- Ligue des nations
- Suède-France (0-1)
Mbappé, l’illusion d’optique
Certes, Kylian Mbappé a illuminé la soirée de l'équipe de France en Suède, grâce à son but. Mais son « éclair » de la 41e minute a surtout permis de détourner le regard sur une piètre prestation collective et un numéro individuel exaspérant.
Un penalty de Griezmann qui s’envole dans la tribune vide de la Friends Arena à la toute dernière seconde du match. C’est le geste qui aurait dû résumer au mieux cette triste rentrée internationale des Bleus, après dix mois de pause. Au lieu de ça, ce sera plutôt un coup de billard, cette tentative de petit pont de Kylian Mbappé qui rebondit sur deux mollets suédois pour permettre au Parisien de s’ouvrir le chemin du but, qui permet ce soir aux Bleus de maquiller leur déficit d’imagination. Pour son premier match de l’année 2020, comme lors du dernier de 2019, Didier Deschamps avait disposé son équipe en 3-4-1-2. Mais l’animation offensive dessinait plutôt un 9-1 : neuf gars qui regardaient un bonhomme se démener en solitaire à l’avant. Que cela soit sur la pelouse, pendant les tunnels de pub ou dans le documentaire présenté dans la foulée sur M6, le gamin de Bondy a été omniprésent. Quitte à frôler l’overdose.
Passement sur une jambe de bois
Pour justifier ce match mollasson, toutes excuses concernant les états de forme asymétriques, les absences, un système relativement neuf ou une ambiance glaciale peuvent être entendues. C’est d’ailleurs ce que disait en substance Mbappé, encore lui, au micro de M6 : « C’est un nouveau système, qui plus est à l’extérieur, ça a été une rencontre compliquée.[…]Tout n’a pas été parfait, on n’est pas tous au même point physiquement, mais on a montré que ça pouvait être une solution pour l’avenir. » Mais à y regarder de plus près, un bon vieux 0-0 des familles aurait été le résultat le plus juste, celui collant au mieux à l’apathie dégagée par ce match. Pour les champions du monde, derrière cette laborieuse victoire, cette prestation ne méritait absolument pas d’être payée trois points, aussi importants soient-ils. Mais Kylian Mbappé a voulu faire ça à sa sauce.
À sa sauce, cela suppose avoir la main lourde sur des grigris inutiles, qu’ils prennent la forme de sa passe talonnade-sautée signature (qui lui a tout de même valu d’être élu auteur du plus beau skill de l’année au PSG) et surtout de passements de jambes aussi inoffensifs qu’injustifiés. Le passement de jambe : un dribble qui 9 fois sur 10 ne sert à rien, car débouche 9 fois sur 10 sur un crochet qui ne surprend jamais un défenseur à peine fixé. Et ce passement de jambe chez Mbappé, c’est autant de temps où il garde la tête baissée, s’enferme sur lui-même et oublie de combiner avec ses coéquipiers. Cette recherche de la performance finalement personnelle sert-elle in fine le collectif qui justement a besoin de remettre un peu d’huile dans ses rouages ? Pas sûr.
Il y a deux semaines, le PSG était en finale de la Ligue des champions. Remis de sa blessure à la cheville, Kylian Mbappé n’avait su se hisser à la hauteur de l’événement. Ce soir, dans la banlieue de Stockholm, il était au pic de sa forme, le sera certainement aussi contre la Croatie au risque de faire crisser son club à deux jours d’un match de championnat, et sera plus que jamais d’attaque avant d’entamer une nouvelle saison de Ligue 1 face aux coriaces Lens et Metz. Là, Kyky pourra encore maquiller les manques parisiens : pendant que ses coéquipiers sud-américains se remettront du coronavirus, lui pourra servir à la louche ses passements de jambes. Et soyez-en sûr : l’air sera bien brassé.
Par Mathieu Rollinger