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Medioub : « Tbilissi, c’est le meilleur choix de ma carrière »
Le défenseur franco-algéro-tunisien du Dinamo Tblissi vit enfin une expérience apaisée au Dinamo Tblissi, en Géorgie. Né à Marseille, Abdel Jalil Medioub (21 ans) a écumé les clubs de la cité phocéenne, dont l’OM, et connu pas mal de galères en Espagne, dans les divisions inférieures. Et si le Caucase était en passe de devenir son tremplin ?
Parlons factuel : le Dinamo Tblissi a remporté le match aller en Azerbaïdjan contre Qabala (2-0), et semble bien parti pour se qualifier. Quelles sont les ambitions européennes du club ?On a déjà éliminé les Andorrans d’Engordany (6-0, 1-0). J’avais d’ailleurs marqué le but à Andorre, mon premier en Coupe d’Europe… Si on passe contre Qabala, on jouera contre le Feyenoord Rotterdam, un gros morceau. On veut aller le plus loin possible, même si on sait que les Néerlandais seront favoris. De plus, le championnat de Géorgie reprend dimanche. On devrait jouer tous les trois jours, tant que nous serons qualifiés en Europa League… Mais si je suis venu en Géorgie, c’était aussi pour découvrir ça…
Justement, comment passe-t-on de l’Espagne à la Géorgie ?
Je suis prêté par Grenade, avec qui je suis sous contrat jusqu’au 30 juin 2020. Mon prêt au Dinamo s’achèvera en décembre prochain. Comment je suis arrivé en Géorgie ? Comme je ne jouais pas avec l’équipe B de Grenade, j’ai réfléchi à un plan B. Je connais une personne qui est proche du coach espagnol de Tblissi, Felix Vicente. Elle m’a dit que je pourrais l’intéresser. La Géorgie, je ne savais pas trop quoi en penser. C’est loin, ce n’est pas un championnat dont on parle. Mais j’ai réfléchi, discuté avec ma famille. J’ai un petit garçon de 3 ans et demi, je suis séparé de sa maman : il fallait tenir compte de tout cela. Mais j’ai pris mon courage à deux mains, et j’y suis allé. Aujourd’hui, je peux affirmer que c’est la meilleure décision de ma carrière.
Pourquoi ?Déjà, je joue très souvent. Je progresse beaucoup avec mon coach, le meilleur que j’ai eu jusqu’à maintenant. Et puis, je joue pour le meilleur club géorgien, un club qui a aussi un palmarès du temps de l’URSS (le Dinamo a remporté la Coupe des Coupes en 1981, ndlr). Ici, on nous rappelle souvent ce que représente le Dinamo. Il y a une pression assez importante, même si les supporters sont déçus par les résultats des dernières années, puisque le titre lui échappe depuis trois ans. C’est un club qui a des moyens assez importants, un peu moins depuis un ou deux ans d’après ce que j’ai compris.
Tblissi est une ville décrite comme très méridionale. Raconte-nous un peu ton adaptation ?
Franchement, relativement facile. J’ai été super bien accueilli. Il y a des Espagnols dans l’effectif, en plus du coach, et c’est une langue que je maîtrise parfaitement, et il y a aussi un Sénégalais, Arfang Daffé. Je parle anglais, comme pas mal de Géorgiens, et je suis capable de prononcer quelques phrases en russe. Mes coéquipiers géorgiens se marrent quand ils m’entendent parler russe, avec mon accent marseillais. Tu vois quand même que c’est un gros club, bien structuré. On m’a mis un appartement à disposition. J’aurais pu avoir une voiture, mais je n’ai pas le permis. Pour me déplacer, je prends souvent le taxi, qui ne sont pas chers. Et c’est vrai que Tblissi est une ville très agréable à vivre. Elle est belle. Il m’arrive d’aller me perdre dans le vieux Tblissi. C’est une ville festive, très sûre, propre. Ça me change un peu de Marseille (rires). Moi, je ne sors pas trop, mais mes coéquipiers géorgiens m’ont sorti dans quelques restos sympas.
Tu as découvert la gastronomie locale ?Oui. C’est bon, mais pas pour les sportifs. C’est très riche. Du coup, je me rabats sur la bouffe italienne. En bas de chez moi, j’ai un restaurant italien, où je vais souvent. Et le pâtissier est français. J’arrive aussi à trouver des baguettes. Très important, pour un Français (rires). Comme je ne fais pas trop la cuisine, c’est pratique pour moi d’aller au restaurant. Et puis, ici, la vie n’est vraiment pas chère. On peut très bien manger pour 5 ou €. Un étoilé, tu vas payer peut-être 15 ou 20€ ! Le café, c’est entre 20 et 30 cent.
