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Mediapro perd le signal
Définitivement dépossédé des droits TV de la Serie A sur la période 2018-2021 par la Ligue italienne de football, le diffuseur historique espagnol aux capitaux chinois a perdu gros. En partie à cause de ses faibles garanties financières, mais aussi parce qu’il a certainement grignoté un peu trop la place des diffuseurs historiques. Jamais bon signe alors que Mediapro vient d’acquérir les droits TV de la Ligue 1 pour la période 2020-2024.
Du bain à remous à la douche froide. En l’espace de trois mois, Mediapro et son fondateur Jaume Roures sont passés de rois du pétrole à simples pompistes dépendant du cours du baril. Pourtant, il ne faut pas oublier qu’en février dernier, en présentant une offre à sept chiffres pour s’attacher les droits de retransmission de la Serie A jusqu’en 2021, Mediapro avait mis tout le monde d’accord. Sauf que reléguer le duo Sky Sports-Mediaset (les diffuseurs actuels du championnat d’Italie) et leur offre de 200 millions d’euros inférieure au tapis ne se fait pas sans conséquences. Surtout que finalement, tout le monde en sort perdant. Ou presque.
Problèmes de gros billets et guéguerres entre diffuseurs
« Cette offre placerait Mediapro dans une position de monopole, en inhibant la liberté des autres opérateurs et en les forçant à payer davantage pour les services de télévision. » Lorsque le juge du tribunal de Milan, Claudio Marangoni, prononce ces quelques mots début mai, Mediapro subit alors son premier coup dur dans sa volonté d’expansion. Car entre son obtention des droits TV de la Serie A et son rachat le 16 février dernier par le groupe chinois Orient Hontai Capital à hauteur de 53,5%, tous les voyants étaient au vert. Histoire de se montrer convaincant et de prouver qu’il est un opérateur sérieux, Mediapro verse même en mars un acompte de 64 millions d’euros à la Ligue italienne quelques jours avant la commercialisation des différents lots. Ce qu’il ne sait pas, c’est que Sky Sports et Mediaset ne comptent pas en rester là, et que même au sein de la Ligue italienne de football, des doutes sur ses garanties bancaires existent. Le 9 mai 2018, après avoir saisi le tribunal de Milan, Sky est donc donné vainqueur dans son bras de fer avec Mediapro.
Conséquence : la Ligue annule, vingt jours après, le contrat de Mediapro en mettant officiellement en cause « des garanties financières insuffisantes » . Avec un genou à terre, Roures ne se laisse pas pour autant abattre et décide de tout tenter. Le 1er juin, le fondateur de Mediapro l’assure pourtant à l’AFP : les droits télé de la Serie A ne sont pas encore perdus. « Nous n’avons pas perdu les droits en Italie. On a un problème judiciaire que j’espère gagner le 7 juin et on nous a demandé des garanties sur lesquelles on est en train de travailler » , explique-t-il. Le 4 juin, près d’1,6 milliard d’euros de garanties sont présentées à l’instance italienne. 400 millions proviennent directement de la frange espagnole d’Imagina Media Audiovisual, alors que près d’1,2 milliard proviennent de fonds chinois. Le lendemain, à la suite d’une réunion exceptionnelle organisée à 8h30 du matin, le verdict tombe. Mediapro est hors jeu, le plan B qui annonce les négociations avec les autres diffuseurs est officiellement lancé. Quitte à peut-être ne pas avoir de diffuseur lors des premières journées de championnat, la Ligue italienne a lancé des négociations privées avec comme prix de départ… 1,1 milliard d’euros, soit 50 millions de plus que l’offre de Mediapro qui avait raflé la mise en février. Un prix probablement sur lequel personne ne va s’aligner, qui traduit plutôt une manœuvre de la Ligue pour « s’assurer » d’avoir les fonds. Selon la Gazzetta dello Sport, une offre Sky-Perform à hauteur de 950-970 millions d’euros est déjà dans les tiroirs.
Que va faire Canal + ?
Si le prix de 1,1 milliard d’euros a été fixé, c’est aussi parce que Mediapro a récupéré les droits de la Ligue 1 pour l’horizon 2020-2024 à cette somme. Président de la FIGC entre 2007 et 2014, Giancarlo Abete disait même sur la Rai lors de l’émission La Politica del pallone ceci : « Les droits TV du Calcio valent sans hésiter beaucoup plus que ceux du championnat de France. Notre championnat est plus important que le leur sur de nombreux aspects. » Si la justesse de cette sortie peut être remise en cause, le futur entre la LFP et Mediapro peut lui aussi poser question. Avec le lancement à venir d’une chaîne, promise par le groupe et qui aura de façon certaine huit des dix matchs lors de chaque journée (beIN récupérant les deux autres), quel espace sera donné à SFR et surtout Canal +, grand perdant de l’appel d’offre ? La Ligue avait alors expliqué que, contrairement à l’Italie, le contrat la liant avec Mediapro était inattaquable. Pourtant, selon L’Équipe, si le diffuseur historique de la Ligue 1 n’a pas saisi la justice, elle a néanmoins « confié l’étude du dossier à son service juridique » . D’ailleurs, comme le laissait entendre Hervé Mathoux dans un tweet : « Pour la suite, la partie n’est pas encore finie. » Le début d’un nouveau feuilleton ?
Merci pour vos très nombreux messages de soutien et d’amitié qui ns touchent , nous, rédaction foot et production de @SportAvecCanal .Ns serons tjrs là dans les 2 ans qui viennent pour vs faire vivre la @Ligue1Conforama. Pour la suite ,la partie n’est pas encore finie #confiants
— Hervé MATHOUX (@MathouxHerve) 30 mai 2018
Par Andrea Chazy