Mbappé-Hakimi : Comment jouer face à un ami ?

MarocFrance

14/12/2022 – 20:00

Mondial 2022 – Demies

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« Ici, nous jouerons contre mon ami, il faudra que je le détruise. Ça va me briser le cœur. » En mai dernier lors d’un stage à Doha, Kylian Mbappé blaguait devant les caméras du PSG à propos de possibles retrouvailles quelques mois plus tard lors de la Coupe du monde avec son ami, Achraf Hakimi. Réponse de l’intéressé ? « Je vais le fracasser. » Une plaisanterie prémonitoire pour les deux hommes, qui se voient offrir l’occasion de joindre les actes à la parole, qui plus est en demi-finales du tournoi. Depuis que le natif de Madrid a quitté l’Inter pour le club de la capitale voilà un an et demi, les deux jeunes hommes se sont rapprochés, affichant une belle amitié depuis de longs mois. Du pied la tour Eiffel à Doha en passant par Madrid, les deux potes ne se quittent plus. Même en plein Mondial, quand l’attaquant tricolore profite de son seul jour de repos pour rendre visite à son compère au camp de base des Lions de l’Atlas, à la veille du huitième face à l’Espagne.

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— Kylian Mbappé (@KMbappe) December 6, 2022

Chambre qui peut

Dix jours plus tard, les voilà donc face à face. Et c’est peu dire que les deux en jouent, à commencer par le « See you soon my friend » envoyé par le Marocain dès le coup de sifflet final d’Angleterre-France. En privé, il y a fort à parier que le rendez-vous aura fait également l’objet de nombreux messages, plus ou moins taquins. « Cela peut donner lieu à un certain challenge entre eux. Qui va le mieux jouer ? On va voir qui est le plus fort, pense Lise Anhoury Szigeti, psychologue du sport à l’INSEP. Je vois plus ça comme un boost, quelque chose comme : « Je ne vais pas perdre contre mon pote, c’est mort ! »  » Proche de Vincent Aboubakar en sélection, Aurélien Chedjou a croisé la route de l’ancien Lorientais à plusieurs reprises en Ligue 1, puis en Turquie. « Du chambrage, c’est sûr qu’il y en aura toujours, les deux sont de bons vivants, renchérit-il. Ce sont des mecs qui s’amusent bien entre eux, vraiment dans l’esprit convivial et amical. Mais une fois que le match va commencer, ce ne sera plus la même chose. »

See you soon my Friend ?? @KMbappe

— Achraf Hakimi (@AchrafHakimi) December 10, 2022

Si voir deux joueurs proches en dehors du terrain s’affronter sur un rectangle vert est loin d’être une première, leur positionnement (latéral droit contre ailier gauche) les obligera à se confronter à de nombreuses reprises. « Le fait qu’ils soient directement face à face, ça renforce encore un peu le côté chambrage, on va vraiment être en duel. Raison de plus pour que je sois meilleur que toi, c’est un peu un match dans le match, poursuit Lise Anhoury Szigeti. Après, on va s’en rendre compte sur certaines actions, mais il y aura plein d’autres duels et cela reste un match d’une équipe contre une équipe. Cela vient renforcer le truc de : « T’inquiète mec, je vais te battre ».  » La prestation de l’un affectera forcément celle de l’autre, ce qui rajoute à la fois piment et pression autour de ce combat.

« Je ne veux vraiment pas être à leur place »

Du stress et de la pression, il y en aura forcément, demi-finale de Coupe du monde oblige. Une recontre particulière à appréhender, à laquelle vient donc s’ajouter la gestion de ce duel. « Cela va avoir un aspect très particulier pour eux, l’ampleur de l’événement en fait presque une rencontre symbolique, imagine Lise Anhoury Szigeti. La préparation en amont ? C’est très interne au caractère de chacun, mais cela peut être abordé. Forcément, c’est pris en considération, ne serait-ce que par l’entraîneur. Mais ce n’est pas le sujet principal, ils sont concentrés sur leur plan de jeu à mettre en place. » Selon la chercheuse, ce match dans le match pourrait également déteindre sur les coéquipiers. « Cela peut souder l’équipe. « Ok, toi tu as ce duel là à gérer, on va t’aider à ce que ce soit nous les vainqueurs pour que tu gagnes par rapport à ton ami. »  »

