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Meghni, de Clairefontaine au futsal
1998, la France entière se découvre une passion pour le football grâce à deux coups de tête de ZZ. Mourad Meghni a 14 ans. Il est le phénomène de Clairefontaine. Sa timidité, ses dribbles chaloupés et ses origines algériennes le propulsent premier « nouveau Zidane » de l'ère Footix. Ce sera aussi le premier échec. Après avoir traîné sa réputation de croqueur en Italie, puis au Qatar, le Franco-Algérien de 30 ans est revenu en France retâter la gonfle en D3 de... futsal. Tout sauf un hasard pour un type qui n'a jamais cessé d'être en réalité un génial joueur de freestyle.
Dans l’après-midi du 2 janvier 2015, le Futsal Club de Champs révèle que Mourad Meghni, ancien prodige de Clairefontaine passé par la Lazio, fera crisser ses tennis sur les parquets du Champs pour le reste de la saison. Éloigné des radars foot depuis son départ à Umm Salal, au Qatar, en 2011, Mourad rejaillit telle une promesse oubliée. « Dans l’affaire, il n’y a eu aucun intermédiaire, rien. Et n’y voyez pas non plus un coup de pub ou marketing » , martèle Mokrane Attal, président du Futsal Club de Champs. Les genoux en vrac, usés par les chutes et rechutes à répétition, Mourad Meghni veut se laisser le temps. Le temps de réfléchir à un éventuel retour dans un club pro. Une Ligue 2, une Ligue 1 ? Le mec n’a que 30 ans. Malgré ses piges à Bologne, Sochaux, Rome et Doha, il a gardé une attache à Champs-sur-Marne. Avant de s’éreinter sur les géants rectangles de pelouse, c’est là-bas qu’il a flirté avec ses premiers ballons.
Le futsal, il l’a toujours gardé dans un coin de sa tête. « Son fils joue chez nous. Il vit ici d’ailleurs. Donc parfois quand il venait le voir, il passait de temps en temps donner un coup de main. Puis Champs est un club qui existe depuis 1997, il venait ici plus jeune taper la balle » , se souvient Mokrane. De transfert, il n’y en a pas eu. Son président réitère que son club reste une structure amateur. « Il était libre, il voulait se faire plaisir, et retrouver des sensations, tester ses genoux. Tout ça dans l’optique peut-être de retrouver l’élite. » En DHR, le futsal de Champs pointe à la troisième place et joue clairement la montée en Ligue 2. Mourad aura la chance d’intégrer l’actuelle meilleure attaque du championnat et jouer en famille, puisque son frère est coach adjoint. « La salle est juste à coté de chez lui. Il ne se prend pas la tête. Je pense aussi qu’il a gagné assez d’argent dans sa carrière » , précise son nouveau président.
Joueur anachronique
La passerelle entre le football et le futsal n’est pas inédite. Voilà quelques années déjà que quelques joueurs ont ouvert la voie. « Après Ben Yedder ou encore Moussa Sao du Havre, nous, on expérimente le chemin inverse » , fait remarquer Mokrane. « Personnellement, je préfère un enfant qui, à 12-13 ans, possède une formation futsal, que football. Regarde Ronaldo, Ronaldinho, ils sont tous passés par là. » Mourad Meghni en fait partie. C’est ça qui lui a procuré cette technique balle au pied. Insuffisante néanmoins pour le très haut niveau où son physique l’a souvent lâché telle une charpente grinçante un jour de typhon aux Philippines. Dominique Bijotat l’a fait venir en prêt à Sochaux pour le relancer le temps d’une vingtaine de matchs. En 16 rencontres de Ligue 1 sous ses ordres, Meghni ne plantera pas un pion, trahi par une époque où la force et la puissance priment sur la beauté du geste. « Il est arrivé à une période pas facile où les joueurs faisaient davantage usage de leur force… » , plaide l’ancien éphémère coach sochalien. « Quand il faisait un bon match, pour les gens c’était normal, et quand il décevait, il croulait sous les critiques » , se souvient son ancien mentor.
« Meghni mériterait le Real Madrid »
Souvent blessé, la Franche-Comté ne gardera pas un souvenir carte postale du Zidane 2.0. « Ses pépins physiques récurrents ont caché un mal être général. Moi, je pense que beaucoup de ses blessures l’arrangeaient. Il a du mal avec la pression. Mourad, c’est un garçon endurant, pas fragile du tout, réservé, timide et surtout très sérieux. » Peut-être a-t-il dû manquer de caractère face aux vagues excessives de louanges. « Moi, je l’avais redescendu en milieu relayeur. Je le trouvais pas assez vif pour jouer en dix. Son potentiel de base a sans doute mal été évalué. Mais ça reste un joueur incroyable dans le dribble et les petits espaces. » Hameur Bouazza, ancien coéquipier en sélection nationale, n’est pas de cet avis. Pour lui, « Meghni mériterait le Real Madrid » . « C’est triste de le voir à ce niveau. Moi, je me souviens, la première fois que je l’ai rencontré à un rassemblement de l’équipe nationale, je me suis dit : « Mais qu’est-ce qu’il fout là ? »C’est comme si Zidane jouait pour l’Algérie. Techniquement, c’est très fort. C’est, pour moi, le meilleur joueur algérien du XXIe siècle. » Le compteur de Mourad reste pourtant bloqué à 9 petites sélections. Pour l’ancien ailier gauche de Milwall, son pote n’aura pas fléchi sous la pression, et ses multiples blessures seraient simplement musculaires. Le cas divise toujours.
Par Quentin Müller