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Melchie Dumornay : « Quand je loupe des buts faciles, ça me vénère ! »

Propos recueillis par Théo Juvenet, à Décines-Charpieu
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À 21 ans, Melchie Dumornay est titulaire indiscutable à l’OL, au milieu de Diani, Hegerberg, Horan et consorts. Étoile montante en Europe et idole nationale en Haïti, cette milieu de terrain reconvertie contre son gré en une attaquante avide de buts revient sur un parcours déjà bien rempli.

Melchie Dumornay : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Quand je loupe des buts faciles, ça me vénère !<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Salut Melchie. Internet n’arrive pas à se mettre d’accord sur ton nom : Melchie, Daëlle, Corventina… Comment faut-il t’appeler ?

Il faut m’appeler Melchie ! Ce sont les gens de mon pays qui m’appellent Corventina, ils m’ont connu très jeune avec ce surnom-là. Il vient de mon grand frère. Le sien, c’est « Corventon ». Quand je suis née, il a voulu aussi que je porte un petit surnom et il m’a appelé Corventina. C’est resté.

Tu affrontes ce mardi le Bayern Munich en quarts de finale allers de Ligue des champions, comment tu te sens avant ce choc ?

Je me sens très bien. J’enchaîne les matchs, donc je suis en confiance. Ça va être compliqué contre le Bayern, mais je travaille justement pour améliorer mes performances dans ces matchs-là.

En tout cas, tu as l’air en forme avec une place de deuxième meilleure buteuse en championnat (13 réalisations), avec souvent de très jolis buts.

J’ai bossé pour en arriver là, mais c’est surtout un travail d’équipe. J’ai toujours eu le soutien de mes coéquipières qui me donnent des bons ballons, que j’ai juste à pousser au fond. Je suis en confiance, mais je ne m’arrête pas là. Il y a des matchs où je me trouve peu efficace…

Peu efficace ? Tu es meilleure buteuse du club juste devant Kadidiatou Diani, quand même.

Quand on est à l’OL, on se doit toujours de faire plus, et moi, je ne me donne pas de limites. Quand je loupe des buts faciles, ça me vénère ! (Rires.)

Ça doit être fou d’avoir Diani, Chawinga, Horan, Hegerberg derrière soi. Comment tu gères ce statut de numéro 9 titulaire avec toutes ces stars autour ?

Je suis quelqu’un de très humble, je suis très contente de jouer avec ces filles-là. Je chéris chaque moment que je passe avec elles, et je prends leur avis pour progresser davantage, à un nouveau poste où je n’avais pas l’habitude de jouer, que j’apprends encore chaque jour. En fait, je suis 9, mais surtout un faux 9 qui vient participer au jeu.

J’ai reçu des critiques du genre “les filles ne doivent pas jouer au foot” et tout ça. Dès toute petite, j’aimais me mesurer aux plus grands et aux plus forts que moi.

Avant, tu jouais milieu, quelles sont les raisons de ce changement de poste ?

Ce n’est pas mon choix ! C’est celui du coach, il trouvait que mon profil convenait mieux à ce poste-là, comme j’aime bien décrocher et contribuer au jeu, j’ai aussi cette capacité à aller vite. Mais je préfère quand même jouer au milieu. (Rires.) Je préfère être face au jeu, où j’ai beaucoup plus le ballon.

À l’OL, qui t’a pris sous son aile ?

C’est Wendie (Renard) ! Ada (Hegerberg) aussi. Quand j’ai changé de poste, je demandais beaucoup de conseils pour savoir comment évoluer dans ce rôle et elles ont été très ouvertes pour régler des trucs qui ont grave fait la différence sur le terrain. Comme dans les déplacements, les petits appuis avant de frapper, fixer la défense, jouer dos au jeu… Je commence à aimer un peu plus ce poste.

Revenons à tes origines, tu es née à Mirebalais, à Haïti. Comment le foot est arrivé dans ta vie d’enfant ?

Le football est venu à moi naturellement, c’est un don de Dieu, et je le remercie pour ça. J’ai grandi avec beaucoup plus de garçons. Quand ils faisaient du foot dans le quartier, ça m’intéressait, donc j’ai joué avec eux. J’ai vu que j’étais douée… J’ai reçu des critiques du genre « les filles ne doivent pas jouer au foot » et tout ça. Ça n’a pas été traumatisant pour moi parce que j’étais forte. Dès toute petite, j’aimais me mesurer aux plus grands et aux plus forts que moi.

