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Mes VHS Euro PSG…
Comme toute une génération de gamins, j'ai été choisi par le PSG en mars 1993. Le 18. J'avais 10 ans. L'amour est vraiment né ce soir-là, contre le Real Madrid, avant, on se tournait autour sans conclure. Mais au-delà du coup de foudre, il fallait construire sur la durée. Pour ça, j'ai pu compter sur un allié incroyable : les VHS Euro PSG. Elles ont squatté le magnétoscope de mes parents pendant dix ans et immortalisé des bouts de matchs dans mon esprit. Mon PSG, c'est aussi ça.
Elles doivent être quelque part dans la cave de mes parents, à Montreuil. Cinq reliques. Cinq VHS. Des TF1 vidéos et Canal + vidéos. Dans la chambre, elles étaient rangées par date : 92/93, 93/94, 94/95, 95/96 et 96/97. Sept lettres d’amour : Euro PSG. C’était simple, tous les matchs européens du PSG résumés par ordre chronologique avec les commentaires de matchs. Que des grands noms derrière le micro : Thierry Gilardi, Michel Platini, Charles Biétry, Thierry Roland, Jean-Michel Larqué. Celle de 92/93 a un boîtier qui ne ferme plus. Elle a été rafistolée avec un bout de scotch. Ces bandes ont dû être matées une centaine de fois, avec une vraie préférence pour la première, l’épopée en C3 avec le match du Real Madrid 1993 donc, ainsi que celle du parcours en Ligue des champions.
Gilardi, Platini, quel duo
Le 18 mars 1993, j’ai l’autorisation de dormir chez mes grands-parents. Ils ont Canal Plus. Pas mes parents. Pour que tout se passe bien, mes parents ont décidé de décaler au 18 la soirée d’anniversaire de ma mère qui est née le 17. Les adultes sont à table. Je suis sur une couverture face à la télé. Je regarde le match. Je ne garde quasiment aucun souvenir auditif de la rencontre car on a baissé le son pour que tout le monde puisse s’entendre. De la soirée en elle-même, je n’ai mémorisé que le but de Kombouaré et la phrase de mon grand-père, « quel coup de casque, mon salaud » . Sinon, pas grand-chose. Ce n’est que plus tard, quand mes parents m’offrent la VHS que je vais tomber amoureux. Cette cassette, je vais la saigner. M’en délecter. L’apprendre par cœur et prendre un pied incroyable à me refaire ce parcours de malade : PAOK Salonique, Naples, Anderlecht et le Real Madrid. Le match aller n’est pas une souffrance du fait de l’histoire. Alain Roche prend rouge sur le troisième but espagnol. Sans ça, Antoine Kombouaré n’aurait jamais joué au Parc des Princes. Les détails qui écrivent l’histoire.
J’ai envie que le match retour dure des heures. Les résumés sont tellement bien montés qu’on vibre à chaque rediffusion. La barre transversale de Buyo qui tremble, le premier but de Weah sur corner, le poteau touché par Bravo en seconde période. À chaque fois la même analyse : « On est maudits. » Puis arrivent les moments les plus sympas. À force, je connais les commentaires par cœur. Gilardi prend la parole : « Valdo. Weah. En retraiiittt c’est bien fait… Extraordinaire. Sur la remise de Daniel Bravo, c’est David Ginola qui permet au Paris Saint-Germain de mener 2-0. » Gilardi toujours : « Valdo qui est servi dans la surface de réparation face à Rocha, feinte de frappe, frappe de Valdoooo, et c’est le buuttt. » 3-0. Le but de Zamorano passe comme une friandise. Le meilleur arrive. Quand on le sait, c’est encore plus délicieux. On met pause. On s’installe confortablement. C’est un moment d’histoire. Il ne faut pas le regarder comme un simple but. Comme si on pouvait rembobiner à l’infini le moment où l’on a vraiment su que c’était la bonne. Euro PSG, c’est ça. Revoir son cœur dire oui. Encore. Et encore. Et encore. On met Play.
« Il est formidable, Vincent Guérin »
Gilardi : « Ce n’est pas fini peut-être, avec Ginola poursuivi par Zamorano le buteur. » Platini le coupe sur la faute de Zamorano : « Et bah voilà le quatrième but. » Gilardi : « Alors là, on en est à 50 minutes. Sa montre vient de s’arrêter. » Biétry : « En tout cas, quel suspense encore, car on redonne une balle de but au PSG là-dessus. » Gilardi reprend la main : « Avec un coup franc que va tirer Valdo. Weah est devant le but. Kombouaré aussi, il est monté, tête de Kombouaré, but, but d’Antoine Kombouaré ! C’est extraordinaire ! C’est Kombouaré qui vient mettre la tête, Kombouaré le sauveur du Parc Astrid à Anderlecht qui vient donner la qualification au Paris Saint-Germain ici au Parc des Princes, oh, Artur Jorge il ne veut même pas réagir. » C’est vrai, « quel coup de casque, mon salaud » .
Ça dure quoi, 10-15 secondes, mais c’est suffisant pour tomber amoureux. En général, le visionnage s’arrête là. Revivre la double confrontation contre la Juventus est une souffrance. Comme la demi-finale de 1995 contre l’AC Milan. En général, je mettais Stop sur le contre assassin du match aller qui amène le but de Boban. On connaît la fin. Comme dans Dawson, impossible de regarder l’épisode où Pacey fout en l’air son histoire d’amour avec Joey. Euro PSG est un tout : une ode à l’amour, une madeleine de Proust, un souvenir, une relique, un infini, une évidence. Mais tous ceux qui se sont saignés sur les magnétoscopes des parents n’ont pas non plus oublié le millésime 1995. On a basculé sur TF1. Sans même mentionner le match ni la minute, tout le monde va se reconnaître. Larqué : « Valdo, c’est du grand football, du grand grand football, Thierry. Allez Vincent. » Roland : « Fraaapppeee. » Larqué : « Et but ! Oui Vincent. Il est formidable, il le mérite cent fois. Cent fois, il mérite ce but. Entre le match aller et le match retour, il est formidable, Vincent Guérin. Il est né, là, juste derrière cette tribune. À Boulogne. Il est né là, juste derrière et voilà qu’il vient de marquer un but fantastique. Il le mérite, car il a été héroïque. Bravo Vincent. » Pour Zlatan Ibrahimović, avant lui, les supporters du PSG n’avaient rien. Faux, ils avaient Euro PSG. C’est-à-dire tout.
Par Mathieu Faure