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McCourt et la stratégie du silence
Arrivé il y a deux ans avec une réputation sulfureuse, Frank McCourt donne plutôt dans le calme et la discrétion. Comme si l’Américain et l’OM s’étaient apaisés l’un l'autre.
« Alon dwa toh boot ! » Il y a deux ans jour pour jour, Frank McCourt rassure tout le peuple olympien en lâchant ces quelques mots en direct de la mairie de Marseille, calé entre Jean-Claude Gaudin et Margarita Louis-Dreyfus. Après de longs mois à chercher un nouveau propriétaire pour enfin changer d’ère, l’OM voit débarquer son héros. Avec des promesses et surtout une dégaine. Cigare à la bouche, costume trois-pièces de luxe et signes du début de la vieillesse masqués par les séances d’UV, McCourt renvoie l’image du businessman américain typique. En fait, les supporters marseillais ne le connaissent pas vraiment. Et en faisant quelques rapides recherches à son sujet, rien de bien rassurant. Une franchise de baseball ruinée par son passage, la presse américaine qui se réjouit de pouvoir étaler son rythme de vie princier, les détails de son divorce (le plus cher de l’histoire de la Californie) et sa tendance à taper dans les caisses du club pour le financer. Bref, tout semble indiquer que l’OM a été repris par un mégalomane instable. Pourtant, depuis deux ans, la plus grande force de Frank McCourt est bel et bien son calme et sa discrétion.
« J’ai peut-être été un peu trop américain »
La stratégie de communication de l’homme d’affaires américain ? À la reprise, il veut relancer l’engouement du public marseillais en arrivant avec de grandes idées et les mots spectaculaires qui vont avec. Ce sont les promesses de grandeur et l’annonce de l’OM Champions project. Des termes qu’il avouera plus tard regretter : « Je ferais un peu plus attention à certains mots que j’ai utilisés pour décrire le projet. Aux États-Unis, on parle un peu plus directement des objectifs qu’on veut atteindre. Je ne dis pas que c’est bien ou mal. Les gens disent : « Où est le champion ? » Mais il ne faut pas oublier tout ce qu’il y a autour, et que ça ne se fait pas en un an. J’ai peut-être été un peu trop américain, mais j’apprends la culture. Je m’en imprègne. » Moqué pour ses ambitions affichées un peu trop grandes, McCourt a compris une chose : ici, mieux vaut se faire discret.
« Bien dire c’est faire rire, bien faire c’est faire taire. » Ce sont d’ailleurs les mots de son homme de confiance. Arrivé dans le projet de reprise de Frank McCourt au dernier moment, Jacques-Henri Eyraud ne forme pas un binôme avec l’Américain depuis le début. Cette relation a dû se nouer sur le tas. Mais il faut avouer qu’elle fonctionne bien. Rompu à la communication, doté d’une meilleure connaissance de la France, ce sera désormais au président qu’il a nommé de se mouiller dans la presse. À Eyraud de profiter de la lumière, mais également à lui de prendre les quelques coups, comme cette banderole dépliée dans les travées du Vélodrome l’année dernière contre Rennes : « M. le président, fini les promesses mensongères et leurs explications douteuses. Place aux résultats concrets. » À chaque fois, McCourt est épargné.
Le soldat Eyraud
Mais si l’Américain s’exprime moins dans la presse – environ une fois tous les six mois pour tirer quelques bilans, mais sans prendre de risque dans les éléments de langage –, il n’en reste pas moins très impliqué dans le club. Régulièrement présent au stade, parfois de passage dans les vestiaires seulement lorsque cela lui semble nécessaire, il est très sensible à l’image globale de l’OM. C’est par exemple lui qui a décidé de sanctionner lourdement les Yankee après l’affaire des faux bracelets durant OM-OL, avant même que cela ne fasse trop de bruit. Si Jacques-Henri Eyraud est le soldat envoyé au front, qui doit agir sur le terrain et aussi bien dans les instances que sur le marché des transferts, Frank McCourt est le général, responsable du cap global que l’OM doit prendre à long terme. Pas pour rien qu’il a investi dans la formation et obtenu l’exploitation exclusive du Vélodrome. Même si l’OM progresse doucement depuis son arrivée, rarement le club phocéen a paru aussi calme et serein. Comme son propriétaire.
Par Kevin Charnay