- Ballon d'or FIFA 2015
- Interview Kate Abdo
« Mes neveux m’ont demandé de leur envoyer le nom du vainqueur par texto »
Pour la seconde année d’affilée, Kate Abdo présidera ce soir la cérémonie du Ballon d'or. L’occasion de revenir avec la journaliste polyglotte sur l’absence de Gigi Buffon dans la liste, et d’évoquer, pêle-mêle, le duel Ronaldo-Messi, Thierry Henry ou Manchester United.
Vous avez grandi à Manchester, mais avez également vécu en Allemagne, en Espagne et en France. Cela n’a pas été trop compliqué pour vous de choisir une équipe favorite ?(Rires) Je crois que le choix se fait lorsque vous êtes très jeune. J’ai été fan de Manchester United depuis mes jeunes années, lorsque mon père m’emmenait au stade avec lui. Même si j’ai pu développer certaines affinités avec d’autres équipes à l’étranger, j’avais déjà une équipe de cœur en arrivant en Allemagne ou en Espagne. Je crois qu’il n’y a vraiment la place que pour une seule équipe dans votre cœur.
Vous venez d’une famille très sportive, puisque vos deux parents ont été professeurs d’éducation physique à l’école. Le journalisme sportif, c’est venu comme une évidence ?Mes parents font encore beaucoup de sport aujourd’hui, à 70 ans ! Mais oui, ils nous poussaient à faire du sport, à essayer différentes activités, ce qui était bien pour nous. Mais je n’avais aucune idée de ce que je voulais faire. J’aimais les langues, voyager… Je n’avais pas eu la chance d’étudier l’espagnol à l’école, et je voulais vraiment le faire. Du coup, je suis parti en Espagne pendant un an pour apprendre la langue, et je ne voulais pas vraiment rentrer. Donc j’ai passé l’équivalent des A-levels en Espagne, et je suis allé à l’université là-bas. J’ai passé un diplôme pour être interprète, mais à ce moment-là, je n’avais aucune idée que j’allais être journaliste sportive. On m’a offert un poste dans une chaîne de télé en Allemagne, qui diffusait en plusieurs langues. Là-bas, je travaillais au bureau des sports, et un des présentateurs a quitté son poste, donc on m’a proposé de faire un casting. Au début, je ne voulais pas le faire, mais ils m’ont convaincu d’essayer, avant de me donner le job. Mais c’est vrai qu’au début, ce n’était pas vraiment mon plan de carrière.
Cela a plutôt bien marché, puisque vous êtes devenue une journaliste sportive reconnue, et vous avez été invitée à être maîtresse de cérémonie du Ballon d’or pour la première fois l’an passé. Comment cela s’est passé ? Comment est-ce que vous l’avez appris ?La première fois qu’on m’en a parlé, je présentais une cérémonie de l’UEFA à Monaco. L’équipe de production est la même que celle qui s’occupe du Ballon d’or, et un des membres m’a dit qu’on me prenait en considération pour le Ballon d’or, et m’a invité à boire un café pour en discuter. Après, je ne m’en souviens pas exactement, mais je crois que j’ai seulement appris la nouvelle par email. Ce qui est assez incroyable. Dans le journalisme sportif, vous travaillez régulièrement avec des footballeurs, mais le Ballon d’or est le plus grand événement, dont vous rêvez de faire partie.
Quelles qualités doit posséder le maître de cérémonie parfait pour ce genre d’événements ?Pour le Ballon d’or, un gros atout est de parler plusieurs langues, parce que le football est tellement international, que vous ne pouvez pas vous attendre à ce que tout le monde parle anglais. L’an passé, j’ai parlé allemand, espagnol et anglais sur scène. Après, mais c’est le cas à chaque fois que vous êtes en direct, il ne faut pas être intimidé si quelque chose ne se passe pas comme prévu. Je pense que cela sera un peu différent cette année, car je ne présente pas la cérémonie seule, mais avec James Nesbitt. Je ne l’ai rencontré qu’une seule fois, mais je pense qu’il apportera quelque chose de différent, ce qui est bien.
Quand est-ce que vous apprenez l’identité du vainqueur ? Vous devez forcément le savoir avant les autres, non ?Vous savez quoi, mes neveux, qui sont d’immenses fans de foot, me posaient la même question, en me demandant si je pouvais leur envoyer le nom du vainqueur par texto. Je leur ai dit : « Non, bien sûr que non ! » Si je me souviens bien, je ne crois pas découvrir le nom du vainqueur avant les autres. Je découvre le nom sur scène. Bien sûr, la personne qui met le nom dans l’enveloppe le sait, mais moi non. Je me souviens que l’an passé, je n’étais pas vraiment surprise que ce soit Cristiano Ronaldo, mais j’avais autant de suspense que n’importe qui.
On a assisté à une catastrophe en direct très récemment lorsque Steve Harvey, le présentateur américain, s’est trompé de vainqueur à l’élection de Miss Univers. Une boulette comme celle-ci, c’est votre pire cauchemar ?Heureusement pour moi, ce ne sera pas à moi d’annoncer le vainqueur ! Quelqu’un d’autre peut faire cette erreur, mais pas moi ! Évidemment, j’ai une position privilégiée, c’est un événement immense, et vous voulez faire bonne impression, sachant que les gens comptent sur vous. Donc il y a forcément un peu de pression. Pour être honnête, je ne pensais pas le faire une deuxième fois, je pensais que c’était l’occasion d’une vie. L’an passé, en ayant cela en tête, j’ai vraiment réussi à profiter du moment. C’est une cérémonie que j’ai toujours regardée dans mon canapé, qui m’a toujours intéressée, et j’ai vraiment apprécié le fait d’y prendre part. Peut-être que cette année, en ayant conscience de la taille de l’audience, et de la scène, je serai plus nerveuse !
