- Ligue 2
- J33
- VA-Béziers (5-6)
Mehdi Mostefa : « À 5-3, on a pas sombré »
Mehdi Mostefa pourra se vanter d'avoir participé, le samedi 19 avril 2019, au match de Ligue 2 le plus prolifique de l'histoire. Son équipe, Béziers, s'est imposée sur le score fou de 6-5 au Hainaut et a pu faire le plein de confiance pour les cinq dernières journées de championnat. Et pourquoi pas rêver au maintien, tiens.
Comment se sent-on en débriefant un tel succès lorsqu’on a huit heures de train devant soi ? On n’a pas vraiment l’habitude de voir des équipes pros faire ce type de trajet. Ça t’était déjà arrivé ?Même pour aller jusqu’à Valenciennes, on avait dû faire un peu de chemin. On est parti de Béziers en bus jusqu’à Montpellier, et on a eu de la chance d’avoir un direct même s’il a eu un peu de retard.
On a mangé à 21h30 et au même moment, Raspentino, avec qui je discutais, était déjà couché les jambes en l’air. On en a rigolé parce que lui aussi a déjà connu ce cas de figure, mais ça ressemblait déjà un peu à une mission pour nous. Faire huit heures de train au retour, c’est rare. Je n’aime pas me plaindre, je le fais rarement. Mais dans le train à l’aller, j’avais l’impression qu’on n’allait jamais arrivé. Le retour était évidemment plus facile à gérer, avec cette victoire à la clef.
D’une certaine façon, vous avez écrit l’histoire hier soir avec Valenciennes en offrant le match le plus prolifique de Ligue 2. Vous vous rendiez compte sur le terrain que ce n’était pas une rencontre comme les autres ?On se doutait que ça pouvait se dérouler de la sorte, car Valenciennes est une équipe extrêmement offensive. Dès le début, quand j’ai vu 1-1, 2-2, je sentais que ça pouvait partir dans tous les sens. Après, en tant que défenseur, ça ne fait pas forcément plaisir.
Mais dans notre situation, on est très content de cette victoire qui peut donner de la confiance à nos attaquants qui n’en ont pas toujours beaucoup eu cette saison. Là où je suis satisfait, c’est qu’on a réussi à produire du jeu, qu’on a essayé de repartir de derrière. Et à 5-3, on n’a pas sombré. On s’est révolté.
Lorsque Raspentino redonne deux buts d’avance à VA à quinze minutes de la fin, qu’est-ce que vous vous dites ?Il y a eu un moment de flottement. Mon premier réflexe, ça a été de regarder le chrono. Et c’est vrai que lorsque j’ai vu « 74-75 » , je me suis dit intérieurement que ça allait être chaud. On a été deux-trois à haranguer les autres, à rabâcher que ce n’était pas fini et qu’il fallait y croire jusqu’au bout. On a senti qu’il y avait moyen de le faire.
Contrairement à la plupart de tes coéquipiers, tu as connu la Ligue 1 et même le niveau international avec l’Algérie. Un niveau d’exigence plus élevé. De quelle façon, lorsqu’on a ton vécu, arrive t-on à transmettre tout ça aux autres ?
J’ai déjà connu le maintien avec Ajaccio, notamment une année où on s’était maintenu lors de la dernière journée à Toulouse qui avait une grosse équipe. Aujourd’hui, il y a en plus une chance avec les barrages donc il ne faut vraiment rien lâcher jusqu’au bout. On a redonné de l’espoir à toute une ville, avec cette victoire à Valenciennes.
Aujourd’hui, tu es capitaine de Béziers. Est-ce que tu aurais pensé un jour être à cette place, lorsque ton contrat avec Bastia s’est terminé en 2017 ?Non. J’avais encore un an de contrat et renégociable avec Bastia. J’avais 31-32 ans, et cette histoire de déboires m’a mis un coup derrière la tête. Il a fallu rebondir, ça n’a pas été facile. Surtout que je suis parti à Chypre une année. Quand tu arrives à un certain âge, ce n’est pas facile de retrouver un club. Notamment en France. Tu disparais des radars pendant un an, les gens ne regardent pas le championnat chypriote donc ils ont des doutes sur ce qu’on fait, ce qu’on devient. Je vois la différence avec cette année, où je reçois beaucoup plus de coups de fil même si j’ai pris un an de plus.
C’est un problème très français de regarder l’âge d’un joueur ? Oui. J’avais des doutes sur cette théorie avant ces deux dernières années. Mais quand tu t’entraînes dur et que tu as une hygiène de vie très saine, les jambes suivent largement. Il faut essayer d’enlever ça des têtes des clubs et des entraîneurs. Car même si le mec ne va jouer qu’une vingtaine de matchs et pas 35, il tient aussi un peu le vestiaire et il sait comment gérer les moments difficiles.
Tu en as toujours besoin de ces mecs-là, même s’il faut bien évidemment le justifier sur le terrain.
Béziers est une ville de rugby, tu le ressens au quotidien ?On sent que le foot n’est pas le premier sport, bien sûr. Pour faire bouger les choses, il faudrait déjà que le club se pérennise en Ligue 2 et un petit peu de temps. Le rugby a la mainmise, et c’est normal. Mais je crois que les mentalités peuvent changer et accueillir le monde du foot, car il y a de quoi faire. Il y a de vrais passionnés. Pour ça, comme dans tous les clubs, il faut produire des bonnes années. Ça commence dès cette saison, avec un maintien à aller chercher. Ça pourrait pousser à amener encore plus de monde au stade, l’an prochain.
Il vous reste cinq matchs : trois à domicile et deux à l’extérieur. Qu’est-ce qu’il faut faire sur ces derniers matchs-là que vous n’avez pas assez fait le reste de l’année ? Il faut gagner à domicile, déjà. On ne l’a fait qu’une seule fois cette année (contre Auxerre lors de la 29e journée, N.D.L.R.) et pour se maintenir, ce n’est pas possible. Bon, du coup, j’aurais peut-être préféré en jouer trois à l’extérieur (Rires.) C’est cet état d’esprit de révolte, qu’on a montré lors du dernier quart d’heure à Valenciennes, qu’il va falloir afficher à chaque fois pendant 90 minutes. Il faut que tout le monde prenne conscience qu’on joue notre vie, notre carrière. C’est ce qu’on dit aux mecs avec deux-trois autres, et ils sont réceptifs : on a la chance de jouer en Ligue 2, il faut se battre pour la garder. Ça va être cinq finales.
Propos recueillis par Andrea Chazy