Pour commencer, tu peux nous dire où tu as regardé le match, hier ?
Je l’ai regardé avec mon père. Depuis le mondial 82, on se fait quasiment toutes les grosses rencontres ensemble, et parfois il y a même plus d’ambiance que dans un bar (rires).
Et qu’est-ce que tu en as pensé de ce match ?
On a l’impression qu’ils ont trouvé la formule, mais pour moi, il ne faut pas s’enflammer. Chaque match est une nouvelle aventure, il faut toujours repartir de zéro et se montrer méfiant. En France, on a tendance à vite s’emballer, à Klaxonner dans les rues, C’est un signe de joie et d’euphorie que je comprends, je suis d’ailleurs comme ça aussi (rires), mais normalement on devrait se contenir et n’envahir les Champs qu’à partir des quarts de finale. Je pense qu’il faut faire attention à ne pas se voir trop beau, trop vite.
Quel est le joueur qui te fait vibrer dans cette équipe ?
Personnellement, j’adore Benzema. Aujourd’hui, tu sens qu’il a pris en maturité et, pour moi, c’est le meilleur buteur du monde. Il a été malheureux un certain temps mais aujourd’hui il déploie ses ailes ! Après, Pogba a un vrai rôle de distributeur, et il a le potentiel d’un futur grand numéro 10 comme on en a besoin. Mais il ne faut pas oublier qu’une équipe c’est onze joueurs. Pour que ça fonctionne, il faut un esprit commun, une vraie synergie entre les joueurs, car sans ça une équipe ne peut pas avancer.
D’ailleurs, cette synergie dont tu parles, tu l’as vraiment ressentie, hier, contre les Suisses ?
Complètement ! En plus, la Suisse est une équipe difficile à jouer. En France, on a toujours eu ce problème de bien jouer contre les grosses équipes et moins bien contre celles considérées comme plus faibles. Et hier, justement, on a effacé ça. Hier, ils ont montré à tout le monde que l’envie et l’osmose faisaient partie de ce groupe. Je pense qu’il y a vraiment quelque chose de cool qui se passe en ce moment. Il faut y croire.
Mine de rien, hier, qui pouvait penser que les Bleus allaient en coller cinq à la Suisse ?
Quand on fait le match de préparation contre la Jamaïque, et qu’on leur en met huit, ça fait plaisir de se dire qu’on est capable d’en mettre huit contre des petites équipes. Mais après, on arrive à en mettre trois au Honduras qui est plus fort que la Jamaïque, et là on en met cinq à la Suisse qui elle-même est plus forte que le Honduras. Donc c’est rassurant, ça prouve que même quand ça monte en niveau, on est toujours là. Il faut qu’ils continuent avec cet état d’esprit, pour prouver que ça y est, c’est révolu l’époque de 2010 et tout ça, maintenant on est une autre équipe.
Qu’est-ce que tu penses de cette ferveur qui est en train de se créer autour de cette équipe ?
C’est normal. On a envie de revivre 1998, et en ce moment, tu sens vraiment qu’il est en train de se passer quelque chose avec un Didier Deschamps fort de cette expérience. Il sait ce qu’il fait, c’est sûr !
D’ailleurs, toi, tu dirais qu’il y a vraiment un effet Deschamps sur cette équipe ?
Didier Deschamps a fait partie du rouleau compresseur en 98, et il s’en souviendra toute sa vie. Aujourd’hui, il essaie de transmettre à cette jeune génération le comportement exemplaire et l’état d’esprit à adopter pour qu’une équipe soit unie telle une famille, car un collectif soudé existera toujours plus qu’une équipe de mecs talentueux qui ne peuvent pas se sentir. Regarde le Costa Rica, petite équipe de ce Mondial, et pourtant ils y arrivent. Tu les vois se réunir et même prier ensemble avant le match. Cette fraternité décuple leurs forces et confirme leur confiance entre eux. Pour en revenir aux Bleus, Deschamps arrive aujourd’hui avec cette philosophie qu’on avait perdue ces dernières années, et c’est ce qui pourra créer la différence et nous permettre de franchir les étapes sereinement une par une, peut-être même jusqu’à la coupe.
Il fait des choix payants, en plus, Didier. Notamment Sissoko dont la sélection était un peu contestée, et qui, hier, sort un gros match avec un but à la clef.
Je ne trouve pas ça étonnant. Pour faire un parallèle avec la comédie, un réalisateur préfère tourner avec un comédien moyen avec lequel il s’entend parfaitement bien, plutôt qu’avec un mec qui a eu quatre Césars, mais avec lequel il ne s’entend pas, parce que, justement, il n’arrivera pas à l’emmener là où il veut. S’il n’y a pas feeling, tu ne peux pas sortir le meilleur de la personne. Finalement, c’est une question de confiance réciproque.
Tu sens qu’il y a vraiment la possibilité de faire quelque chose dans cette Coupe du monde ?
Pour moi, il y a beaucoup d’équipes qui doivent se dire qu’elles peuvent aller loin. Honnêtement, si j’étais costaricien, je me dirais aussi qu’il y a moyen de faire quelque chose, après ces deux matchs. Mais, oui, en tant que Français, j’ai envie d’y croire. Même s’il faut garder les pieds sur terre, on n’était pas dans la poule de l’Argentine, l’Italie ou l’Angleterre. Il y a encore du lourd derrière, quand tu vois les Pays-Bas, l’Allemagne, faut se calmer (rires). Il faut garder cet espoir au fond de nous, c’est clair, et surtout ne pas s’enflammer top tôt.
Propos recueillis par Gaspard Manet Bande-annonce du film Les Francis, en salle le 24 juillet
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