ACTU MERCATO
Mécanique d’une rumeur efficace
Grâce au mercato, on peut parler foot toute l'année et en n'importe quelle circonstance. Les rumeurs occupent ces longs jours d'abstinence footballistique. Alors autant apprendre à les manier avec tact en société et sur les réseaux sociaux.
Un semblant d’information
On a l’habitude de dire qu’il n’y a jamais de fumée sans feu et il faut croire que le dicton s’applique également au foot. Une rumeur, c’est généralement un joueur, un entraîneur ou un président qui hésite et balance une information obscure, mal comprise, déformée ou tronquée et reprise à tout-va. Plus elle est vague, mieux c’est. D’ailleurs, ceux qui la lancent, que ce soient les agents ou les clubs, qui ont tout intérêt à faire monter la cote du joueur en question, n’en donnent généralement que peu aux journalistes, histoire d’alimenter encore plus le fantasme. Si la rumeur est plus ou moins plausible, qu’elle répond à un besoin et à une offre, entre un club qui a les moyens et un joueur en vue, elle peut vite prendre et faire trembler le monde footballistique.
Exemple : « La Juve va perdre Pogba et aura besoin d’un remplaçant » + « Rakitić est étrangement silencieux » = « Rakitić à la Juve, c’est chaud. »
Arrondir à la dizaine
Le mercato, c’est aussi une histoire de chiffres. Il y a certains montants qui parlent plus que d’autres. Alors autant gonfler un peu les prix, ajouter des points d’exclamation un peu partout et utiliser des superlatifs, ça fonctionne très bien.
Exemple : « Higuaín, le joueur le plus cher de tous les temps ? » ou encore « Higuaín, aussi cher que CR7 ? » , c’est mieux que « Higuaín, à 94 millions d’euros ? »
Conditionnel et présent
De nos jours, le point d’interrogation n’a plus autant de valeur qu’avant. Du coup, d’un point de vue syntaxique, un « Michael Owen en discussion avec Lyon ? » vaut clairement un « Michael Owen à Lyon, c’est chaud bouillant » . De même, une rumeur se commente d’abord en utilisant le conditionnel, et puis une fois que le temps de conjugaison est initialement posé, il est possible de continuer à développer au présent et à lui donner donc une certaine consistance.
Exemple : « Michael Owen à Lyon ? Après avoir vendu Michael Essien, l’OL pourrait bien réinvestir son argent. Le petit attaquant est désormais sur le départ. Reste à savoir quel sera son point d’arrivée. »
Les bons mots-clés
« Selon une source proche du dossier » , « clause libératoire » , « visite médicale » , « libre de tout contrat » , « cette jeune pépite convoitée par Guardiola » , « en route vers » , « Cristiano Ronaldo au PSG » , « poser sa valise » , « parti pour rester » , « selon la presse étrangère » , « Didier Drogba à l’OM » … Le mercato a son propre jargon, et une information n’est écoutée/relayée que si elle est construite selon un certain modèle. C’est primordial.
Exemple : « Selon l’entourage du joueur, Kévin serait prêt à s’engager avec le club de la capitale. À seulement vingt ans, cette jeune pépite pourrait donc exploser en Premier League. Ne reste plus que la visite médicale à passer. »
Une « preuve »
À l’heure des réseaux sociaux, c’est le meilleur moyen de donner du crédit à sa rumeur : l’associer à un élément visuel qui peut servir de preuve et à un commentaire qui sent la surprise. Un désabonnement du compte Twitter de son club, un like sur un club étranger et voilà que Riyad Mahrez passe sa visite médicale à Chelsea. Après, il est également possible de falsifier tout ça et de lancer une rumeur inventée de toute pièce ou bien d’utiliser certaines anciennes citations d’entraîneurs ou de dirigeants pour les faire correspondre à la situation. Tout est possible.
Exemple :
WTF?! Just seen this on @adidasUK.@addictedtoCFC @Chelsea_HQ @CarefreeDaily @Mourinholic @CalcioChelsea 😱 pic.twitter.com/T845rd4g3Z
— Chelseaolic (@Chelseaolic) 23 juillet 2016
On ne change pas une rumeur qui marche
Et pour finir, il y a également des rumeurs qui marchent mieux que d’autres et qu’il est possible de réutiliser à l’infini telle une franchise Marvel. En France, par exemple, Marseille connaît chaque année son lot de montagnes russes émotionnelles. Cet été, notamment, deux bruits de couloir sont en train de susciter l’envie chez une grande majorité de supporters. Leurs noms ? Lucho Gonzáles et Didier Drogba qui auraient discuté avec les dirigeants olympiens ou se seraient exprimés publiquement et qui ne seraient pas forcément contre l’idée de revenir. Autant dire, une rumeur béton.
Exemple : « Didier Drogba à l’OM ? L’attaquant ivoirien n’a pas écarté l’hypothèse d’un retour sur la Canebière. »
Par Ugo Bocchi