T’étais la plus forte ?

Je faisais partie des meilleurs ! (Rires.)

À 14 ans, tu bouges dans la capitale Port-au-Prince pour rejoindre l’AS Tigresses, où tu deviens meilleure joueuse du championnat un an après. Parle-nous de cette folle ascension.

J’ai choisi de jouer pour l’AS Tigresses parce que c’était le meilleur club en Haïti. Ma première année, je suis meilleure joueuse, meilleure buteuse, et on a gagné le trophée. Ça m’a beaucoup marqué. On a eu moins de réussite par la suite parce que beaucoup de joueuses partaient vers d’autres opportunités ailleurs. C’était aussi mon rêve, j’attendais impatiemment, mais je continuais à m’entraîner dur pour progresser là-bas.

Je me rappelle pendant mon essai à l’OL, il y avait Wendie (Renard), Eugénie (Le Sommer) qui voulaient me mettre à l’aise. J’ai côtoyé aussi Selma (Bacha), mais j’étais trop timide pour l’aborder.

Quand on débute à 15 ans, ça ressemble à quoi un match en seniors ?

J’étais timide. On était avec deux trois joueuses de mon âge, on était les gamines du groupe. (Rires.) Au début, c’était compliqué de jouer notre jeu et de nous exprimer librement. Après, on a été mises à l’aise et on a pu développer notre jeu. Et avec les équipes qu’on jouait, on était forcément au-dessus, ça facilitait le passage de cette étape.

Puis tu t’envoles vers la France et le Stade de Reims. Comment tu as vécu ce changement brutal de culture ?

Ça n’a pas été facile, mais j’ai toujours voulu lancer ma carrière professionnelle en France. Reims était l’équipe qui me proposait le plan de jeu le plus intéressant, avec le temps de jeu qui va avec. Je suis très reconnaissante envers mon entraîneuse Amandine Miquel. On a eu des hauts et des bas. Je me rappelle qu’on avait failli éliminer l’OL en coupe (rires), et quelques années plus tard, ça a fini par arriver malheureusement (les Rémoises ont sorti Lyon en janvier dernier, NDLR). Reims m’a beaucoup apporté, j’ai développé des facultés que j’ignorais avoir. Par exemple, je ne savais pas que j’étais aussi rapide. J’ai beaucoup progressé dans le positionnement sur le terrain, dans la vision, sans que cela n’affecte mon style de jeu.

 

T’avais fait un essai à Lyon en 2018 qui n’avait pas pu se concrétiser en raison de ton âge. C’est une belle revanche d’avoir signé ici cinq ans après…

Je me suis dit : « Enfin ! » J’ai toujours suivi ce club après ce test, je voulais rester. Je me rappelle pendant mon essai, il y avait Wendie (Renard), Eugénie (Le Sommer) qui voulaient me mettre à l’aise. J’ai côtoyé aussi Selma (Bacha), mais j’étais trop timide pour l’aborder. Je connaissais toutes les joueuses. Quand j’ai signé ici, j’étais heureuse de faire enfin partie de cette belle famille.

Et Lyon en tant que ville, tu kiffes ?

Oui ! Je suis encore en découverte parce que je suis très casanière. Dès que j’ai l’opportunité, je visite des endroits sympas. J’adore les bords du Rhône, le parc de la Tête-d’Or et l’endroit pour voir toute la ville… Fourvière ! Mais le meilleur endroit où j’aime aller, ça reste chez moi.

Tu t’es mise à la photo pendant une longue blessure. T’en fais toujours ?

Malheureusement non, je donne la priorité au football. J’en fais quand l’envie me prend. L’ennui pendant ma blessure m’a poussé à acheter l’appareil. Mais ce qui m’a le plus marqué, c’est de voir le sourire des gens qui m’entourent sur les photos. Puis les compliments que j’ai après me poussent à continuer !

En Europe, les gens te découvrent, mais en Haïti, t’es une star : joueuse CONCACAF de l’année 2024 et avec le record de buts. Comment tu gères tout ça à ton âge ?

