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Mehdi YZ : « Si un joueur ne respecte pas Marseille, Marseille lui fera payer »
À 28 ans, le rappeur marseillais Mehdi YZ sort Les Affamés, son troisième projet. L'occasion pour cet abonné du Vélodrome de raconter sa passion pour l'OM, ses déplacements rocambolesques à Turin ou à Nice et les raisons pour lesquelles certains joueurs marseillais se font cambrioler.
À quand remontent tes premiers souvenirs de foot ?Le premier joueur qui m’a marqué, c’est Samir Nasri. Là où j’habitais, dans le 5e arrondissement de Marseille, on s’identifiait tous à lui. J’avais acheté ses crampons qui coûtaient vraiment cher, les premiers F50 d’Adidas, en rouge, dans une boutique emblématique de Marseille qui s’appelait L’Univers du foot. J’étais trop content. À l’époque, Nasri, c’était quelqu’un dans les quartiers nord. Il était comme nous et il a tout cassé avec l’OM.
Tu as joué au foot en club ?Oui, je suis passé par Château-Gombert dans le 13e et l’Entente UGA Ardziv, un club d’Arméniens. Mon plus beau match, c’était contre Félix-Pyat, en benjamins. J’avais mis 8 buts. Si mon père n’avait pas été déterminé, on ne serait jamais sorti du stade. Les autres sont tous restés bloqués à l’intérieur. J’ai toujours été fan de l’OM. Quand il y avait Ribéry, Drogba, Batlles qui mettait toujours les plus beaux buts de la saison, Marlet, Niang, Barthez, Carrasso… Y en a eu, hein !
À Marseille, on doit obligatoirement être fan de l’OM ?C’est obligé ! Chacun aime le foot à un degré différent, mais tout le monde est passionné par l’OM.
Il n’y a aucun Marseillais supporter du PSG, depuis qu’ils attirent toutes ces stars ?Il doit y en avoir un ou deux, mais ils ont mal à la tête, il faut leur donner du Doliprane. Quand tu es marseillais, tu es obligé d’aimer l’OM.
Tu vas au stade ?Je vais régulièrement voir des matchs au Vélodrome, je suis abonné. J’avais aussi fait un déplacement avec les MTP (Marseille Trop Puissant). Ils m’ont accueilli avec mon ami Toufik et nous ont proposé de venir avec eux à Nice, et comme par hasard, ça a été le match le plus bizarre de la saison, avec l’histoire des jets de bouteilles. On était 500 Marseillais, d’après Toufik, mais les Niçois ont quand même essayé de rentrer dans notre tribune. Ils étaient à deux doigts de réussir, heureusement qu’il y avait les CRS, sinon ça allait être l’embrouille du siècle. On était chauds. Mais finalement, c’est un bon souvenir. C’est le foot, c’est comme ça, il y a de l’action ! Contre Nice, il y a toujours eu de petits affrontement entre supporters, mais ça va, ça reste bon enfant. À ma connaissance, il n’y a jamais eu de morts et c’est tant mieux.
Tu dirais que ces incidents font partie du folklore, ou qu’il faut les éradiquer ?Il n’y a personne qui nous aime, nous les Marseillais. Et ça tombe bien, parce qu’on aime personne. Donc il y a de la tension à chaque match. Il n’y a aucune équipe en France qui nous kiffe. Aucune ! On est les mal aimés, c’est comme ça.
Qu’est-ce que tu penses de l’équipe marseillaise actuelle ?Ces quatre dernières années, on est au top. On est bien, en haut du classement de Ligue 1. En Ligue des champions, on est éliminés, mais je crois que Tudor est un peu dingue. Apparemment, il s’est embrouillé avec Payet, c’est ce qu’on m’a raconté au Burger Coffee, le bar d’un collègue. C’est dommage, s’il l’avait fait entrer contre Tottenham, on aurait peut-être eu une chance. J’ai la haine, un peu.
Dimitri Payet est le joueur emblématique de l’OM, aujourd’hui ?Pour certains peut-être, pour moi non. Pour moi, ça se joue entre Guendouzi et Ünder. Mon préféré c’est Harit, mais il est blessé jusqu’à la fin de la saison. C’est dommage, c’est notre petit Ben Arfa.
Matteo Guendouzi est typiquement le joueur que tu adores s’il est dans ton équipe, mais que tous les supporters des autres équipes adorent détester, non ?Ouais, parce qu’il a le sang chaud. Il est toujours en feu, il a la mentalité pour l’OM. Ça se voit qu’il n’est pas là pour le salaire, qu’il ne veut que du bien pour l’OM. Quand tu es nerveux et franc, tu as des problèmes.
Tu te reconnais dans ce caractère ?Parfois.
En octobre 2021, tu as été accusé d’avoir volé un maillot que Jules Koundé avait offert à un supporter dans les tribunes du Juventus Stadium, lors du match de Ligue des nations face à la Belgique. Qu’est-ce qu’il s’est passé exactement ?Je suis allé voir ce match avec trois gars tranquilles, des mecs honnêtes, pas des fous. On n’avait rien d’autre à faire. L’un d’eux avait des amis sur place, dont l’un aimait trop le foot et voulait absolument ce maillot. Apparemment, il s’est battu pour l’obtenir, et ensuite, il y a eu un attroupement. Mais je n’ai pas tout de suite compris parce que je ne faisais pas attention à ça. Après, on a fait une photo de groupe entre Marseillais pour rendre hommage à Clément, un supporter marseillais mort en déplacement. Et comme on était tous les deux sur la photo, les gens ont cru qu’on était amis. J’étais au mauvais endroit, au mauvais moment.
