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Mehdi Abeid : « Je ne regrette jamais mes choix »
On peut être né en France, y avoir été formé avant de jouer cinq ans à l’étranger (Angleterre, Écosse, Grèce), découvrir la Ligue 1 à vingt-quatre ans à Dijon, et accessoirement porter le maillot de l’Algérie. Le milieu de terrain Mehdi Abeid, qui est devenu l'un des tauliers du DFCO en quelques semaines, le démontre.
Dijon est une équipe qui sait se faire remarquer : elle pose des problèmes aux gros, ses fins de match sont souvent animées, elle marque des buts, elle en encaisse beaucoup et elle joue plutôt bien. Et voilà l’OM qui se pointe…Nous sommes conscients qu’il faut prendre moins de buts. Si on doit en mettre trois à chaque fois pour récolter des points, ça va être difficile. Nos matchs sont souvent spectaculaires, c’est vrai. On peut marquer n’importe quand, mais on doit être plus concentrés défensivement. C’est comme cela que nous parviendrons à nous maintenir en Ligue 1.
Tu viens de passer deux saisons, dont la première en prêt, au Panathinaïkos Athènes, l’un des meilleurs clubs grecs, habitué des coupes européennes, avec une ferveur populaire énorme, et sans doute le salaire qui va avec. Et tu choisis Dijon, promu en Ligue 1, 19e budget et un stade de 10 000 places pour cause de travaux. Évidemment, on a envie de te demander pourquoi… (Il se marre) Moi, j’adore le foot.
Et mes choix ne sont pas guidés par l’aspect financier. Il me restait deux ans de contrat au Pana. J’avais un bon salaire, c’est vrai. Mais ce que je voulais, c’était jouer dans un championnat majeur. Me confronter à de grands joueurs, pour continuer à progresser. Je suis resté plusieurs années à Newcastle, mais j’ai disputé très peu de matchs en Premier League. Je voulais revenir en France. J’avais plusieurs touches et de bons échos sur Dijon. Je savais que le coach (Olivier Dall’Oglio, ndlr) avait une philosophie de jeu tournée vers l’offensive. Et que le DFCO est un club familial. D’ailleurs, j’ai été super bien accueilli, par tout le monde. De plus, la ville est belle, ma famille s’y sent bien. Je ne regrette pas.
Tu as quitté Lens, ton club formateur, à seulement dix-huit ans, pour signer à Newcastle. Avec le recul, ce n’était pas un peu tôt et donc risqué ?J’ai comme principe dans la vie de ne jamais regretter mes choix. Et ce départ à dix-huit ans, je l’assume. Je voulais partir en Angleterre. Je savais très bien que ce serait difficile d’avoir du temps de jeu au début. Que j’avais encore beaucoup à apprendre. Cela n’a pas été simple les premières semaines : un nouveau pays, une nouvelle culture, une nouvelle langue. Je parlais un peu anglais, mais à Newcastle, ils ont un accent assez prononcé. Mais dans l’effectif, il y avait quelques francophones comme Hatem Ben Arfa, Cheikh Tioté. Puis d’autres sont arrivés la même année que moi en 2011 : Demba Ba, Papiss Cissé, Sylvain Marveaux, Yohan Cabaye, Gabriel Obertan… Cela a facilité mon adaptation… Et les Anglais étaient sympas. Ils ont une approche du foot différente.
C’est-à-dire ?Les mises au vert sont rares. Ils ne sont pas très branchés diététique. À table, il y avait du ketchup et de la mayonnaise. Et des bonbons dans le vestiaire. Ils te responsabilisent beaucoup. Ce qui les intéresse, c’est que tu sois performant. Et ce que tu fais en dehors, à la limite, cela ne les regarde pas. Newcastle est une ville étudiante, très festive. Et cela m’est arrivé de sortir de temps en temps, comme tous les joueurs.
Mais tu ne jouais presque pas…Ah non… Je m’entraînais avec les pros. J’étais presque toujours dans le groupe pour les matchs, car en Angleterre, ils retiennent vingt joueurs, et dix-huit sont sur la feuille. J’étais souvent sur le banc, ou dans les tribunes. J’ai pu en voir, des matchs de Premier League ! Je jouais quelques matchs de Coupe, ou avec les jeunes. Mais à un moment donné, au bout de plusieurs mois sans beaucoup de temps de jeu, je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. Et on m’a proposé, au mercato hivernal de 2013, d’être prêté au FC Saint-Johnstone, en Écosse.
