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Merguez partie !
Il y a des moments, des odeurs, des sensations, qui structurent l’année d’un amoureux du foot. Qu’il ait 7 ou 46 ans, qu’il soit un futur raté ou un ancien espoir, le fan de foot vit pour la période printemps-été et le triptyque coup de soleil/sandwich merguez/concours de penalty à la pause déjeuner. Pour le meilleur et pour le pire. Jusqu’à ce que le COVID-19 les sépare.
C’est l’autre date du jour. Ce mardi 14 avril, au lendemain du discours d’Emmanuel Macron, L’Équipetitre « le calendrier idéal » et évoque une éventuelle reprise de la Ligue 1 « au plus tôt le 3 juin, plus raisonnablement le 17 du même mois ». D’un côté la possibilité d’un foot, à huis clos, sorte d’expédition des affaires courantes à des fins logiques et pratiques. Sorte de simulation de fin de saison façon Football Manager, histoire d’avoir un classement final et de finir ce qui a été commencé. De l’autre, la mort du foot, au sens premier du terme. En effet, en annonçant l’interdiction des rassemblements massifs de personnes jusqu’à la mi-juillet au moins, le président de la République a logiquement brisé les derniers rêves ensoleillés des footballeurs prometteurs ou amateurs. Des garçons et filles, femmes et hommes, pour qui la période avril-juillet n’est pas uniquement la belle autoroute du fan de sport avec des arrêts à l’aire de Roland-Garros et au péage du Saint-Euro. Ces mois qui nous attendaient étaient l’équivalent de l’automne pour les mordus des champignons. Le moment où l’on enfile le short pour aller chercher les passes au soleil comme le cueilleur cherche amoureusement les chanterelles. Une période magique que 2020 ne connaîtra pas. Laissant ainsi un paquet de passionnés sur le carreau. SoFoot.com pense à eux.
Costard ruiné, infériorité numérique et viennoiseries
2020 sera donc une année d’injustice. Mais on ne vous oublie pas, vous, les courageux. Ceux qui, au sein de leurs équipes de potes, qu’elles évoluent en FLA, en FSGT ou dans une autre Fédération, sont les boussoles, exemples de ponctualité et de présence. Ceux qui vont directement au stade en sortant du taf, quitte à arriver trempé et à ruiner un costard. Ceux qui ont joué en infériorité numérique au mois de novembre parce que certains coéquipiers sont trop frileux. On ne vous oublie pas. On n’oublie pas que cette année, vous êtes allés jouer les matchs de merde en attendant un printemps qui n’arrivera qu’au rebord de votre fenêtre.
Aux groupes de potes, dont les quelques tournois de sixte (ou à 7) qui rythment les ponts de mai et les week-ends de juin sont la seule activités physique de l’année : on ne vous oublie pas. On n’oublie pas ce réveil à 7h du matin qui est peut-être le seul de l’année où vous n’avez pas envie de jeter votre téléphone contre un mur. On n’oublie pas les retrouvailles matinales dans une voiture trop petite, avec le pote qui pense à tout qui a acheté des viennoiseries pour toute la team. On n’oublie pas, non plus, que cette année, vous vous étiez jurés de gagner un match. Enfin, on n’oublie pas que la moitié de votre capital soleil de l’été se construit sur les quelques heures passées au soleil, à errer entre le terrain sur lequel vous errez aussi et le petit espace de pelouse synthétique que vous et votre équipe vous êtes appropriés comme des aventuriers sur le camp de Koh-Lanta. On n’oublie rien et on vous dit à l’année prochaine. Avec votre glacière et des bières fraîches dedans.
Piqûre d’insouciance
Pour les enfants et jeunes adolescents, on a une pensée toute particulière. À cet âge-là, même si on a l’impression qu’on ne sera jamais vieux, un an, c’est énorme. Un an, c’est une équipe avec laquelle on construit des actions avec un ballon et des amitiés autour d’un Mr. Freeze acheté à la buvette. Un an, c’est un moment de vie avec ses potes comme il n’y en aura pas deux. Combien d’entre vous peuvent se rappeler précisément un tournoi en U11, U12 ou 13 ? Poussin, benjamin ou même cadet, si vous commencez à avoir les cheveux qui blanchissent ou qui tombent ? À cet âge, un printemps peut être le plus beau moment d’une carrière. Une carrière dont tu ne sais pas encore qu’elle ne verra jamais le jour, mais lors de laquelle tu auras eu ton moment de gloire. Un but qui qualifie ton équipe en finale d’un tournoi. Un but face à un club pro qui était censé ratatiner ton équipe de village. Une victoire lors d’un concours de penalty dont tu aurais pu garder le trophée dans ta chambre aussi précieusement qu’une Coupe du monde. Chaque tournoi joué à cet âge-là est une piqûre d’insouciance et une immense boîte à souvenirs et qu’on vous souhaitait, du fond du cœur, de ne pas rater ces mois prochains. Et ce, même si grâce à ça, certains pourront dire « j’aurais dû percer, mais coronavirus, tournois annulés, tu connais. Les recruteurs ne sont plus jamais venus ». Et à ceux que les recruteurs viennent vraiment voir, les « 1% » , on pense aussi à vous. À vous qui régalez les parents accoudés à la rambarde. À vous qui rêvez en grand, mais dont ce tournoi aurait peut-être été la seule ligne jamais couchée sur votre palmarès, on dit à l’année prochaine.
Ketchup fossilisé
Mais qu’est-ce qu’on lui dit, à cette odeur ? Une odeur que même les plus grands chefs peineraient à faire sortir de leur cuisine. Peut-être pour des raisons d’hygiène. Et peut-être même que tout le monde s’en fout. À toi, le sandwich merguez de la buvette du tournoi, dont l’amour fusionnel avec la barquette de frites est un exemple pour tous nos couples, on te demande pourquoi. On te demande pourquoi ce ketchup fossilisé sur les frites est aussi bon que dégueulasse. On te demande pourquoi avec des bonnes merguez et un bon barbecue, on n’arrive pas à te refaire à la maison. Peut-être parce qu’on mange avec tous nos sens et que ton goût est embelli par la vision du terrain de foot. Peut-être parce que c’est la seule fois de l’année où des gamins ont le droit d’aller courir juste après avoir mangé un énorme truc. Peut-être qu’on ne saura jamais. Ce qu’on sait, en revanche, c’est que tu vas nous manquer. À tous.
À l’année prochaine.
Par Swann Borsellino