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Maxime Spano-Rahou : « Mon frère est arrivé au stade en retard, il ne m’a même pas vu sur le terrain ! »
Dimanche, lors de Nice-Angers, Jean-Clair Todibo a écopé d’un carton rouge après seulement neuf secondes de jeu. Un record absolu ? Impossible d’en être certain. En revanche, on sait d’ores et déjà que le Niçois a fait « mieux » que Maxime Spano-Rahou, prié de rejoindre les vestiaires au bout de quarante secondes à l’occasion d’un déplacement de Toulouse à Lille en 2014. Témoignage d’un expulsé précoce.
Est-ce que tu te souviens précisément de l’action qui a entraîné ton expulsion express à Lille, le 14 décembre 2014 ?Bien sûr. Juste après le coup d’envoi, un central lillois joue long. D’abord, un défenseur serbe de chez nous, dont j’ai oublié le nom (il s’agit du Roumain Dragoș Grigore, NDLR) perd son duel de la tête. Ensuite, François Moubandje se fait devancer par Divock Origi. Et moi, qui ne suis pas fautif dans l’histoire, je poursuis ma course pour tenter de rattraper l’attaquant adverse, sauf que je le déséquilibre. Penalty, carton rouge, la double peine.
Je suis libéré https://t.co/mUW9cKK7GM
— Maxime Spano Rahou (@Maxime_Spano) September 18, 2022
Qu’est-ce qu’il se passe dans ta tête quand tu vois l’arbitre sortir le rouge ?Il y a un film qui défile. Imagine un peu, j’ai vingt ans, c’est ma première titularisation en Ligue 1 et je mets mon équipe en difficulté après seulement 40 secondes. On vit une saison compliquée, j’ai peur que le coach ne compte plus sur moi, de ne plus jamais jouer, je pense à ma carrière… Je suis rentré directement aux vestiaires. Ça ne servait à rien de discuter avec l’arbitre, de toute façon j’étais plus choqué qu’autre chose. Ce qui est sûr, c’est qu’aujourd’hui, avec davantage d’expérience, j’aurais agi différemment. Au lieu de tenter de rattraper à tout prix les erreurs de mes collègues, je me serais positionné différemment et j’aurais laissé Origi aller au duel avec le gardien.
Quel est le sentiment qui prédomine au moment de quitter le terrain ?Un sentiment de honte, quand même, parce que j’abandonne mes coéquipiers très tôt dans la partie. En plus, à la différence de Todibo, moi, je débutais presque en pro. Plein de choses se bousculaient dans ma tête. D’ailleurs, mon frère, qui jouait à Lens à l’époque, avait prévu de venir me voir jouer ce soir-là. Il est arrivé au stade en retard, donc il ne m’a même pas vu sur le terrain ! (Rires.)
Malgré tout, est-ce que ça t’a aidé que ton frère soit présent ?Oui. Après l’expulsion, je suis monté tout de suite en tribunes, pour voir mon frère et discuter de tout ça avec lui. Il fallait que je fasse ressortir la pression. Si j’étais resté seul aux vestiaires, j’aurais gambergé, je me serais posé trop de questions. Une semaine plus tard, il y a eu la trêve hivernale, et je suis quand même assez vite passé à autre chose.
Pour en revenir à des événements plus récents, l’expulsion de Jean-Clair Todibo, dimanche, était-elle trop sévère d’après toi ? Selon moi, oui. Ça valait un jaune. OK, il coupe une grosse occasion pour Angers, mais d’autres défenseurs peuvent revenir. Comme ça arrive très tôt, l’arbitre doit faire preuve de psychologie. Il sait qu’en mettant un rouge après même pas dix secondes, il tue le match. Là, il aurait pu prendre le temps de mieux analyser la situation.
9 – En récoltant un carton rouge après 9 secondes de jeu, Jean-Clair Todibo est devenu le joueur ayant écopé d’un carton (rouge + jaune) le plus tôt lors d’un match de Ligue 1 depuis qu’Opta analyse la compétition (2006/07). Rapide. #OGCSCO pic.twitter.com/PyohU3bgwx
— OptaJean (@OptaJean) September 18, 2022
D’une manière générale, on constate que le corps arbitral a la main lourde en ce début de saison : 34 rouges après huit journées de Ligue 1, 45 après neuf journées de Ligue 2. Je continue de regarder beaucoup de rencontres (il est à la recherche d’un club depuis la fin de son contrat avec Valenciennes, NDLR), et c’est vrai que ces stats sur les expulsions sont totalement folles. Pourtant, les joueurs, ce sont les mêmes, ils ne sont pas devenus des bouchers du jour au lendemain. Le problème ne vient pas d’eux, et sans doute que les arbitres ne font qu’appliquer des consignes issues d’en haut. Mais il faudrait vite remédier à tout cela. Parce qu’un rouge, ça flingue l’équipe qui le reçoit et ça change complètement la physionomie du match.
D’accord, mais comment y remédier ?Les arbitres devraient être un peu plus « cléments » et tendre vers ce qu’il se fait en Angleterre. Si les spectateurs adorent le championnat anglais, c’est aussi parce que les arbitres laissent jouer, il y a des mecs qui se mettent des coups, mais ça n’engendre pas des expulsions à tout-va… On pourrait s’en inspirer. Car là, quand je vois Saint-Étienne se retrouver à huit, Metz faire pareil quelques semaines plus tard, Annecy recevoir un rouge à quasiment chaque match, je me demande où on va.
Propos recueillis par Raphaël Brosse