Là-bas, tu retrouves enfin les terrains.Oui. Cela m’a fait du bien. Bien sûr, le championnat écossais est moins relevé que la Premier League. Mais au moins, j’étais sur le terrain.
J’avais besoin de cela pour me jauger physiquement. En Écosse, le football est assez physique, plus haché qu’en France ou en Angleterre. Et mon jeu n’est pas vraiment basé dessus. J’ai pris de vrais tampons. Mais j’en ai mis aussi. Je ne suis resté que trois mois, mais j’ai appris. Et j’ai bien aimé l’Écosse. Le problème, c’est qu’en rentrant à Newcastle, mon temps de jeu n’a pas beaucoup augmenté. J’ai fait mon premier match en championnat lors de la saison 2013-2014. Contre Liverpool. Et puis, j’ai eu la proposition du Panathinaïkos.
Comment est-elle arrivée ?Un ancien défenseur grec de Newcastle, Nikos Dabizas (1998-2004) m’avait vu jouer à plusieurs reprises. Et il m’a dit que le Pana était intéressé par ma venue, sous forme de prêt. Cela m’a plu, même si je ne savais finalement pas grand-chose du championnat grec. Ni du pays. Mais le Pana, c’est un grand club, puissant et bien structuré. Je me souviens avoir marqué pour mon premier match. Je jouais très souvent, mais j’ai eu besoin d’un ou deux mois pour m’acclimater. Comme le prêt s’était bien passé et qu’à Newcastle, où la situation sportive était moins bonne qu’avant, j’étais loin d’être assuré d’avoir le même temps de jeu, j’ai été transféré au Pana, pour trois ans.
Pourtant, tu n’y es resté qu’une saison…Oui. J’ai bien aimé le championnat. Il y a de bonnes équipes, vraiment. On y pratique un football assez technique. Le pays est agréable, il y a du soleil, les gens sont passionnés. Même si le Pana est le grand rival de l’AEK Athènnes ou de l’Olympiakos, cela ne m’empêchait pas de voir en dehors des joueurs de ces clubs, comme Manuel Da Costa ou Rafik Djebbour. Mais le contexte est parfois lourd. Il y a une énorme pression populaire. Et de la violence dans les stades. J’ai assisté à des bagarres très violentes dans les tribunes, à des envahissements de terrain… Un jour, ma femme, qui m’attendait à la sortie des vestiaires, a été prise dans une bagarre, avec jets de pétards et de fumigènes en plus. Évidemment, cela ne donne pas envie à vos proches de revenir au stade.
As-tu ressenti les effets de la crise économique en Grèce ?Dans certains quartiers d’Athènes, oui. Il y avait des SDF, des personnes qui mendiaient, des magasins fermés. Mais à côté de cela, on voyait du monde dans les restaurants, dans les cafés.
Ton salaire tombait tous les mois ?Il y avait parfois des retards, mais j’ai toujours été payé. Non, vraiment, je voulais évoluer dans un championnat majeur. C’était ma priorité.
Dans un mois, la CAN va débuter, et sauf accident, tu devrais y participer. Parle-nous un peu de la situation de la sélection algérienne.
Ce n’est pas une période facile… C’est un peu compliqué, mais aujourd’hui, on a un nouveau coach. On va pouvoir travailler sereinement. Bien préparer la CAN, où nous voulons faire quelque chose. Et même si nous n’avons pris qu’un point en deux matchs, la qualification pour la Coupe du monde 2018 reste possible. Tu es toujours très pote avec Serge Aurier ?Ah oui ! On se connaît depuis Lens. On s’appelle souvent et on se voit à Paris quand c’est possible. C’est un super mec, sympa, qui aime rigoler.
Mais qui a fait pas mal parler de lui, ces derniers temps…Il est dans un club très médiatisé. Il faut donc faire plus attention à ce qu’il dit, à ce qu’il fait. Mais franchement, c’est quelqu’un de bien.
Il paraît que tu collectionnes les maillots ?J’en ai entre cent et deux cents. En fait, je ne demande pas des maillots comme ça. J’aime bien les échanger avec mes amis ou avec ceux contre qui je joue. Et j’ai ceux de Gerrard, Coutinho, Agüero, David Silva, Yaya Touré, des maillots grecs, français. Cela me fait une bonne collection.
Ta femme ne t’engueule pas en disant que ça prend trop de place dans les placards ?(Il se marre) Non, non. J’ai une petite salle qui est réservée pour ça…
Tous propos recueillis par Alexis Billebault, à Dijon