- Ligue des nations
- J2
- France-Pays-Bas
Memphis tout neuf
Double buteur jeudi face au Pérou, l'attaquant lyonnais est la nouvelle pointe titulaire des Pays-Bas version Ronald Koeman. Alors que Memphis Depay avait jusqu'ici construit sa carrière sur une aile, son repositionnement dans l'axe semble être la solution idoine pour en tirer sa quintessence.
Certes, Memphis « joue uniquement pour Dieu » . Mais en attendant d’être l’élu des Cieux, il pourra toujours se satisfaire d’avoir été choisi par une légende du peuple hollandais. Ce jeudi soir, alors qu’il venait de faire ses adieux à la Johan-Cruijff Arena d’Amsterdam, Wesley Sneijder a remis les clés du camion orange à Memphis Depay. Son dernier maillot floqué du numéro 10, c’est au Lyonnais qu’il l’offrira. « Je le lui ai donné symboliquement, assurait Wes. Il a montré à tout le monde qu’il était vraiment en forme en ce moment et j’espère qu’il continuera sur cette lancée. La sélection va se régaler avec lui. » Une manière d’adouber celui qu’il considère comme son successeur en tant que leader technique et offensif, alors que Memphis avouait plus tôt que l’ancien milieu de l’Ajax avait été « une grande source d’inspiration » pour lui.
Mais le Sneijder 2.0 ne sera ni un meneur de jeu ni un ailier pur, comme l’ex-Mancunien pouvait l’être. Non, depuis quelques mois, Depay s’est mué en buteur, commençant de plus en plus de rencontres dans la position d’avant-centre. La plupart du temps pour former un binôme, avec Quincy Promes ou Ryan Babel, mais aussi seul dans l’axe, comme ce jeudi face au Pérou. Une option payante, puisqu’il fut auteur d’un doublé ayant permis aux Pays-Bas de retrouver le chemin du succès (2-1). Ses dixième et onzième réalisations en 40 capes.
Presque une évidence
Lors de sa prise de fonction en mars, Ronald Koeman assurait que « Depay est un joueur qui peut apporter plus » . Le sélectionneur semble lui avoir donné les moyens de répondre à ses attentes, l’installant à la pointe de son attaque. Un nouveau costume qu’il avait pu essayer une paire de fois en club. À Lyon, les pépins physiques de Mariano Díaz et les réajustements tactiques l’ont conduit à endosser à plusieurs reprises ce rôle en fin de saison dernière. « Ça s’était décidé dans le sprint final, pour les dix derniers matchs de la saison, explique Gérald Baticle, entraîneur adjoint de l’OL. On a tout de suite vu son profil de buteur avec ses qualités de finisseur, ses frappes puissantes du pied droit et pied gauche, ses reprises de volée ou sa présence devant le but… Il les exploitait lorsqu’il jouait sur le côté, en rentrant souvent dans l’axe, mais on voulait lui permettre d’utiliser ses points forts en le mettant davantage dans des situations de but. »
Dès sa première sortie dans cette position, le Néerlandais a régalé, impliqué dans tous les buts de son équipe à Metz lors d’une victoire 5-0 (un but et quatre passes décisives). Une petite révélation dans les lignes offensives lyonnaises, puisque cette polyvalence a apporté de nouvelles solutions tactiques à Bruno Génésio, pouvant allègrement switcher entre son 4-4-2 losange et son 4-3-3. Dans l’axe, Memphis a pris une autre dimension : plus décisif (10 de ses 19 buts en Ligue 1 ont été inscrits dans le dernier tiers du championnat), plus collectif (7 de ses 13 passes décisives ont été réalisées sur cette même période) et forcément moins sollicité dans les tâches défensives. « Disons que, s’il s’oublie au repli, ça nuit moins à l’équilibre collectif que dans son couloir, reconnaît Gérald Baticle. Offensivement, il arrive à mettre plus de liant dans le jeu, peut évoluer dans la profondeur, décrocher dans une position de créateur, et ça ne l’empêche pas de demander dans les couloirs. » Ne manque plus qu’à travailler son jeu de tête, d’après le technicien, pour être vraiment complet.
Memphis pur jus
De là à le pousser à quitter définitivement son aile pour en faire un pur 9 ? Même si Mariano Díaz a entre-temps filé au Real Madrid, « ce n’est pas dit que Memphis fasse toute la saison dans l’axe, surtout si on veut jouer avec trois attaquants et Nabil Fekir en soutien, freine Baticle. Il y a d’autres joueurs qui peuvent y postuler, notamment Moussa Dembélé qui est arrivé la semaine dernière. » En attendant, c’est à ce poste qu’il devrait débuter contre la France ce dimanche. « On ne va vraisemblablement pas démonter la France, il faut être réaliste, avouait-il jeudi, dans un élan de lucidité. Affronter la France, c’est un gros défi pour nous. Mais on a pris de la confiance avec notre bonne deuxième mi-temps. » Face à la charnière Varane-Umtiti, le Néerlandais ne se démontera pas et aura à cœur de confirmer sa mue. C’est en tout cas le sens de l’avertissement de Gérald Baticle : « Si on le laisse évoluer sur ses points forts, il peut poser des problèmes à n’importe quel défenseur. Un peu d’espace pour placer une frappe, ça peut être une lucarne. » Histoire de marcher pleinement dans les traces de Wesley Sneijder.
Par Mathieu Rollinger
Propos de Gérald Baticle recueillis par MR.