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Mbappé, bien plus qu’une affaire de millions
Le dossier Mbappé, s'il n'est pas grand-chose de plus qu'un joli caprice pour le PSG, représente un réel enjeu pour l'avenir de l'AS Monaco. Un enjeu dépassant les simples aspects sportifs et financiers immédiats.
Les grands tournants de l’histoire d’un club se dissimulent souvent sous des événements en apparence anodins ou aux effets court-termistes. En 2010, il y en a eu deux qui ont symbolisé la chute définitive de l’ancien Monaco, amorcée depuis bien longtemps. Une phrase de Guy Lacombe lors de la prolongation d’une finale de Coupe de France perdue contre le PSG : « On balance tout sur Moussa (Maazou) ! » Et, quelques semaines plus tard, la décision qu’il valait mieux récupérer cinq petits millions d’euros que de garder son meilleur joueur, Nenê, jusqu’à la fin de son contrat. C’était là, l’acte de décès symbolique des ambitions de l’AS Monaco. Un an avant le désastre effectif. Aujourd’hui, l’ASM fait face à un autre virage de son histoire, un peu plus palpitant. Derrière les chiffres spectaculaires, les volontés des uns et des autres, les articles se demandant dans quel système seront associés Neymar, Cavani et Mbappé, il se joue bien plus qu’un simple transfert de grande envergure.
Des millions, un message
« Tout le monde a une marche à franchir dans sa carrière pour aller encore plus haut. On ne garde pas un homme contre son gré. Dans le business, si tu vas contre le marché et contre les tendances, tu vas toujours perdre. » Cette déclaration de Rybolovlev au journal L’Équipe en mai dernier a le mérite d’être claire. La question à mettre en relief n’est pas la moralité de la stratégie du tandem Rybolovlev-Vasilyev. Pourquoi serait-ce d’ailleurs plus moral de perdre de l’argent dans le foot que d’en gagner ? Le propriétaire russe a réinventé un modèle, le seul viable pour un club aussi atypique que celui de la Principauté. Mais il faut parfois savoir désobéir ponctuellement à ses principes de bon gestionnaire. Certes, d’un point de vue économique, vendre Mbappé cet été est sans doute la meilleure décision à prendre, en tout cas la plus rationnelle. Sportivement, le club s’en remettra, comme il s’est remis des départs de tous les autres. Mais l’enjeu n’est pas là. Peu importe que Monaco réussisse ou non à accrocher de nouveau le podium, qu’il réinvestisse bien ou mal ses centaines de millions d’euros. Le message est parfois plus important que le bilan. Car le message excédera une simple saison de football.
Dire non comme Wallen ou se coucher comme Maï-li
L’AS Monaco ne sera jamais un géant. C’est dans son ADN. Elle est une étrangeté qu’on méprise et qu’on jalouse alternativement, en marge du football français. C’est ainsi. Il y a toujours quelque chose d’immuable dans l’image qu’imprime un club dans les regards. Le Real Madrid n’a jamais cessé d’être le plus grand club du monde, même quand le Barça lui a presque imposé une décennie de tyrannie. L’OM sera considéré comme le plus grand club français pour un bon moment encore, même s’il a fait rêver une génération d’enfants avec des manigances d’adultes. On ne lutte pas contre les fixations de l’histoire. Mais on peut influencer modestement son mouvement, de temps en temps. Et il y a là une occasion historique pour l’AS Monaco de dire : « Notre club peut encore grandir. » Il ne s’agit pas là de se bercer d’illusions. Qui croit que l’ASM peut réellement dominer autrement que par à-coups le PSG ? Personne.
Mais on ne se couche pas avant même le combat. C’est un principe sportif aussi réel que ceux du marché. Vendre Mbappé à son dauphin éphémère, c’est acter sa soumission au PSG pour les dix prochaines années. Dans l’esprit des clubs, des joueurs, des supporters, des médias et du grand public. Ce sera sans retour, en matière d’image et d’impact, alors que le rapport de force entre le club de la Principauté, et le PSG est déjà complètement déséquilibré sur ces plans. Garder en son sein le plus beau joyau du football français actuel, c’est apprendre à exister au-delà du palmarès, des résultats et du jeu. C’est être celui qui dit non. C’est remettre un peu d’orgueil dans une stratégie guidée par le sang-froid. C’est remettre un peu de passion et d’incertitude dans un modèle qui marche à merveille, mais qui est trop prévisible pour ne pas un jour devenir lassant. C’est la marche que doit franchir aujourd’hui l’ASM pour aller encore plus haut. Mbappé n’est qu’un prétexte, un formidable prétexte que l’ASM se doit de saisir pour grandir. Dimitri Rybolovlev a jusque-là été un grand businessman et un grand président. Il lui faut désormais choisir, pour une fois et pour l’histoire.
Par Chris Diamantaire