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Mbappé-Buffon, l’âge de raison
Volontaire, Kylian Mbappé s’est heurté à un Gianluigi Buffon encore une fois brillant. Si le premier a retrouvé sa jeunesse inexpérimentée, la maturité du second le rend toujours aussi bon. De quoi faire renaître un peu de normalité.
L’image a rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Elle devrait d’ailleurs continuer à se déplacer sur internet et les télévisions pendant quelques jours. Sur une accélération de Kylian Mbappé qui cherche à toucher une balle en profondeur, Gianluigi Buffon est le premier à atteindre le ballon. Le portier se couche sur la sphère, l’attaquant évite son ennemi du jour… et reçoit une petite tape amicale sur le crâne dans la foulée de la part du capitaine turinois. Un geste sympathique, mais cruel pour quelques-uns. Un geste de papa pour tout le monde. Normal. Normal, parce que le Monégasque n’avait même pas un an quand l’Italien gagnait les deux premiers trophées de sa carrière en club avec Parme (coupe de l’UEFA, coupe d’Italie). Et parce qu’il possède plus de vingt ans d’existence de retard sur lui. Dans ces conditions, Buffon a légitimement le droit de se laisser aller à une petite caresse paternelle sur un joueur qui pourrait être son fils. Reste que cet acte représente finalement le duel entre le jeune homme et le vieil adolescent, et par ricochet la rencontre entre Monaco et Turin.
C’est pour ton bien, petit
D’un côté, Mbappé. 18 piges. Jusque-là, tout lui réussissait (si l’on omet la rencontre avec Thiago Silva en finale de Coupe de la Ligue). Forcément, aveuglé par la dynamique, chacun espérait voir le petit prince de la Principauté ajouter la Juventus sur sa liste, déjà longue, de victimes. C’était trop vite oublier que de l’autre côté se trouvait justement une équipe italienne dont la force réside dans l’expérience, guidé par un capitaine de 39 printemps dont la sagesse ne peut se mesurer qu’à ceux qui l’ont vu soulever un trophée de champion d’Europe avec l’équipe d’Italie espoirs en 1996. Un mec qui pèse cent matchs en Ligue des champions (chez les Italiens, seul Paolo Maldini a atteint ce chiffre). Bref, un gars mature. Bien plus que ses adversaires du soir. Si ses coéquipiers ont prouvé que l’ASM devait encore grandir pour espérer se hisser au sommet européen, Buffon, lui, devait démontrer que Kylian pouvait toujours progresser. Quoi de plus sain ? Alors, Gigi a réenfilé ses gants de trente balais, comme il le fait quasiment à chaque fois qu’il entre sur une pelouse, et a rappelé à son cadet qu’il lui manquait du vice, du physique, de la méchanceté et de la malice pour véritablement exister dans la cour des grands. Comment ? En captant tranquillement une tête du Français, d’abord. En sauvant son camp de manière autoritaire, toujours face à l’international tricolore, trois minutes plus tard. En ayant une vision de jeu parfaite, ensuite. Et en faisant preuve d’une sérénité maximale, enfin.
Arbre contre plante
Difficile pour Mbappé de faire mieux, donc. De franchir ce mur qui ne s’effrite jamais malgré les années. De faire chuter cet arbre au tronc bien fixé. De faire trembler ce gardien plus coriace que tous ceux qu’il a croisés cette saison. Dans un certain sens, c’est presque rassurant. En tout cas logique et humain. Car il reste des marches à grimper pour la pépite du Rocher, chose qu’on avait quasiment oubliée. Comme on zappe trop souvent que Buffon est un peu plus proche de la retraite chaque jour qui passe. La cure de jouvence comme la cure d’expérience ne dure qu’un temps. Ce soir, l’horloge a basculé en faveur de l’ancienneté. Que le gardien en profite : si les plus belles plantes poussent à vive allure, l’éternité, elle, n’existe pas.
Par Florian Cadu