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Me Baptist Agostini-Croce : « Avec les supporters, le tout répressif ne marche pas »

Propos recueillis par Thomas Andrei
Me Baptist Agostini-Croce : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Avec les supporters, le tout répressif ne marche pas<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Avocat au barreau de Paris, Me Baptist Agostini-Croce sort le 20 octobre un Guide juridique à l’usage du supporter, tentative d’explication des diverses situations juridiques auxquelles peuvent se retrouver confrontés l’ensemble des supporters. Également fondateur du Cercle de réflexion sur le droit pénal sportif, l’auteur considère que les fans sont souvent changés en « cobayes de mesures particulièrement attentatoires aux libertés ». Il aimerait bien que cela change.

Comment est née l’envie d’écrire cet ouvrage ?Je suis moi-même attaché à la question du supportérisme en tant que fervent supporter. Je côtoie le stade de Furiani depuis bientôt vingt ans. J’ai donc pu assister à des dérives, de la part des supporters, mais pas seulement. On juge actuellement l’affaire Maxime Beux devant la cour d’assises de la Marne, ce qui rappelle que les dérives peuvent aussi venir des forces de l’ordre. Ensuite, le supporter est un vrai sujet de droit, qui peut se voir appliquer des mesures préventives et qui peut commettre certains faits susceptibles de caractériser un certain nombre d’infractions passibles de lourdes sanctions. Sa responsabilité, qu’elle soit civile ou pénale, peut donc être engagée. Quand on s’intéresse aux infractions au sein du milieu sportif, on se rend compte que la plupart concernent les supporters. Ce guide vient lister l’ensemble des dispositions qui s’appliquent à eux.

La répression des supporters est surtout faite de mesures collectives, parce que c’est plus simple de frapper sur le collectif que d’identifier les responsables. Il y a un vrai manque d’individualisation.

Comment expliquez-vous les dérives propres au stade ?La commission des infractions au stade peut être expliquée en partie par un effet de foule, provoquant parfois une montée d’adrénaline et un sentiment d’impunité. Il faut néanmoins différencier culture ultra et hooliganisme. Le hooligan, sans trop rentrer dans l’analyse sociologique, son objectif, ça reste principalement la violence. Si l’ultra peut commettre des dérives, c’est souvent du fait de son amour démesuré pour son club. La répression excessive et les mesures collectives peuvent aussi favoriser un sentiment d’injustice, d’incompréhension, de frustration, qui peut donner naissance à des dérives. Le manque de rigueur dans la motivation de certaines mesures n’aide pas. Certaines justifications sont risibles. Lors d’un Nantes-Bastia, par exemple, un arrêté du préfet de Loire-Atlantique imposait aux supporters de ne pas se rendre dans le centre-ville de Nantes… y compris pour les supporters nantais ! C’est ridicule. Mal rédiger les arrêtés, tout faire dans la précipitation pousse les gens à se dire qu’il s’agit d’une vaste blague, cela expose aussi à un risque de violation de ces arrêtés. Leur multiplication conduit également à fragiliser leur prétendue légitimité. Par ailleurs, quand la commission de discipline ferme une tribune visiteur, cela n’empêche pas les supporters visiteurs d’acheter des billets dans une autre tribune. C’est une autre source de risques importants et de problèmes de sécurité.

Estimez-vous que les sanctions envers les supporters ont tendance à être brutales et excessives ?Elles sont tellement brutales que 75% des interdictions administratives de stade sont annulées par le juge administratif. C’est énorme. La répression des supporters est surtout faite de mesures collectives, parce que c’est plus simple de frapper sur le collectif que d’identifier les responsables. Il y a un vrai manque d’individualisation. On pense aussi que les mesures administratives sont indolores pour le supporter car elles sont préventives. Alors que certains arrêtés sont pris très tardivement en oubliant le contexte humain, que des supporters ont par exemple déjà commencé le déplacement ou posé leurs congés pour le faire. Les interdictions administratives de stade peuvent aussi être assorties d’une obligation de pointage, c’est plus que contraignant. Tout cela a un coût. Ces mesures interviennent alors qu’aucune infraction n’a été commise et que la quasi-totalité des gens à qui l’on interdit de se déplacer n’a rien rien à voir avec d’éventuels faits répréhensibles.

Le but du livre est-il en partie d’aider les supporters à se comporter avec les autorités de manière à ne pas être inquiétés ?En ce qui concerne les infractions pénales listées dans ce livre, le but est de connaître précisément leurs éléments constitutifs. Parce que la loi pénale est d’interprétation stricte. Un supporter qui prend connaissance de cet ouvrage peut savoir exactement à partir de quel moment il est en infraction ou pas. S’il est renvoyé devant une juridiction, il peut savoir si l’infraction qu’on lui reproche est caractérisée ou non. Sur la partie des mesures administratives ou des interdictions commerciales, il peut apprendre que ça existe, comment cela s’applique et que c’est contestable.

Parfois, les arrêtés sont justifiés par des histoires qui n’ont aucun sens, je pense à l’interdiction des Lensois à Bastia en 2014 justifiée par un contentieux datant de 1972 !