Pour revenir au Ballon d’or, évidemment, il ne peut y avoir qu’un seul vainqueur chaque année. Cependant, il a toujours nourri beaucoup de discussions, notamment sur le fait qu’il est plus difficile pour un défenseur ou un gardien de le remporter. Par exemple, Gianluigi Buffon, auteur d’une incroyable saison l’an passé, ne faisait même pas partie de la pré-sélection pour le prix cette année. Comment expliquer que cela soit si compliqué pour les joueurs à vocation défensive d’obtenir du crédit dans ce genre de récompenses ?Malheureusement, c’est le cas. Le dernier défenseur était Cannavaro. C’est difficile, n’est-ce pas, puisque les buteurs sont toujours les personnages centraux de chaque grande victoire. Ce sont ceux qui récoltent la gloire, et je pense que c’est compliqué de penser à autre chose au moment de donner les prix. Mais je crois aussi que Ronaldo et Messi ont amené ce jeu à un niveau si élevé, que c’est difficile pour n’importe qui d’être sur cette liste. Si quelqu’un du calibre de Luis Suárez n’est pas sur le podium, ce n’est pas une surprise de voir qu’un tas de très grands joueurs ne fasse pas partie de la liste. Je crois qu’il y a plus de chance de voir des attaquants sur cette liste, malheureusement, c’est le cas, mais je crois aussi que cela rend le prix encore plus prestigieux si vous arrivez à l’emporter et que vous êtes milieu ou défenseur. Voir qu’un joueur comme Andrés Iniesta, qui a été central dans les succès du Barça et de l’Espagne, n’a pas remporté de Ballon d’or, montre qu’il y a un tas de très grands joueurs qui ratent le coche, ce qui est dommage.
Vous comprenez les critiques qui disent que Messi et Ronaldo ont tué le suspense, et qui en ont marre de voir les deux s’échanger le Ballon d’or année après année, rendant l’événement un peu plus ennuyeux ?Je ne sais pas s’ils méritent d’être critiqués pour cela ! Ce qu’ils ont fait pour ce sport est incroyable. N’importe quel amoureux du football prend du plaisir en les regardant jouer. Je ne pense pas qu’ils devraient être critiqués pour être tellement forts que les autres n’arrivent pas à atteindre leur niveau. À ce moment-là, j’aimerais être critiquée pour la même raison, même si je ne pense pas que cela va m’arriver !
Mais par exemple, les années de Coupe du monde, sachant que ni l’un ni l’autre ne l’ont emportée, n’aurait-il pas été plus juste de voir un vainqueur de Coupe du monde recevoir le trophée ?Oui et non. C’est un sport collectif, donc vous remportez la Coupe du monde en tant qu’équipe, mais le Ballon d’or est là pour récompenser une performance individuelle incroyable. Vous pouvez très bien ne pas jouer dans la meilleure équipe du monde, mais être la meilleure individualité. Il y a toujours ce débat pour savoir si Messi ou Ronaldo ont fait autant que Pelé ou Maradona, qui ont également porté leurs nations sur leurs épaules. Manuel Neuer était sur le podium l’an passé grâce à ses performances au Mondial, donc je pense que cela est reconnu et pris en compte, mais je crois également que tout se joue sur les performances individuelles, puisque c’est cela que le Ballon d’or récompense.
Y a-t-il certains joueurs du passé dont vous pensez qu’ils auraient mérité de remporter au moins une fois le Ballon d’or ?Thierry Henry est un de mes collègues. C’était un joueur fantastique, que j’adorais regarder lorsqu’il évoluait à Arsenal, tout en ayant été central pour l’équipe de France. Mais là encore, il ne peut y avoir qu’un vainqueur chaque année. Et combien de milliers de footballeurs y a-t-il dans le monde ? Zidane est clairement dans ma liste, mais il l’a déjà remporté une fois. J’aimerais vraiment voir un joueur anglais l’emporter, mais pour être honnête, je ne sais pas s’il y en a un qui mérite de figurer sur cette liste, si vous comparez aux autres joueurs qui y sont.
Pour finir, vous avez un favori pour cette année ?Je ne sais pas si j’ai le droit de le dire, pour être honnête avec vous ! C’est difficile à dire, mais je couvre la Liga depuis le début de cette saison. Si je devais donner un vainqueur sur ce que j’ai vu cette saison, je devrais dire Messi, juste parce qu’il fait tellement de différences pour son équipe. Même s’ils ont très bien réussi sans lui, ce qui donne du crédit à Neymar. Lorsque Messi était blessé, j’ai été surprise de voir à quel point Neymar a élevé son niveau de jeu, et je trouve qu’il mérite du crédit pour cela. Quelque part, j’aimerais bien voir un nouveau vainqueur qui briserait le duo, et qui apporterait du suspense, puisque vous pourriez vous dire : « Ça y est, quelqu’un d’autre peut vraiment l’emporter ! » Ce serait un grand moment. Je ne pense pas que cela va arriver, je pense que Messi va l’emporter, parce qu’il a eu une année fantastique. Je crois que même Ronaldo a dit qu’il s’attendait à voir Messi l’emporter.
Propos recueillis par Paul Piquard