariale, atteignant la somme folle de 576 millions d’euros en 2019, soit 70% du budget total, faisant ainsi fi des recommandations de l’UEFA et du fair-play financier à ne pas dépasser ce ratio. Rien n’a été fait convenablement. Ce n’est pas Messi qui a plombé les comptes de Barcelone. Le joueur, par son talent, sa classe, son niveau, sa popularité, rapportait plus qu’il ne coûtait. Mais l’argent récupéré a été dépensé n’importe comment, en salaires et en transferts totalement déconnectés des réalités économiques et sportives. Et comme maintenant, le monde du foot subit une crise économique et sanitaire sans précédent, les recettes billetterie sont détruites et les revenus commerciaux remis en cause, tout se complique pour le Barça.
Trop connu pour couler
Et maintenant, que va-t-il se passer ? Le club peut-il réellement faire faillite ? En économie, il existe une phrase célèbre lorsqu’on s’intéresse aux risques de défaut de paiement, la maxime « Too Big to Fail ». Un pays ou une très grosse société, malgré sa dette et ses pertes, ne peut pas faire faillite, elle est tellement grosse qu’elle trouvera toujours un repreneur ou un créancier et qu’elle pourra faire suivre ses déficits et les prolonger dans le temps.
C’est exactement la même chose avec le Barça, la maxime devient « too famous to fail », trop connu pour couler. C’est l’un des clubs les plus populaires du monde, il ne peut pas disparaître. Il y aura toujours un repreneur et des investisseurs pour racheter la dette et la solvabiliser, la recouvrir. Qu’il s’agisse d’un fonds d’investissement, d’une banque d’affaires ou d’un actionnaire milliardaire, les solutions ne manquent pas. Néanmoins, la nouvelle direction devra impérativement s’imposer une cure d’austérité, arrêter de dépenser sans compter et faire signer des contrats mirobolants. Et peut-être aussi voir Messi quitter le navire…
Par Pierre Rondeau