Une situation loin d’être évidente, à en croire Aurélien Chedjou. « La question, c’est vraiment avant l’événement, comment se préparer, c’est ça le plus difficile. Et comment on le fait ? On se dit qu’on est professionnel et qu’il faut y aller, tout simplement. La meilleure manière de préparer ce match, c’est de ne même pas y penser. Plus vous y pensez, plus vous allez faire le match dans votre tête et risquer de passer à côté, prévient l’ancien lillois. Préparer ce genre de match, c’est vraiment chaud, je ne veux pas être à leur place. Comme joueur oui, parce que c’est une demi-finale de Coupe du monde, mais avoir son pote en face comme ça… » Dans cette difficile équation, les deux hommes ont pourtant un atout dans leur manche : « Ils ont aussi l’habitude d’être dans la lumière au PSG, ce n’est pas comme si c’était un petit club peu exposé, assure Lise Anhoury Szigeti. Je le vois vraiment comme quelque chose qui va venir les galvaniser. Quand je vois les caractères des joueurs, ils vont aller à fond là-dedans pour se dépasser. »

Messieurs, jouez !

Attention toutefois à ne pas déjouer. Face à face au quotidien sur les terrains d’entraînement du Camp des Loges, les deux protagonistes se connaissent par cœur. Alors quelle stratégie adopter, notamment pour le Bondynois, afin de surprendre son vis-à-vis ? « Peut-être que les schémas de jeu sont différents avec l’équipe nationale et qu’ils vont jouer de ça pour surprendre l’adversaire, soupçonne encore Lise Anhoury Szigeti. D’autant qu’il n’y a pas que Hakimi qui sait comment joue Mbappé. Après, rien n’empêche aussi de faire des petites stratégies pendant le match pour un peu perturber l’adversaire. Mais je pense qu’ils ne s’amuseront pas à tout changer, au risque que ça ne marche pas. » « Je suis sûr qu’ils s’entraînent à voir comment bloquer l’autre, notamment Hakimi. Là c’est pour de vrai, c’est la compétition, insiste Chedjou, dont le vécu avec Vincent Aboubakar diffère quelque peu. C’était en sélection, et ensuite, chacun avait son club, là c’est encore plus difficile parce qu’ils se côtoient sept jours sur sept. Après dans le feu de l’action, on n’y pense pas vraiment. »

Quid alors de l’agressivité ? Le risque de blesser un ami trotte quoi qu’il arrive dans un coin de la tête, à en croire le jeune retraité. « Je ne suis pas sûr que Hakimi puisse faire une Fede Valverde sur Mbappé par exemple, cela changerait à jamais leur relation. Surtout qu’il n’a pas besoin parce qu’il est super rapide. Moi je ne le ferais pas, la santé c’est plus important. Imaginez que vous touchez les ligaments ou le tibia-péroné, c’est sûr que la relation va en prendre un coup. » Tout en jetant inévitablement un grand froid du côté du PSG. « S’il part au but à la 90^e, est-ce qu’il le découpe ? Entre nous oui, je pense », prédit plutôt Lise Anhoury Szigeti. Dans les deux camps, l’espoir reste donc que le scénario ne se présente pas.

Dans quelques jours seulement, les deux amis seront de retour dans l’ouest parisien pour reprendre le cours d’une saison qu’ils veulent remplie d’ambitions. La rencontre de ce mercredi peut-elle d’ici là altérer leur relation ? « Celui qui perd risque d’en entendre parler, mais ça fait partie du jeu. Et en tout cas toujours dans la bienveillance, rassure Lise Anhoury Szigeti. Il y aura du chambrage, mais également un soutien sincère. Une fois qu’on est en club, on est ensemble. » Même idée du côté d’Aurélien Chedjou : « Malgré le fait qu’ils se chambrent beaucoup, il y a beaucoup de respect. Celui qui gagnera ira vers l’autre pour le consoler, c’est le premier truc qu’il fera au coup de sifflet final. » Quoi qu’il se passe sur le terrain, les poignées de main s’annoncent en tout cas plus chaleureuse pour Mbappé qu’avec Kyle Walker lors du tour précédent.