Sur l’interdiction ou restriction de déplacements, vous écrivez que la mesure peut être justifiée « eu égard à la gravité et à la fréquence des troubles à l’ordre public qu’ont engendrés les rencontres précédentes malgré les mesures de police déjà prises ». Les autorités prennent-elles trop de largesse là-dessus ? Oui. Des arrêtés sont parfois justifiés par l’historique qui existe entre deux clubs. Mais, parfois, ils sont justifiés par des histoires qui n’ont aucun sens, je pense à l’interdiction des Lensois à Bastia en 2014 justifiée par un contentieux datant de 1972 ! Ou encore une interdiction pour un Metz-Lens, par exemple, au motif saugrenu que les supporters messins en voulaient à la direction du club pour le recrutement de Vincent Hognon qui avait joué à Nancy…

Autre sujet : « Il semble ressortir très clairement de la lettre du texte que le lancement d’un projectile qui serait dénué de tout caractère périlleux ne permet pas la répression du supporter ». Pourtant, des supporters ont été réprimandés pour pas grand-chose, non ? Si on suit la lettre du texte qui prévoit l’infraction de jet de projectile, à savoir l’article L.332-9 du code du sport, est réprimé le fait de jeter « un projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes ». Le projectile lancé doit donc présenter un danger pour que l’on puisse entrer en voie de condamnation. Le raisonnement paraît simple : il s’agit de tout projectile, dès lors qu’il est dangereux ; si on jette du papier toilette, comme c’est le cas pour certains tifos, on ne commet pas d’infraction. Si c’est un siège, oui.

Et lancer un drapeau ?Un « coup » de drapeau, cela rentre dans le cadre de l’infraction de violences volontaires. Et même s’il n’y a pas de contact, les violences volontaires peuvent être punies pour leur valeur psychologique, dès lors que la victime a subi un choc émotif. Je me souviens d’ailleurs d’un « drapeau-gate » lors d’un Bastia-PSG, où le joueur Lucas (Moura) prétendait avoir été touché par un drapeau lancé depuis la tribune. Juridiquement, s’il a été touché, cela peut éventuellement correspondre au délit de violences volontaires. S’il n’a pas été touché, le délit peut être caractérisé à la condition que la victime ait subi un choc émotif. Les violences volontaires, c’est une infraction de résultat, c’est-à-dire que le dommage doit être atteint pour que l’on puisse qualifier les faits comme tel.

Nous avons établis que les autorités prennent quelques largesses en ce qui concerne les supporters. Comment peuvent-elles se le permettre ?La plupart des mesures sont prises par l’autorité administrative et, quand bien même seraient-elles contestées, elles auront généralement le temps de produire leur effet avant une éventuelle annulation. Dans le cadre de sanctions prises par la commission de discipline de la Ligue, la plupart des clubs n’interjettent pas appel des décisions prises parce que, derrière, ils se retrouvent devant la FFF, or tout le monde sait que celle-ci est bien plus répressive ! Concernant les mesures administratives, une circulaire de novembre 2019, mise en place par le ministère de l’Intérieur, invitait les préfectures à limiter les mesures de police administrative. Elle n’a rien changé. On a des arrêtés presque toutes les semaines…

J’aimerais en tout cas qu’on ne considère pas qu’être un bon supporter, c’est être un spectateur. On n’est pas un bon supporter parce qu’on reste sagement assis.

« Souvent décrié pour les dérives qu’il engendre, le supportérisme reste une forme puissante d’amour inconditionnel qui transcende et un exemple de véritable union populaire, toutes générations et classes sociales confondues. Toutefois, force est de constater que cette union se dissipe face aux tentatives répressives qui s’abattent régulièrement sur lui et accompagnent une modernisation qui transforme les supporters en spectateurs. » Aimeriez-vous changer la façon dont le droit gère les supporters ? J’aimerais en tout cas qu’on ne considère pas qu’être un bon supporter, c’est être un spectateur. On n’est pas un bon supporter parce qu’on reste sagement assis à regarder le match comme devant son téléviseur. Le football est un sport populaire. Si on empêche les supporters de venir au stade, ce spectacle que l’on veut plus calme n’en est plus un. Il y a par exemple une grande hypocrisie dans les sanctions envers les fumigènes. Dans les vidéos de promotion de matchs à enjeux, les diffuseurs montrent toujours un craquage de fumi et l’utilisation de pyro. On te dit que le spectacle, c’est ça. Mais on vient sanctionner ceux qui le mettent en place. Il faut aller vers une dépénalisation de l’usage de fumigène. La justification de son interdiction, c’est principalement son éventuelle toxicité et les risques de blessure qu’il engendre. Mais les blessures, il y en a très peu, voire quasiment pas. C’est ce qui ressort du rapport Houlié/Buffet, qui nous apprend aussi que des clubs se mettent d’accord avec leurs supporters pour que les craquages ne soient pas excessifs, histoire que l’amende ne soit pas trop élevée ou que l’on évite un huis clos. C’est aberrant. Généralement, on a besoin de plus de dialogue entre les instances et les supporters. Le tout-répressif ne marche pas. Cela ne fait qu’augmenter les sentiments d’injustice et la volonté de rébellion, contre ce que certains voient comme un ordre établi qui ne changera jamais. Le supporter se dit qu’en face, on n’a que faire de la passion qui est la sienne. Les solutions, c’est principalement le dialogue et l’individualisation des mesures. Le collectif doit arrêter de trinquer pour des faits commis par quelques-uns.

Dans cet article :
Des député(e)s NFP appellent à la fermeté face aux violences des ultras
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Propos recueillis par Thomas Andrei

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