Et être joueur en Géorgie, est-ce rémunérateur ?
Pour les étrangers, les salaires vont d’un peu plus de 2000€ à 5000€. Moi, comme je suis jeune et que je n’ai encore rien fait dans le foot, je gagne environ 2500€, avec l’appartement payé. Et il y a les primes, 300€ pour une victoire en championnat par exemple. Et c’est un peu plus en Europa League. Avec ce salaire, les primes et les avantages, je vis comme un roi ici. L’aspect financier est une chose. J’ai un fils, donc il faut que je gagne ma vie. Mais si je suis performant, que je reviens en France, par exemple, en Ligue 2 ou en Ligue 1, je pourrai prétendre à un meilleur salaire. Pour l’instant, je suis ici, je suis très content et je progresse.
Quel est le niveau du championnat ?Techniquement, c’est plutôt d’un bon niveau. Mais il y a moins d’intensité qu’en France. Je pense que certains clubs ont le niveau L2. Et puis, le niveau du foot géorgien progresse. La sélection nationale obtient des résultats corrects, et en Coupes d’Europe, les clubs passent quelques tours. Cela attire le public. Il y a souvent du monde pour les matchs de la Géorgie. Pour le Dinamo, vu que les supporters sont un peu déçus, ils sont moins nombreux à venir.
Tu n’as que 21 ans, et déjà pas mal de clubs à ton CV. Dont plusieurs à Marseille…Oui. J’y suis né, dans le neuvième arrondissement. J’ai commencé à jouer au foot à trois ans, j’ai signé ma première licence à Bonneveine, puis à 8 ans, j’ai rejoint l’OM. J’y suis resté quatre ans, et je suis parti, de mon plein gré, au Pôle Espoirs à Aix-en-Provence. J’ai peut-être fait une erreur, car l’OM souhaitait que je reste. Je suis aussi passé par Air Bel, Burel, Martigues, et je suis revenu à l’OM, en DHR et U 17. On avait fait un tournoi à Lille, et lors d’un match, il y avait eu une bagarre générale. Tout le monde avait été viré, y compris le staff. J’ai aussi joué au SMUC et j’ai intégré la Nike Académie, jusqu’à ce que je fasse un essai à Grenade. J’ai signé là-bas, pour 100 € par mois. Nourri, logé… Enfin, avec quatre autres joueurs, dont un avait un chien… J’ai joué avec les U19, fait quelques entraînements avec les pros et la réserve. Comme c’était galère, après un essai à Wolverhampton, je suis rentré à Marseille, en septembre 2017, pour me rapprocher de mon fils.
Qu’y as-tu fait ?
J’ai été boulanger pendant une semaine. J’ai aussi travaillé avec mon père, qui est cariste… et ça n’a pas marché. J’ai alors eu un contact, à Avilès, en D4 espagnole. On me proposait 400€ par mois et un appartement, dans un quartier chaud de la ville. Sauf que j’ai appris que le club ne payait plus ses joueurs depuis trois mois. J’ai voulu aider un d’eux, un Ghanéen. Le club l’a su, et ils n’ont pas aimé. Je suis alors parti à Caceres, en D4. Là-bas, c’était 600€, plus un appartement. Mais j’habitais dans un village paumé, à 30 kilomètres. Et je ne joue qu’un seul match, contre Don Benito. A la fin de la saison, je quitte Caceres et je rentre à Marseille, dégoûté. Mais le coach de Don Benito me contacte et me propose un contrat à 700€, avec un logement et des primes. J’accepte, la saison démarre bien, jusqu’au jour où je me blesse au dos. Verdict : hernie discale, opération, et rééducation à Capbreton. A 19 ans… Je n’ai pas lâché et je suis retourné à Grenade, sans doute parce que je voulais prendre une revanche. Et finalement, ça n’a de nouveau pas fonctionné. C’est pour cela que j’ai demandé à être prêté à Tblissi, et j’ai vraiment eu raison de le faire.
Tu es né en France, ta mère est tunisienne, ton père moitié algérien moitié tunisien, et tu as choisi l’Algérie…Oui. J’ai déjà été retenu il y trois ans pour un stage avec les U20. J’espère l’être avec les U 23, en septembre, pour les matchs face au Ghana, en vue de la phase finale de la CAN de la catégorie. Car, au bout, il y a les jeux Olympiques…
Propos recueillis par Alexis Billebault