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Merchandising : Paris à la pêche aux clients
Des fringues haut de gamme, des paddles et plus récemment une boîte de mouches pour pêche aux couleurs de la formation parisienne : la stratégie merchandising du PSG peut sembler un peu zinzin, aux yeux des non initiés. Autant d'initiatives qui répondent à la volonté du club de promouvoir une marque qui ne s'adresse plus uniquement aux fans de football.
Commençons par une petite parenthèse dystopique. Dans un futur proche, vous vous réveillez un matin, en soulevant en grognant le drap où vous vous êtes assoupi dans les bras de Morphée. Les yeux à moitié ouverts, vous fracassez pour la cent millième fois votre réveil aux couleurs du PSG, repoussez sans ménagement votre couverture PSG et vous dévêtez de votre pyjama PSG. Parvenu péniblement dans la cuisine, vous attrapez votre mug estampillé PSG, jetez un œil distrait au journal, en toastant vos tartines dans votre grille-pain PSG, avant de nouer autour de votre cou une rutilante cravate, où s’affiche un discret logo du PSG. Vos boutons de manchette PSG enfilés, vous attrapez votre attaché-case PSG pour filer à ce boulot qui ne vous passionne pas vraiment, mais qui vous permet de payer les courses, le loyer indécent de votre 30m2 et tous ces trucs qui font de vous un adulte bien sous tous rapports. Une perspective délirante ? Difficile à dire. Ce qui est sûr, c’est que le PSG et sa stratégie marketing et merchandising débordent déjà du simple cadre footballistique et que la tendance ne risque pas de s’inverser dans les années à venir.
L’heure de prendre la mouche
La dernière fantaisie créative du club francilien ? Le lancement d’une boîte de mouches pour la pêche, aux couleurs du Paris Saint-Germain, dont on nous explique que « chacune des mouches a été imaginée pour des caractéristiques pouvant être appliquées à des qualités requises à la pratique du football » . Une initiative iconoclaste dans le domaine du merchandising sportif, mais qui rentre finalement dans les cases du marketing du PSG, depuis que le club est passé sous pavillon qatari en 2011. Ces derniers temps, le club de la capitale s’est notamment essayé au lancement d’une nouvelle gamme de produits lifestyle, baptisée « PSG Limited ». Une ligne où l’on retrouve entre autres des chaises longues (200 euros) et des paddles (à 700 euros l’unité), quand le prix des accessoires de pêche parisien s’élève à 240 euros. Autant de nouveautés disponibles en éditions limitées (entre 50 et 200 exemplaires sont mis en vente, en fonction du produit). Outre le prix important des objets susmentionnés, c’est leur nature même qui peut surprendre. Mais qu’est-ce que le PSG vient donc faire sur ces terrains-là ?
Vous voudriez avoir une mouche aux couleurs de quel club vous ??#PêcheALaMouche #PSGhttps://t.co/Z9xzlIgJyB
— Chasse & Pêche (@ChasseetPecheTV) July 21, 2020
Le coup du foulard
En proposant des produits qui se veulent premium, rares et qualitatifs, l’objectif est d’abord de faire du PSG un club porteur d’une marque tout à fait à part dans le paysage foot. « Ça fait partie du déploiement de la stratégie de notre président qui, depuis 2011, souhaite faire du club une référence et du PSG une marque globale et lifestyle » , confirme Fabien Allègre, le responsable de la stratégie merchandising de la formation parisienne. Ces produits en éditions limitées constituent une partie infime de notre chiffre d’affaires, par rapport aux ventes qu’on effectue sur les maillots par exemple. Mais notre volonté, avec ce type de produits, c’est de toucher une population de fans un peu plus large que celle qu’on vise avec le merchandising classique. » Une population surtout typée CSP+, voire pour partie prescriptrice, aux yeux du grand public. « On veut faire parler du PSG, le faire rayonner en dehors de notre cœur de cible, qui reste effectivement nos fans, déroule Allègre. Mais on sait que certains de nos fans n’ont pas forcément envie de s’afficher avec un maillot, un t-shirt ou un gros logo PSG. Quand on élabore un foulard avec Cinabre, une marque de niche, mais d’excellence parisienne, qui a près de 50% de ses clients aux USA, ça nous permet de diffuser le PSG au travers de cette clientèle, le cas échéant à l’international. »