J’essaie de garder la tête sur les épaules. J’ai toujours cette image de ma mère qui me dit de me rappeler d’où je viens. Les gens sont fiers de savoir qu’une Haïtienne est à ce niveau. Ça fait plaisir de donner de la joie et de l’espoir aux jeunes qui sont dans le pays.

Il y a en tout cas une vraie génération dorée : dans le dernier onze face au Maroc, vous êtes 5 joueuses de D1 française et 2 du championnat américain.

On est sur une voie de développement, l’équipe nationale va continuer à progresser. Avant, il n’y avait que Nérilia Mondésir, notre capitaine, qui jouait à l’étranger. Ça a commencé à se développer grâce à elle. Les gens ont ensuite voulu connaître d’autres Haïtiennes, jusqu’à nos centres de formation. Mais la situation politique du pays bloque ce système. Celles qui jouent en Haïti peuvent s’entraîner avec des coachs et des préparateurs physiques. C’est un risque qu’elles prennent de jouer. Quand on n’est pas dans le pays, on a un peu plus de libertés.

Haïti ? J’aimerais bien y retourner. Ça fait quatre ans que je n’y suis pas allée. Malheureusement, la situation du pays ne le permet pas trop.

T’as qualifié ton pays pour le premier Mondial de son histoire avec un doublé, raconte-nous ce moment inoubliable.

Déjà, on devait se qualifier sans passer par les barrages, mais on a été trop naïves dans les phases décisives. On devait jouer le Chili, tout le monde était au taquet. On jouait aussi contre une très grande gardienne (Christiane Endler, sa coéquipière à l’OL, NDLR) qui a déjà été la meilleure du monde à son poste… Je me demandais comment j’allais faire pour marquer. (Rires.) On s’est données à fond sur ce match, et après, j’étais dans les bons moments, au bon endroit, j’ai fait le geste qu’il fallait et j’ai mis un doublé. Une fois que c’était fait, on était très heureuses. Et la Coupe du monde, je l’ai vécue… bien ! On n’a pas pu aller plus loin que la phase de poules, donc on travaille d’arrache-pied pour se qualifier pour un autre Mondial et faire encore mieux.

Quel impact a eu cette équipe sur les Haïtiens et Haïtiennes, étant donné ce contexte (le pays n’a plus de président depuis un an, NDLR) ?

Que du positif. On voit que les Haïtiens se donnent les moyens de regarder nos matchs et ils sont fiers ! Pendant la Coupe du monde, il y a même des supporters qui ont fait le voyage jusqu’en Australie. On sait que des gens sont sortis de chez eux pour fêter ça à distance avec nous, avec beaucoup de messages positifs en nous disant qu’on avait fait un bon boulot. Déjà, la qualification représentait beaucoup pour eux. On a hâte de leur redonner encore ce sourire. Haïti ? J’aimerais bien y retourner. Ça fait quatre ans que je n’y suis pas allée. Malheureusement, la situation du pays ne le permet pas trop.

Dans la fédération de foot aussi, ça a été compliqué, avec le président Yves-Jean Bart, banni du foot en 2020 par la FIFA pour agression sexuelle sur des joueuses mineures. Comment ça a été vécu en interne et est-ce que tu connaissais des potentielles victimes ?

Non, il n’y a jamais eu de victimes dans mon entourage. On l’a très mal vécu, c’était notre président à l’époque et ça nous a donné un coup au moral. De l’extérieur, on le voyait en faveur du foot féminin, en faveur de son développement. Je ne veux pas porter de jugement sur le oui ou non de « est-ce qu’il a fait ça ». Ce n’est pas à moi de le faire.

Pour finir sur une note plus douce sur Haïti, c’est quoi le lieu que tu ferais visiter là-bas ?

Il y a plein d’endroits jolis en Haïti que je n’ai pas pu visiter parce que j’étais avec une maman poule et dans un centre de formation très strict, mais… (Elle réfléchit plusieurs secondes.) C’est difficile hein, en fait il y en a trois dans ma tête. Cap-Haïtien, là où notre histoire s’est basée, chez moi à Mirebalais et la ville de Jacmel.

Qu’est-ce qu’on te souhaite pour la suite ?

Plein de trophées ! Et surtout… pas de blessures. (Rires.)

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Propos recueillis par Théo Juvenet, à Décines-Charpieu

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