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Mbappé-FFF : d’égal à égal
Kylian Mbappé n’est plus seulement et simplement un joueur de l’équipe de France. Il discute désormais d’égal à égal avec la fédération, mettant, à lui seul, un terme à la parenthèse ouverte par la crise de Knysna. Il reste à savoir quelles seront l’ampleur et les conséquences de ce nouveau rapport de force.
« Après des échanges concluants en présence des cadres de l’équipe de France, du président, du sélectionneur, et d’un responsable du marketing, la Fédération française de football s’engage à réviser, dans les plus brefs délais, la convention inhérente aux droits à l’image qui la lie à ses joueurs en sélection. » Le communiqué de la FFF rendu public notamment sur les réseaux sociaux peut y mettre les formes, il s’agit bien d’une capitulation en rase campagne. Quand bien même elle « se réjouit de travailler aux contours d’un nouvel accord qui lui permettra d’assurer ses intérêts tout en prenant en considération les préoccupations et convictions légitimes exprimées unanimement par ses joueurs. » En refusant de nouveau de participer aux séances photo avec les partenaires commerciaux, faute d’avoir pu rediscuter les termes des obligations qui pèsent sur le joueur international, Kylian Mbappé a obtenu en quelques heures la reddition des maîtres de Clairefontaine. Certes, en ce moment, la fédération ne peut guère s’offrir le luxe d’une nouvelle crise devant l’opinion, surtout avec en vedette l’enfant chéri de Bondy. La marge de manœuvre de Noël Le Graët frôlait le zéro absolu. Il a préféré abréger cette fois, du moins sur ce front.
Une institution au bord du gouffre
Beau vainqueur, l’attaquant du PSG sera donc bien présent, en triomphateur, devant les objectifs des appareils photo. Il restera à noter quelles marques auront droit à cet honneur et si elles correspondent effectivement à son sens de l’éthique. Après le fou rire consécutif à la vanne sur les chars à voile de son coach – une réaction qui avait quelque peu égratigné une com’ si parfaitement maîtrisée -, il fallait réparer les dégâts abîmant son auréole. Et surtout peut-être aussi profiter de la faiblesse de l’institution de tutelle, désormais placée sous le regard du ministère des Sports et du public, pour imposer ses exigences.
Il reste désormais à évaluer quels sont le sens et la signification profonde de ce nouvel ordre au sein de la grande maison de l’équipe de France, à deux mois d’une Coupe du monde compliquée par les blessures, sans parler des inévitables polémiques autour du Mondial qatari. Nos internationaux sortent d’un long sommeil scellé par la « honte » de 2010, qui les avait contraints à faire profil bas et gommer toute forme de revendication. Hors norme, Kylian Mbappé ne l’est donc pas qu’avec ses crampons, car il se pense comme un joueur total ayant vocation à contrôler tous les aspects de sa carrière, partout, y compris à Clairefontaine. Il ne désire pas ruiner le business, mais le paramétrer aussi selon ses propres objectifs. Atout essentiel de l’EDF, aussi bien sur le terrain que dans ses contrats de sponsoring, il se sait incontournable et indispensable. Première question : d’autres coéquipiers auront-ils un poids suffisant ou simplement l’envie de marcher dans ses pas ?
Plus que jamais en tout cas, le foot français paraît changer d’époque. Aussi disparates et différentes qu’elles puissent paraître, l’affaire Pogba, les révélations sur la FFF, la situation tendue dans les tribunes, et désormais la victoire de Mbappé par KO dessinent un étrange portrait de notre foot national. La Coupe du monde, loin de représenter la perspective d’un second sacre, risque de se révéler un nouveau piège. Une compétition qui mettra aussi cette fois, comme lors de la séquence écologie et jet privé, Kylian Mbappé face aux contradictions de son discours éthique confronté à ses propres intérêts personnels.
Par Nicolas Kssis-Martov