Le PSG collabore avec Cinabre Paris autour d’une écharpe et d’un foulard haut de gamme https://t.co/PHTRx22zfh
— Nath L. (@Natiinath) October 24, 2019
Une collaboration que détaille le patron de Cinabre, Alexandre Chapellier, dont l’entreprise s’est spécialisée dans le nœud papillon, la cravate et les foulards faits main en France : « Avec le club, on s’est associé pour créer un foulard et une écharpe en édition limitée. Moi, j’ai quasiment 40 ans, le PSG qui me touche le plus, c’est celui qui porte le maillot classique des années Canal. Avec le revival des années 90 qu’on voit en ce moment dans la mode, on s’est dit que ce serait intéressant de leur proposer une grande écharpe sur ce thème-là. Le foulard, lui, est un peu plus féminin, un peu plus artistique, le côté PSG y est moins évident, avec le Parc des Princes qui y est illustré en mode soucoupe. Le truc, c’est que créativement, ils nous ont laissé beaucoup de liberté, ils n’étaient pas là à nous dire « il faut mettre le logo etc. » »
Le Paris VIP
Un parti pris esthétique qui rentre dans le cahier des charges des deux marques. « Nos produits étaient vendus sur certaines boutiques du réseau PSG, détaille Chapellier.Là où ils se sont le plus vendus, c’est dans la conciergerie du Parc. Évidemment, on s’insère bien dans cette clientèle plutôt intéressée par le luxe, qui a les moyens. Toucher un public prescripteur fait partie de notre stratégie. Des VIP peuvent acheter nos produits, aussi bien des rappeurs, des DJ, que des patrons du CAC 40. L’avantage de travailler avec un club comme le PSG, c’est que ses VIP sont assez éclectiques, ça va de Sarkozy à de grands noms du show business. C’est aussi ça la force d’un club de sport, la capacité à réunir des populations assez différentes. » En somme, les produits en offre limitée co-développés par le club se veulent une certaine émanation de l’image d’Épinal qu’on peut se faire de la ville de Paris : luxueuse, haut de gamme et raffinée.
Là où va la mode
Pas sûr, en revanche, que les fans historiques soient particulièrement ravis de voir leur club prendre un tel virage marketing, qui semble éloigné de l’image classique et populaire qu’on se fait d’une équipe de football. « Je pense que si cette stratégie a suivi son cours depuis 2011, c’est qu’on n’a jamais, au travers de ces initiatives, cassé le lien avec notre base de fans, estime Fabien Allègre. Je ne pense pas que ce soit un sujet pour eux, dans la mesure où, à chaque fois qu’on sort un produit, on ne va pas chercher des choses incompatibles avec la vision d’un supporter de Paris. »
« Par exemple, pour la pêche, c’est une activité génératrice de passions, comme le foot. Vous avez l’impression qu’on fait un grand écart, mais c’est seulement un grand écart en terme de produit… Ce qui est sûr, c’est que, quand on voit la couverture que la boîte à mouches a eu en province, c’est clairement intéressant pour nous. Ça fait rayonner la marque en dehors de Paris. » Admettons. Quoi qu’il en soit, le club veut à terme prendre un tournant inédit en terme d’image : « En résumé, l’objectif, c’est de sortir de la logique « si je suis fan, j’achète un produit PSG, si je ne suis pas fan, je n’achète pas. » Sans perdre notre base de fans historiques, on recherche aussi une clientèle qui n’est pas forcément attachée au club, mais qui reconnaît, de par son acte d’achat, que le produit est cool, dans les deadlines du moment en terme de mode. » Reste encore à voir si tout ce beau monde aura vraiment envie de se mettre à la pêche à la mouche.
Par Adrien Candau
Tous propos recueillis par AC