Comment tu as fait pour récupérer ce maillot par la suite ?À Marseille, notre ami commun a contacté le détenteur du maillot de Koundé, qui n’a pas hésité à le rendre. On est retourné en Italie pour la finale de la Ligue des nations, qu’on n’a même pas vue, et on a rendu le maillot à son propriétaire.
Tu as eu peur que cette péripétie nuise à ta carrière ?Non, le bon Dieu fait bien les choses. Si j’avais mérité que tout le monde soit contre moi, ce serait arrivé, mais je n’avais rien à voir, je ne suis pas un voleur de maillots.
Qu’est-ce que tu penses de Pablo Longoria, qui a l’air de sincèrement aimer le football ?On aura toujours un truc à reprocher à un président, mais il est bon, lui. Il me fait penser à Toto Riina (un des membres les plus influents de Cosa Nostra, décédé en 2017, NDLR), je l’aime bien. Il est très intelligent et très calme. C’est rassurant. Il connaît le foot. Après, je ne sais pas comment il est dans le vestiaire, comment il parle aux joueurs.
Que faudrait-il pour que l’OM retrouve son lustre d’antan ?Il nous manque deux vaillants dans l’équipe. Un bon capitaine et quelqu’un qui a vécu beaucoup de vrais matchs, qui connaît la Ligue des champions, qui a joué dans de grosses équipes. Plutôt un défenseur.
Pau Lopez dans les buts, cela te convient ?Au début, je ne l’aimais pas, mais plus le temps passe, plus je l’apprécie. Il est bon sur sa ligne, il relance proprement, je n’ai pas grand-chose à lui reprocher finalement.
En dehors de l’aspect financier, c’est primordial pour l’OM de se qualifier tous les ans pour la Ligue des champions ?On ne mérite que ça. Les coupes en dessous, les lots de consolation, ce n’est pas pour nous. Cette année, cela a été un échec, mais ce n’est pas grave parce qu’ils nous ont fait rêver au début, contrairement aux saisons précédentes. Je supporte l’Algérie autant que l’OM, deux équipes qui n’ont pas de chance. Pour gagner des titres, on doit se battre plus que les autres.
Se battre sans cesse contre l’adversité, c’est ce qui fait l’ADN de la sélection algérienne comme de l’OM ?C’est sûr, mais quand on se fait éclater, on a les nerfs. Ce qui est dommage avec Marseille, c’est que c’est un gros club qui ne fait pas de gros résultats.
Tu réponds quoi aux gens qui soutiennent que Marseille n’est pas le plus grand club français ?Ils ne connaissent rien au foot. Même si je n’aimais pas l’OM, parlons chiffres : si elle a bientôt 30 ans, on est les seuls en France à avoir l’étoile. On nous dit qu’on l’a gagnée il y a 10 000 ans. Peut-être, mais en attendant, personne en France ne l’a gagnée depuis. Et c’est le club le plus populaire, malgré le PSG et son équipe trafiquée. Si le Qatar avait acheté l’OM, ça aurait pas été la même…
Qu’est-ce que tu reproches au PSG ?Ils ont eu de la chance d’être rachetés, mais je pense que même eux sont un peu dégoûtés, parce que c’est nul. Ils gagnent tout en France, il n’y a pas de suspense, donc moins d’engouement en Ligue 1. C’est un peu de la triche. Et en Europe, ils ne font rien parce qu’on leur met trop l’œil. On ne les laissera pas gagner. Le PSG, c’est une téléréalité. Ils ne devraient pas jouer au foot, tous ces gens-là.
Pourtant, en ce moment ce sont les Marseillais les stars de la téléréalité…Nous, on a encore la ferveur. À chaque match, on a la boule au ventre, même pendant les matchs pourris qui ne servent à rien. Quand il y a un but, ça saute, c’est le bordel, ça vibre. Moi, la dernière émission de télé réalité que j’ai regardée, c’était Secret Story. C’était de la bombe, avec une Marseillaise qui avaient gagné il me semble. Émilie, contre l’autre qui ressemblait au gars de la pub pour la Freebox. À Marseille, ce qui est bien par rapport à Paris, c’est aussi que tu peux croiser les joueurs en ville, dans une épicerie ou n’importe où. Tandis qu’à Paris, il faut aller dans des restaurants à 1500 euros l’addition pour croiser des joueurs. Les joueurs de Marseille, on sait où ils habitent…
C’est pour cela qu’il y a souvent des cambriolages ?Ils se font cambrioler quand ils sont en désaccord avec certaines personnes. Ce n’est pas gratuit. Par exemple, si une recrue est trop arrogante, ou qu’elle rate tout alors qu’on attendait beaucoup d’elle, elle va se faire cambrioler. C’est inévitable. S’il ne respecte pas la ville, la ville va lui faire payer. S’il joue bien et qu’il est respectueux, il sera en sécurité. Les mafieux le protégeront. Mais s’il se manque, il n’aura plus de protection. Et là, il faudra qu’il parte vite, comme cet enfoiré d’Évra.
Propos recueillis par Mathias Edwards